Salut Hillbilly Moon Explosion. Bon première question, un groupe de Rockabilly de Zurich c’est plutôt détonnant. Vous trouvez votre public parmi les banquiers et les horlogers ?
Emanuela: Enfin de Zurich … on vit à Zurich mais on a pas grandi là bas.
Duncan: On est deux anglais dans le groupe avec Oliver aussi. Les deux autres sont suisse-allemand et suisse-italienne. Ne parle surtout pas de la guerre, hein ! On est juste un groupe typiquement européen et on vit à Zurich parce que c’est au milieu.
Duncan: Ahaha. Mais on joue très peu en Suisse sinon on s’enterrerait. On va partout en Europe. On trouvera toujours plein de jolies filles avec des coiffures et des tatouages à la Betty Page.
C’est quoi la définition du Rockabilly pour ceux qui ne connaissent pas ?
Oliver: Grosso modo, ce sont des ados blancs qui jouent du Blues de noir, au milieu des années 1950. Si on écoute Carl Perkins ou des mecs comme ça, ce qu’ils font c’est jouer du Blues avec une influence Country. C’est ça le Rockabilly, mais ce n’est pas vraiment ce que nous sommes.
Emanuella: Nous, on est plutôt des Noirs qui essaient de jouer du Blues de blancs…
Oliver: Oui c’est ça!
Comment on en vient à aimer le Rockabilly et à être un adorateur des 1950’s ?
Oliver: Quand j’étais gosse je jouais au piano du Boogie Woogie) et mes parents écoutaient beaucoup de vieux jazz, Louis Amstrong, Sydney Bechet etc.. C’est un peu comme ça que je me suis retrouvé dans le Rock’n Roll spécialement le rétro des 1950’s. Et j’aime toujours autant parce qu’il y a une naïveté et une franchise qu’on ne trouve plus aujourd’hui. Enfin ça ne fait pas de moi un adorateur des 1950’s ! Je pense que vivre à cette époque devait être assez horrible!
Luke: Moi je n’aimais pas ça! ils m’ont trainé la dedans! Non, j’ai grandi avec les Beatles, et plus tard j’avais un magasin de disques. J’ai toujours été intéressé à tous les styles de musique. Comme Oliver, c’est l’honnêteté que j’aime. Juste des gens avec des guitares.
Hillbilly Moon Explosion, bio express
Hillbilly Moon Explosion est un groupe anglo-suisse formé par Duncan David, Oliver Baroni et Emanuela Hutter après l’unification des groupes Hillbilly Headhunters et MD Moon en 1998. Rejoints par Luke « The Puke » Peyerman à la batterie en 2001, ils sortent trois albums Introducing the Hillbilly Moon Explosion (1998), Bourgeois Baby (2001) et The Basement Tapes (2005) qui les rendent incontournables sur la scène Rockabilly européenne.
En 2010 les bananes et la gomina sont au top du hip-hop. EMI ne s’y trompe en signant leur album All Grown Up enregistré à San Diego et album de la semaine sur Canal +. 2011 s’annonce comme leur année américaine: Ils joueront au Festival de Sundance en janvier prochain et Martin Scorcese a choisi un de leur morceau pour la BO de sa série Broadwalk Empire diffusée sur HBO.
(Photo: Michela Cuccagna ©)
« Dans le Rockabilly les femmes sont bien plus féminines que dans n’importe quelle autre contre-culture»
C’est quoi la différence entre un amateur de Rockabilly et un gros con de confédéré pro-ségrégation?
Oliver: Il y a une confusion en Europe. A une époque les gens devenaient fan de Rockabilly parce que ça venait des états confédérés. Mais pourtant ça n’a rien à voir. Si tu penses que les confédérés et les conservateurs sont cool, tu ne devrais pas aimer le Rockabilly. En ce temps là, le Rockabilly était une rébellion. C’était des gamins blancs qui jouaient de la musique de Noirs et des ados blanches qui écoutaient des hommes noirs. C’était plus que provocant pour l’ époque !
Après oui, il y avait beaucoup d’images associés à cette musique mais je crois que c’est une bonne chose. Il y a un style de vie qui va avec et c’est probablement une des raisons qui fait que le Rockabilly est toujours populaire aujourd’hui.
Vous allez aux rassemblements Americana ?
Oliver: Bien sur !
Duncan: Les tattoo, les courses de vieilles tires et les coupes de cheveux sont rassemblés par la musique. Ils ont toujours besoin de concerts.
