J’ai rencontré Clément*, souriant jeune homme de 26 ans, homosexuel, apparemment bien dans sa peau et dont l’orientation sexuelle n’est un secret pour personne. Depuis son adolescence, ses amis ont toujours accepté cette différence, elle a même été à l’origine de nouvelles amitiés. Le sujet n’a jamais été tabou, mais avec le débat sur le mariage pour tous, l’adoption et la PMA, les langues se délient, les mots fusent, et parfois blessent. Finalement, l’acceptation de son homosexualité est-elle le gage d’une absence de jugement de la part des amis de Clément ? Un débat à l’origine concernant des réformes en matière de loi, a permis de raviver des sentiments d’intolérance sur l’homosexualité elle-même, et un sentiment de révolte naît chez certains homosexuels. Clément raconte :
Débat « J’ai grandi à Paris, dans le 18e arrondissement, et pour moi, l’homosexualité n’a jamais été un problème. Quelques insultes deci delà, ne m’ont pas ébranlé, et mes amis ont accepté de manière naturelle mon orientation sexuelle.
En octobre, le débat sur le mariage gay a commencé à être médiatisé, des manifestations se sont organisées et le débat s’est petit à petit immiscé dans la sphère amicale et familiale. Pour ma part, je n’avais pas vraiment d’avis sur la question, je laissais les choses se faire, je comprends que l’on puisse être contre.
Coming out… homophobe Cependant, en janvier, lors d’un dîner avec mon amie d’enfance Justine*, elle m’annonce qu’elle est opposée à cette loi. Quand je lui demande quels sont ses arguments, je suis surpris : « Le mariage, c’est la robe blanche, un homme et une femme », « Si les homos ont des enfants, on aura des golios », ou encore « Tu comptes mettre ta robe blanche pour aller au mariage ? », « Je préfère ne pas connaître mon père que d’avoir deux pères gays. » C’est sur ces mots blessants que le dîner s’est terminé et que je suis parti. Moi qui n’étais pas particulièrement engagé, je me suis tout à coup radicalisé sur la question du mariage, devant de tels propos qui, à mon avis, sont des discours que Justine a entendus dans son entourage, les répétant sans mesurer la portée de ses paroles.
Si les homos ont des enfants, on aura des golios
Complexe de supériorité Bien qu’attristé, je me réconfortais avec l’idée que Justine était un cas isolé. Deux jours plus tard, je mangeais avec Noëlie*, une amie très aimante et attentive, dont j’avais fait la connaissance grâce à mon homosexualité, à 16 ans. Une fille entourée d’amis gays. Alors que je glisse dans la conversation que bientôt je pourrai me marier, Noëlie prend tout à coup une mine agacée et déclame une phrase que j’avais entendue de la bouche de Christine Boutin le matin même à la radio :
« Si les homos veulent se marier, ils n’ont qu’à se marier avec une femme. »
« Noëlie, tu penses vraiment que je veux me marier avec une femme ? ». Le débat prenant une dimension plus intime, du fait que je la confronte à ma propre vie, Noëlie a eu l’air déstabilisée, et son discours s’est adapté au fur et à mesure de la conversation. Mais d’instinct, elle était contre, ce qui laisse penser qu’au fond, elle s’estime peut-être supérieure à moi pour penser mériter plus de droits que moi. Le dîner s’est conclu par un :
« Si ça passe, tant mieux, mais je ne ferai pas la fête avec vous. Si tu te maries, je serai contente bien sûr. »
Si ça passe, tant mieux, mais je ne ferai pas la fête avec vous
Révolte Ces deux discussions avec des amies me laissent un goût amer sur ce que la société pense peut-être de moi et mes semblables. J’ai remarqué que ce débat de société a donné un sentiment de légitimité aux hétéros, dans le fait de se prononcer sur l’homosexualité, plus que sur le mariage. Des réflexes d’intolérance apparaissent chez des personnes que l’on n’aurait pas soupçonnées. C’est très révoltant de voir que certaines personnes se sentent dans leur bon droit pour dire quel avenir elles vont t’accorder.
Néanmoins, tout le monde est susceptible de se comporter de manière inadaptée parfois, alors je peux comprendre qu’on puisse dire ces choses. Mais accepter sans broncher, certainement pas, ça serait leurs donner une légitimité qui n’existe pas ».
C’est très révoltant de voir que certaines personnes se sentent dans leur bon droit pour dire quel avenir elles vont t’accorder
Warning *Les noms ont été modifiés
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