Faut-il flipper des tickets de caisse ?

Ca a été le buzz santé de la mi-août. Le député (PS) et médecin Gérard Bapt qui alerte la grande distribution et les médias : il faut revoir d’urgence le « procédé chimique pour l’impression des tickets de caisse », écrivait-il dans un courrier aux groupes Carrefour et Casino (lire la lettre page 1 et page 2 ). Ces 2 groupes avaient pourtant déjà supprimé au début de l’année le Bisphénol A de leurs tickets de caisse… Mais l’auraient remplacé par du Bisphénol S, également un « perturbateur endocrinien ».

Le produit chimique qui vient fixer l’encre sur les tickets de caisse, est méchamment dangereux pour les caissières, au point que Gérard Bapt recommande qu’elles portent des gants. Il pénètre l’organisme par simple contact avec la peau, expliquait l’INRA de Toulouse en 2010. Et augmente les risques d’infertilité, « surtout pour les caissières. 95% sont des femmes, jeunes, qui ont un fort potentiel de fertilité que l’on doit préserver », explique à StreetPress l’endocrinologue Brigitte Bourgès. Daniel Morel, délégué fédéral de la Fédération Chimie Energie de la CFDT, assure que le taux de BPA présent dans le sang est 8 fois plus élevé chez les caissières que chez les autres personnes, à force de manipuler des tickets.

Un buzz injustifié ? Mais alors que le Bisphénol A est présent dans tous les plastiques alimentaires, de la barquette surgelée à la bouteille en plastique, sites et journaux font leurs gros titres sur les tickets de caisse. Prendre le ticket de caisse quand on fait ses courses est-il plus dangereux que de léchouiller l’emballage de son plat préparé micro-ondé ?

Le Bisphénol A (BPA) est un perturbateur endocrinien, il est donc classé comme une substance reprotoxique, c’est à dire toxique pour la reproduction et qui peut entraîner la stérilité.
Suites à des études sur la toxicité du BPA, certains distributeurs, comme Carrefour et Casino, ont décidé de le supprimer de leurs tickets de caisse… pour le remplacer par du bisphénol S (BPS), de la même famille.
Pourtant, personne ne peut affirmer que le BPS est totalement inoffensif. 2 études japonaises de 2005 et 2006 estiment que le BPS serait moins « agressif » mais se dégraderait plus difficilement que le BPA et serait donc plus persistant dans l’environnement.

Seul levier de la grande distrib ? Retiré début 2011 des tickets de caisse des groupes Casino et Carrefour , le bisphénol A reste présent dans quasiment tous les rayons des supermarchés. Pour Bapt, s’il se focalise sur les reçus des caisses, c’est que « les tickets sont une source d’imprégnation importante qui s’ajoute à celle que l’on peut avoir dans la vie quotidienne », nous confie le député par téléphone. Côté grande distribution, on explique que « Retirer le BPA des tickets de caisse, c’est du ressort de l’entreprise. Pour les emballages c’est plutôt du ressort des industriels de respecter ce qui touche la santé des consommateurs» confesse, Frédéric Croccel , directeur des relations presse du groupe Casino, joint par StreetPress. Ouais, on peut aussi décider de retirer certains produits, non ?

1.000 fois plus présent Daniel Morel, de la CFDT, explique que « le débat se focalise sur les tickets de caisse car ils contiennent 1.000 fois plus de bisphénol que les emballages plastiques ». Par ailleurs, sur les tickets, le BPA rentre directement dans la peau, ce qui n’est pas le cas pour les emballages. Il conseille pourtant d’apprendre quelques gestes simples au quotidien, comme « faire réchauffer un plat préparés en le sortant de sa barquette », ce qui évite la prolifération du BPA dans les aliments.

Greenwashing La mention « papier garanti sans Bisphenol A » figure au dos de tous les rouleaux Carrefour et Casino. Mais pour Frédéric Croccel, de Casino, «ça participe à une image responsable de la marque mais nous ne communiquons pas dessus. Les clients ne s’intéressent pas assez au sujet pour en faire un argument marketing », confie-t-il à StreetPress. Le député Bapt s’étonne: «C’est marrant, ils disent qu’ils ne communiquent pas dessus mais c’est sur tous leurs tickets de caisse ! Vous vous rendez compte de la communication de quelque chose qui est donné tous les jours à des dizaines de de milliers d’exemplaires dans tous les supermarchés de France. Marque Casino et marque Carrefour ça en fait déjà un paquet ! ».

Pour Daniel Morel, de la CFDT: « Au début les employées ont pris cette mesure comme un acte de responsabilité sociale de l’employeur mais elles se sont rendu compte que c’était juste pour donner une image plus verte à l’entreprise».

Ca n’est pas un argument marketing

Ne tripote pas ton ticket S’il n’y a plus de bisphénol A chez Carrefour et Casino, si tu t’amuses à trop tripoter ton ticket de caisse, tu écoperas de ta dose de Bisphénol S, certes moins agressif mais pas inoffensif pour autant (voir encadré). Chez les autres enseignes, le bon vieux bisphénol A est toujours présent dans les tickets de caisse ou reçus de carte bleue.

Faut-il flipper du ticket de caisse ? « En tant que client, on prend un ticket, on le met dans sa poche et on s’en va. Faut pas paniquer ! », s’amuse Mister Bapt. Daniel Morel de la CFDT: « Il y a moins de risque pour les clients qui ne sont pas toute la journée à tripoter leur ticket, mais ça dépend, certains individus sont plus vulnérables que d’autres. Il ne faut pas s’amuser à rouler son ticket de caisse dans les mains ». Tu as bien entendu ? « Des gestes anodins peuvent avoir des conséquences graves ». Merci Daniel. Et finis les avions de papier avec les tickets de chez Lidl.

Faut pas paniquer

bqhidden. Il ne faut pas s’amuser à rouler son ticket de caisse dans les mains