Et c’est quoi les accessoires indispensables pour ces rassemblements ?
Oliver: De la gomme, un peigne…
Duncan: Des bonnes chaussures, de n’importe quelle marque du moment qu’elles ont de la gueule. Bon perso, je suis très chemises psychédéliques, après c’est pas forcement Rockabilly.
Oliver: Sinon t’as besoin de gomina. Regarde les cheveux du batteur ! Et d’une chaine pour accrocher tes clefs.
Emma: La femmes, elles ont de super robes. Et elles sont bien plus féminines que dans n’importe quelle autre contre-culture. Elles aiment montrer leur formes.
Oliver: Le rouge à lèvre. Très rouge! Et des fleurs dans les cheveux !
Le magnifique Brown Eyed Boy de Hillbilly Moon Explosion
« Si tu penses que les confédérés et les conservateurs sont cool, tu ne devrais pas aimer le Rockabilly»
Vous n’avez l’impression que le Rockabilly ressemble plus à du Carnaval qu’à une scène musicale innovante?
Emanuela: Les gens sont autant passionnés par la musique que le mode de vie. C’est la même choses avec le Hip-Hop. Dans les quartiers tout le monde s’habille Hip-Hop. Dans les écoles aussi.
Oliver: Moi j’ai plus d’album Punk-Rock que n’importe quel gosse avec tout l’attirail Punk-Rock ! Tu peux être Punk-Rock et avoir le style. Mais tu peux aussi en écouter sans adopter le mode de vie! Il n’y a pas que le style.
Emanuela: En plus depuis deux-trois ans, dans ces festivals il y a un mélange. Il y a des punks, des rockeurs…
Oliver: Peut-être même des gars de petits webzines français surpercool!
Emanuela: A nos concerts en Suisse il y a des septuagénaires fans de jazz qui côtoient des punks!
La phrase de Tarantino « Rockabilly is the new big thing ». Vous y croyez?
Emanuela: Ce que je remarque ce que le style mainstream d’aujourd’hui s’inspire de plus en plus des 1950’s. L’autre jour je regardais Retour vers le futur avec mon fils de 10 ans. Et j’ai dû lui expliquer que les gens avaient des vêtements des années 1950. Il ne l’avait même pas remarqué!
Le cinéma y est pour beaucoup à ce revival ?
Oliver: C’est sur qu’aux États-Unis, il y a eu le retour d’une iconographie très classique des 1950’s, 1960’s. Maintenant le cinéma s’attaque à l’époque d’avant: Regardez Les ennemis publics avec Johnny Depp et Cotillard. Ce sont les années 1930. Quand l’époque est défrichée, elle revient à la mode. Pour les 1950’s, le coté bastonnage a été évacué par rapport au coté dandy qui est éternel.
Duncan: Il y a aussi une valorisation de travail « fait main ». Une fois des gosses très hip-hop sont venus me voir après un show, et leur premier commentaire fût: « Waouh vous jouez des instruments vous-même ! » Et moi je réponds « Bah oui ». Eux: « C’est dingue, pas de DJ, pas de samples, pas de triggers, pas de loops ». Moi je continue: « Et? » Ils n’en revenaient pas! Il y a une recherche des choses honnêtes et modestes de la musique « faite à la main ».
Le Rockabilly, WTF ?
Le Rockabilly est un des premiers style de musique rock, influencé par la country dans les années 1950. Son étymologie vient des mots « rock » et « hillbilly » qui signifie « péquenaud » en anglais-américain. Dans les années 1980 le style connait une renaissance autour des Stray Cats: Le néo-rockabilly est né, il y mêle de la Surf Music, du Garage-Rock et un zeste de psychédélisme.
Dans les années 2000 la contre-culture Rockabilly s’exprime lors de rassemblements géants d’amateurs de bananes, des ptites pépés bien roulées, et de chevrolets 1960. La culture mainstream participe à la popularité du mouvement à travers les films de Quentin Taratino et certains clips des Queens Of The Sone Age.
(Photo: Michela Cuccagna ©)
Mais vous pourriez sampler aussi des trucs en Rockabilly?
Emanuela: On pourrait!
Oliver: On a samplé…
Emanuela: Non nous n’avons pas samplé!
Oliver: Si le cris de Johnny Bennett « Wooaaahhhh ! ». Mais c’était plus une private joke!
