En ce moment

    02/02/2013

    Le consul de France à Bagdad l'a rencontré samedi matin

    Nadir Dendoune, le journaliste «tocard» retenu en Irak par la sécurité militaire

    Par Johan Weisz

    Nadir Dendoune, journaliste franco-australo-algérien, est retenu par les autorités militaires irakiennes depuis le 23 janvier. Ses proches étaient sans nouvelles sur son état de santé, jusqu'à la rencontre samedi matin avec le consul de France.

    Le mercredi 23 janvier, Nadir Dendoune est arrêté par la police irakienne dans le quartier de Dora au sud de Bagdad, alors qu’il est en reportage près d’une usine de traitement d’eau. Dendoune est ensuite emprisonné « pour avoir pris des photos sans autorisation de sites sensibles », selon une source consulaire française citée par l’Agence France Presse. Retenu depuis 11 jours par les autorités militaires, le journaliste n’a pu avertir ses proches que lundi dernier, explique une amie membre de son comité de soutien :

    « Il n’a pu passer qu’un seul coup de téléphone à une amie dont il se souvenait du numéro. Il y a fort à parier qu’il subisse des interrogatoires réguliers. Le Quai d’Orsay se démène mais le fait qu’il soit détenu par les militaires complique les choses. »

    Aux mains des militaires, le journaliste pourrait bien être pris au cœur d‘« une lutte de pouvoir entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire », complète Arnaud Baur du Comité de soutien pour la libération de Nadir Dendoune.

    Rencontre avec le consul de France L’inquiétude des proches, qui n’avaient aucune nouvelle de Dendoune, a duré jusqu’à samedi. Madjid Messaoudène, conseiller municipal à Saint-Denis et ami de Nadir dont il anime le comité de soutien, confie à StreetPress que le consul de France à Bagdad a rendu visite à Nadir Dendoune ce samedi matin :

    « Nadir Dendoune a reçu la visite du consul de France à Bagdad ce samedi matin, pendant une heure et demie. On vient également d’apprendre qu’un juge irakien a été saisi de l’affaire il y a 48 heures, mais on ne sait toujours pas pour quel motif il est officiellement emprisonné. Nadir Dendoune est bien traité, mais par contre côté moral, ça n’est pas trop la forme. »

    Le Quai d’Orsay se démène mais le fait qu’il soit détenu par les militaires complique les choses

    Nadir Dendoune est bien traité, mais par contre côté moral, ça n’est pas trop la forme

    « Tenir ses promesses peut vous mettre dans la merde » Dendoune est arrivé en Irak mi-janvier, avec un visa presse, pour couvrir l’Irak 10 ans après le début de l’opération américaine dans le pays, pour Le Monde Diplomatique et le Courrier de l’Atlas. En 2002, Dendoune avait débarqué en Irak pour s’enrôler comme bouclier humain, il en avait d’ailleurs tiré un livre. Sa chronique publiée par Le Courrier de l’Atlas une semaine avant son arrestation montre dans quel esprit il s’est rendu à Bagdad, et comment il annonçait à l’avance qu’il risquait de se retrouver « dans la merde » :

    « J’avais promis, il y a dix ans, aux Irakiens, que je reviendrai les voir, une fois les Américains partis. Et je tiens toujours mes promesses : j’aimerais parfois être différent parce que tenir ses promesses peut vous mettre dans la merde, mais je suis un mec à l’ancienne, pour ceux qui comprennent le terme. »

    « Rendez-nous notre tocard » « Déconnez pas, rendez-nous Nadir Dendoune, c’est notre tocard », demande Madjid Messaoudene, le vieux pote de Nadir. Car c’est vrai que Nadir Dendoune a toujours revendiqué cette étiquette de « tocard ». « C’est quelqu’un qui est lucide sur l’image qu’il peut renvoyer chez certaines personnes », explique Samba Doucouré, journaliste et étudiant au CFJ, l’école de journalisme par laquelle est passée Dendoune : « Par exemple, quand il grimpe sur le Mont Everest et pose avec son tshirt “9-3”, alors qu’il n’a jamais fait d’alpinisme, les alpinistes se demandent qui est ce tocard ».

    Reste que le tocard a des tonnes de potes. Depuis l’annonce de son emprisonnement, les statuts Facebook de soutien à Nadir fusent. La pétition en ligne sur Avaaz est déjà ce samedi en fin de journée à près de 13.000 signatures. Et de Sidney (Dendoune, né à Saint-Denis a la nationalité française, mais aussi algérienne et australienne) à la Franche-Comté, les potes de Dendoune se mobilisent. Ils étaient un peu plus de 200 à manifester, sous la pluie, vendredi après-midi à Paris.

    « Nadir, c’est quelqu’un qui est proche des gens, qui est entier, qui n’a pas une posture de façade quand il fait son boulot de journaliste », explique une membre du comité de soutien. Samba Doucouré : « Il a participé à tellement de causes, donc il a plein de potes ! Dès qu’il y a une injustice, il fonce direct. Par exemple, il co-animait les “24 heures sans nous” [la journée sans immigrés, ndlr], il a fait le tour du monde en vélo contre le Sida. Pendant les manifs contre Guerlain, il portait le t-shirt des brigades anti-négrophobie ; il était aussi là pour soutenir les familles expulsées de la Courneuve; Donc oui, tout le monde le connaît ! »

    La famille de Nadir Dendoune sera reçue au Quai d’Orsay lundi à 14h30.

    J’avais promis, il y a dix ans, aux Irakiens, que je reviendrai les voir, une fois les Américains partis

    Nadir Dendoune, la Life

    1993: Raid en vélo de 3 000 kms en Australie. Il y vit durant 7 ans et obtient la nationalité australienne.

    2001: Tour du monde en vélo avec le soutien de la Croix Rouge pour la lutte contre le Sida.

    2003: Bouclier humain lors de la Guerre d’Irak, il relate son aventure en 2005 dans Journal de guerre d’un pacifiste.

    2004: Lauréat de la bourse Julien Prunet, il intègre le Centre de Formation des Journalistes

    2007: Dans Lettre ouverte à un fils d’immigré il s’en prend directement à Sarkozy alors candidat aux élections présidentielles.

    2008: Le 25 mai, il atteint le sommet de l’Everest et raconte son histoire dans “Un tocard sur le toît du monde” paru en 2010.

    2013: Retourne en reportage en Irak et est retenu par l’armée irakienne

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER