Dans la boutique Wati B, rue de la Ferronnerie à côté des Halles, Coumba doit interrompe de temps à autre la discussion pour conseiller ses clients. C’est que la marque de fringues du groupe préféré de ton petit frère, Sexion d’Assaut, marche toujours autant : ce jeudi aprem’, une famille est même venue de Belgique pour acquérir une casquette rouge et noire à l’effigie du crew.
Coumba, elle, est une enfant de la balle version hip-hop : frangine d’un ex-de la Mafia K’1 Fry, elle joue le mystère sur le lien familial qui l’uni à Sexion d’Assaut. C’est aussi la nièce d’un ancien ministre malien. Pour la jeune fille de 20 ans, « urbaine » et « speed », le Mali c’est surtout l’endroit où elle peut se permettre de se lever… à n’importe quelle heure ! Coumba, est le dernier portrait de notre série sur les jeunes franco-maliens de France.
Quand es-tu allée pour la première fois au Mali ?
J’avais 3 ans. J’y suis allée avec ma mère, pendant les vacances, durant deux-trois mois. Je logeais soit chez mon oncle, soit chez ma grand-mère. Mon oncle, du côté de mon père, était ministre. Mais je ne pourrais pas vous dire de quoi. Maintenant, il est directeur du Pôle emploi du Mali. Donc il vit plutôt bien et j’aimais aller chez lui, dans sa belle maison à Bamako. J’étais avec mes cousines là-bas, c’était bien. On est une famille nombreuse. Je me souviens combien l’accueil des gens m’avait surpris. Là-bas quand je suis arrivée ils ont tué un mouton ! C’était la grande fête parce que ma sœur aussi venait de naître. Cela m’a beaucoup étonnée, en France, on ne verrait pas ça.
Je suis retournée plusieurs fois au Mali. La dernière fois, j’avais 16-17 ans. Et c’était moins bien. Je suis tombée malade en fait. J’ai eu le paludisme. Pendant trois semaines, ce n’était pas top parce que j’étais beaucoup à l’hôpital. Mais comme il y a la famille et qu’on est très uni, j’étais quand même contente. Depuis je n’y suis pas retournée mais je suis quand même assez proche d’eux puisque des membres de ma famille font des allers-retours entre les deux pays. On se connaît tous plus ou moins les cousins et les cousines.
Là-bas quand je suis arrivée ils ont tué un mouton !
As-tu l’impression d’appartenir à la communauté malienne de France ?
Je ne sais pas trop ce qui se passe en France par rapport au Mali. Je suis juste allée à Miss Mali, une fois. Après c’est plus en famille, lors de fêtes, comme les mariages, que l’on est vraiment ensemble. Mais sinon pas plus que ça. Je ne sais pas pourquoi. Mais amis ne sont pas forcément maliens, donc ne parle pas nécessairement du Mali. Et avec les amis maliens que j’ai, on parle plus de trucs de jeunes. A part pour des événements comme ce qui est en train de se passer, on ne parle pas plus que ça du Mali.
Mais j’ai des copines et même des cousines maliennes qui ne sont jamais allées au pays. Moi, je pense qu’au bout d’un moment, c’est bien d’y aller, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, pour découvrir la famille… Et puis c’est notre pays. Quand je faisais des bêtises, enfant, ma mère me disait « je vais t’emmener au Mali ». C’était un peu une forme de punition. Et il y en a qui voient encore ça comme ça. Au Mali, au niveau de l’éducation, ils sont durs. Enfin… ils sont biens ! Ce n’est pas comme ici. Un enfant ne peut pas répondre à ses parents ou dire non. Mais moi, je ne dirai jamais à mes enfants que c’est une punition. Je vais les pousser à aller là-bas, mais jamais en mode punition. Il faut découvrir l’Afrique, que ce soit le Mali ou d’autres pays. Il ne faut pas en parler de manière péjorative.
Est-ce que tu bosses un peu de façon indirecte avec le Mali grâce à ton job Wati B ?
Toutes les marques de vêtements liées au Mali, comme Wati B (la marque du groupe Sexion d’Assaut dont des membres sont d’origine malienne, ndlr), c‘est très important au pays ! Il y a aussi Airness. Mon frère a fait une marque de vêtements, African Armure qui est aussi purement malienne. Alors les gens au pays s’y intéressent. Ça leur fait plaisir de voir que quelqu’un du pays a pété (cartonné, ndlr) en France. Et puis, dans le cas de Sexion d’Assaut, ça a pris quelque chose d’énorme. Donc les Maliens sont super contents. Dans leurs textes, Sexion d’Assaut parle souvent de son pays d’origine. Même si c’est un style différent de la musique malienne et africaine, les gens qui vivent au pays y sont sensibles. Le morceau Africain a par exemple vachement tourné dans le continent.
(…)
Mon père, lui, s’est installé au Mali depuis six mois. Il est parti tenter sa chance là-bas. Il a envie de développer des affaires car il y a beaucoup de choses à faire, que ce soit dans l’agriculture, le bâtiment… Je le vois moins souvent mais je suis contente, parce que, si on peut faire travailler des gens là-bas, c’est plutôt cool ! Mais ma mère, qui s’est remariée avec un Français, est aussi en train de lancer un projet au Mali ! Dans la restauration. Bon, moi je ne me vois pas aller y vivre maintenant mais peut-être vers 40-50 ans. Pour l’instant j’ai un bon taf et j’ai pris un rythme de vie auquel je suis habituée. Je sais que si je vais au Mali je ne pourrais pas retrouver un boulot comme ici. J’ai un mode de vie parisien. Comme je suis quelqu’un de plutôt speed, ça me ferait bizarre. Quand je vais au Mali, c’est que du repos. Je me réveille à n’importe quelle heure.
Cumba | Ze story
> 1992 : naissance à Corbeil Essonne (91)> 1995 : première fois au Mali
> 2009 : BEP mode et dernier fois au Mali
> Depuis fin 2011 : à la boutique Wati B
> 2012 : BAC pro vente
Quand je faisais des bêtises, enfant, ma mère me disait « je vais t’emmener au Mali »
Toi qui as un oncle ministre au Mali, comment perçois-tu la situation actuelle et tout ce qui se dit autour de la France-Afrique ?
Je pense que j’ai du recul par rapport à ça. Je ne vois pas mon oncle comme quelqu’un de haut placé. Il vient souvent voir des ministres en France, mais ça ne m’intéresse pas trop. Même si c’est bien de savoir qu’une personne dans la famille puisse bien diriger et ait un bon statut. Je n’ai pas d’avis sur la France-Afrique. Il y a toujours des choses en interne mais je n’ai pas d’avis dessus.
Les gens m’ont posée beaucoup de questions sur le conflit. Tout le monde a un avis. Dans ma classe, je suis la seule Malienne, donc on me demande souvent ce qu’il s’y passe et il faut que je sache répondre. J’ai régulièrement mon père au téléphone. Il me raconte les événements. A la télé ils grossissent toujours un peu les choses. Mon père m’a dit qu’à Bamako, sa ville, ils continuaient de vivre normalement, qu’il n’y avait rien de spécial. En fait le problème a toujours existé dans le nord du Mali, vers la Mauritanie. Depuis des années. On en parle maintenant avec ce qui se passe. Mais à Bamako rien n’a changé.
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