Emanuela: Mais aujourd’hui, tout le monde peut tout faire très simplement. Il suffit d’acheter un appareil photo et un Apple pour que les nanas aient des photos casi-pro sur Facebook! Mais il y a un besoin de faire des choses par soi-même et par l’apprentissage. Pas seulement par accident
Duncan: Pas comme par exemple en téléchargeant un plug-in pour jouer du Rockabilly! Non, ici il faut savoir jouer d’un instrument !
Toi Emanuela, tu as fait une carrière solo aussi ?
Emanuela: On a joué à deux avec Oliver qui m’accompagnait. C’était très sympa mais je me suis ennuyée ! Moi je veux voir les gens bouger leur popotin! Je ne veux pas chanter à propos de ma vie ennuyeuse, ou de mes histoires d’amour. Je veux que les gens dansent et entrent en transe! Et pas grâce à des ordinateurs !
Duncan: Moi je veux qu’ils se saoulent la gueule !
Hillbilly Moon Explosion, le Hip-Hop et les samples
D’ailleurs la drogue dans le Rockabilly, il y en a beaucoup?
Emanuela: Je ne sais pas…
Oliver: Je crois surtout qu’on ne peut pas répondre à cette question !
Duncan: Il y a une image superclean.
Oliver: Fuck Off! Vous êtes dingues? Aux rassemblements americana, tout le monde fume de l’herbe! Et bien sur ils aiment boire. Et puis pour être capable de danser jusqu’à 7h du mat’ ne soyez pas naïf, c’est l’ecstazy !
Duncan: De l’ecstazy ? Dans le Rockabilly ?
Emanuela: Et bien la prochaine fois on demandera ! Tous ceux qui sont défoncés à l’ecsta levez la main !
Oliver: Sérieusement, aux festivals au Royaume-Uni, il y a du speed et de l’ecsta. Et franchement c’est OK. Ce sont des drogues récréatives faciles à prendre ou à ne pas prendre. Tu vas pas trouver beaucoup de morts par overdose à nos festivals. Mais il y a 20 ans, c’est marrant le Rockabilly était un truc de conservateurs.
Dans les 1950’s il n’y avait pas de drogues peut-être?
Oliver: Je pense qu’il y avait les mêmes drogues qu’aujourd’hui: des amphétamines et de l’héroïne. Mais je trouve ça plutôt ironique que Elvis soit devenu accro à l’héroïne pas quand il était un rocker chaud-lapin mais quand il a rejoint l’armée! Dans l’armée il est devenu un de ces vieux américains conservateurs et en même temps un drogué! Mais c’est ça l’Amérique: la schizophrénie.
Comment ça s’est passé l’enregistrement pour Canal +?
Duncan: C’était hier soir. On a joué 9 chansons, c ‘était pour l’Album de la semaine
Oliver: On avait fait la Musicale déjà. Là ça serait diffusé le 18 juin je crois. C’était bon je pense. J’adore la télé, on est chouchouté, c’est génial. Dans un concert tu arrives, t’installes le matos, tu fais la balance du son … A la télé, tu arrives et tout est prêt. Et tu fais des pauses d’une demi-heure. T’es relax quoi !
Sinon Roger Federer est-il Rockabilly ?
Luke: Je ne crois pas qu’il soit intéressé par la musique.
Duncan: C’est plus le tennis son truc.
Luke: Ah bon ? Je croyais que c’était le golf ?
Les égéries pop-1960’s des membres de Hillbilly Moon Explosion
Duncan: Miles Davis. La musique swing était à la mode avant la deuxième guerre mondiale et il y avait beaucoup de Bebop . Les musiciens aimaient mais le public beaucoup moins. Miles est arrivé et a dit: « J’en ai marre de cette merde de Bebop. Faisons un truc accessible et cool ». Après les gens n’ont plus jamais écouté les harmonies de la même façon.
Emma: Billie Holliday, Pasty Cline, Loretta Lynn. J’aime aussi les films mais bon…
Oliver: Alfred Hitcchcock et surtout sa période Film Noir. J’aime les couleurs, la texture de la pélicule et comment les acteurs se fondent dans le film. Ils ne servent que l’histoire. C’est très pur. Quand l’atmosphère et l’histoire sont bien, ce n’est pas très important les acteurs.
Luke: Buddy Rich. Et pas seulement pour les 1950’s. Il est intemporel.
Le shooting-photo de Hillbilly Moon Explosion par Michela Cuccagna
Source: Robin D’Angelo | StreetPress
Crédits photos: Michela Cuccagna | StreetPress
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