Saviez-vous que la mairie de Paris avait ouvert ses bases de données, sur une décision du Conseil de Paris ? Une décision voulue, car « un grand nombre de ces données n’est pas suffisamment porté à la connaissance du plus large public. » Depuis, on peut retrouver sur le site opendata.paris.fr de nombreux tableaux de données.
Parmi ces infos, la base de données des « 1.000 titres les plus empruntés dans les bibliothèques parisiennes en 2011 ». Un classement officiel, pour chaque bibliothèque de Paris, sur les 58.000 titres les plus empruntés – chaque bibliothèque nous informe sur les 1.000 titres les plus aimés à l’intérieur de ses murs.
Premier constat Les Parisiens sont friands de BD. Avec plus de 21.400 bandes-dessinées empruntées en 2011, le genre reste encore très fortement plébiscité. Des BD principalement classiques et intemporelles, comme Tintin ou Astérix et Obélix.
En deuxième position arrive le livre, avec plus de 20.000 emprunts, loin devant les CD et les DVD – même dans les médiathèques. Pourtant, les médiathèques font ce qu’elles peuvent pour attirer le chaland : dans la base de données, on aperçoit 5 DVD réservés aux plus de 18 ans, comme Ma mère de Christophe Honoré. Quant aux CD, ils sont essentiellement regroupés à la médiathèque musicale de Paris, dans le 1er arrondissement. C’est d’ailleurs la seule bibliothèque du 1er arrondissement (d’où l’absence de l’arrondissement dans notre classement ci-dessous).
Le reste ? Quelques 6.500 cartes, méthodes musicales, méthodes de langues… qui occupent la catégorie fourre-tout baptisée « autres ».
Plus de 21.400 bandes-dessinées empruntées en 2011
Ce qu’il faut retenir
1 Les revues trustent les premières places
Dans toutes les bibliothèques de Paris, les revues figurent en haut de classement, alors que nous avons vu ci-dessus qu’il y avait davantage de livres et de BD empruntés que de revues. Comment expliquer ce mystère ? C’est simple : quand vous empruntez une revue, que ce soit le numéro 3 ou le numéro 500, cela sera comptabilisé comme l’emprunt d’un même titre. S’il y avait une catégorie « livres » qui regroupait tous les romans et les essais empruntés, alors les livres gagneraient dans leur combat face aux revues. Vous suivez ?
Cela dit, l’engouement pour la presse magazine est réel, comme l’explique joint par StreetPress Christophe Evans, spécialiste de la sociologie de la lecture et des usages en bibliothèque : « Ce sont des formes courtes fortement segmentées qui se lisent rapidement et peuvent être consommées facilement. »
2 Peu de spécificité selon les arrondissements
Le classement est à peu près le même, que l’on travaille sur les données du 6e ou du 20e arrondissement. Ni CD, ni livres, essentiellement, vous l’avez compris, des revues. Au top : Astrapi, Elle, Spirou et le Journal de Mickey.
Seules exceptions : les 2e, 3e et 6e arrondissements, où l’on retrouve plus de revues “classiques” que de revues jeunesse, comme Marianne, Micro Hebdo ou Madame Figaro. « L’offre fait le client, quand une revue est là et disponible, on la prend », glisse Christophe Evans. En résumé : si un arrondissement est plus fan de Madame Figaro, c’est peut-être parce que la revue est plus facilement disponible.
3 Les bibliothèques, c’est pour les enfants
À Paris, ce sont donc les revues pour enfants et jeunes ados qui sont au top du hip-hop. Explications de Maria Courtade, directrice de la bibliothèque Marguerite Audoux, dans le 3e arrondissement.« Ce sont les BD qui se vendent le mieux. Alors il est logique que la revue d’une BD comme le Journal de Mickey jouisse d’une popularité particulière. Ces magazines sont essentiellement empruntés, parce qu’un abonnement coûte cher, et que le public qui fréquente les bibliothèques est très souvent scolaire. »
4 Les bibliothèques, c’est pour les femmes
Femme actuelle, Elle, Madame Figaro et Marie Claire font des apparitions fréquentes dans les tops de plusieurs arrondissements. De la presse féminine en grande partie, car mesdames seraient plus consommatrices de livres et de revues que ces messieurs. On n’invente pas : d’après une étude du ministère de la culture sur la fréquentation et les usages en bibliothèques en France, sur l’année 2008, 61,56 % des « usagers » étaient des femmes. « Il y a plus de femmes qui s’inscrivent et empruntent, notamment des mags et des romans fictions. En France, en Europe et même dans le monde occidental, les femmes lisent plus que les hommes », décrypte Christophe Evans.
Les femmes sont particulièrement bien représentées dans le 2e arrondissement, où figurent en tête de liste Elle, Femme Actuelle, et Madame Figaro. À noter aussi que dans cet arrondissement figure une seule revue jeunesse, Spirou, contrairement aux classements des autres bibliothèques.
5 Les mags d’actu, ce n’est que du classique
Ici, pas de XXI, d’ Usbek et Rica ou de Causette. Quand les lecteurs empruntent des magazines d’actu, ils font dans le genre classique, avec des titres aussi funky que Le Point, L’Express, le Nouvel Obs, 60 millions de consommateurs ou Que choisir ?.
« C’est l’effet de masse qui joue. Si vous regardez les livres les plus vendus en librairie, on trouvera par exemple Harry Potter. En bibliothèque, c’est pareil. Et puis, le public de Causette par exemple, c’est une tête d’épingle, c’est un public très spécifique. D’autant qu’il est très typé féministe. Les Inrocks aussi c’est un peu une tête d’épingle, sauf que maintenant, il jouit d’une grande notoriété et est considéré comme un mag de news culturelles généralistes », note Christophe Evans.
L’offre fait le client, quand une revue est là et disponible, on la prend
Le public qui fréquente les bibliothèques est très souvent scolaire.
Le public de Causette par exemple, c’est une tête d’épingle
6 Les bibliothèques, le seul endroit où tu croiseras des gens qui lisent Vocable
Vocable tu te souviens ? Cette revue trop relou que ta prof d’anglais en 4e te conseillait de lire. Mais à part Claire, assise au premier rang, personne ne l’avait ouverte… Elle avait surement dû la lire dans une bibliothèque. Vocable paraît un jeudi sur deux et propose à ses lecteurs des articles en version originale (allemand, anglais ou espagnol) et la traduction en français des expressions difficiles. La revue se place en 4e position dans le 4e arrondissement et dans le 16e.
7 … Et qui lisent Micro Hebdo
Qui a déjà acheté Micro Hebdo ? Allez, dénoncez-vous ! Le magazine high-tech figure en haut de la liste dans les 4e, 10e, 11e, 15e, 18e, 19e et 20e arrondissements. Sur StreetPress, Alexis Bernard, responsable du service diffusion de la revue, explique que « pas mal de de bibliothèques s’abonnent, mais on n’a pas de contrat de diffusion. Je ne saurais pas dire pourquoi on a autant de succès dans les bibliothèques parisiennes. » Mais c’est quoi, cette revue ? Eh bien, vous avez déjà dû surfer sur le site 01net : Micro Hebdo, c’est la revue de ce site en question, tirée à 178.807 exemplaires en 2011, selon l’OJD.
8 Dans le 13e, la présence de la diaspora chinoise
Au beau milieu de toutes les revues, dans le 13e, apparaît un recueil de légendes chinoises : Shan Hai Jing. Le seul livre de TOUT le classement parisien. Pour Annette Alix-Labalette, chargée de comm’ à la direction des affaires culturelles de la mairie de Paris, l’explication est simple : « la médiathèque Jean-Pierre Melville est dotée d’un pôle “Langues asiatiques”. » Des ouvrages essentiellement vietnamiens et chinois y sont dispos.
Et preuve que le pôle langues asiatiques n’a rien d’anecdotique, les 468 emprunts de l’ouvrage Shan Hai Jing ont effectivement tous été lus dans cette médiathèque Melville. Notez qu’on peut aussi trouver d’autres livres en chinois dans les bibliothèques Marguerite Audoux, Marguerite Youcenar, Benjamin Rabier, Crimée et Hergé.
Plusieurs autres arrondissements proposent aussi l’emprunt d’ouvrages en allemand, arabe, espagnol, italien et portugais. Si l’envie vous prend d’entamer la lecture d’un livre en arabe, vous pouvez par exemple vous rendre dans le 15e, à la bibliothèque Marguerite Yourcenar, ou dans le 19e, dans les bibliothèques Benjamin Rabier et Hergé.
9 Le 16e est tourné vers les élites internationales
Dans le 16e, on lit, comme ailleurs, Le journal de Mickey, Astrapi, Elle et Spirou bien sûr, mais aussi I love english, The New Yorker, Der Spiegel ou encore Vocable. Un arrondissement sensible à la culture internationale donc. En fait, la bibliothèque Germaine Tillion (ex-Trocadéro) possède un pôle langues qui regroupe près de 4.300 livres en langue étrangère, 200 BD, 1.600 méthodes de langues et 1.200 livres sonores. « L’essentiel des emprunts de Vocable et des autres revues étrangères viennent de là », explique une employée de la bibliothèque.
On trouve aussi dans cette bibliothèque Germaine Tillion un pôle Tourisme et voyages qui regroupe 11.300 livres, 1.600 cartes et plans, et 21 périodiques disponibles. Auxquels s’ajoutent les 20.000 documents, du 19e et du 20e siècle et même un Atlas Hondius-Janssonius de 1689 numérisé, consultable sur place.
Je ne saurais pas dire pourquoi on a autant de succès dans les bibliothèques parisiennes
En bonus
Petit cadeau pour le plaisir : la playlist des CD les plus empruntés dans les bibliothèques parisiennes en 2011. Les Beatles et Pink Floyd plutôt que Shy’m et M. Pokora, ça fait plaisir. À noter l’étonnante deuxième place de… Bernard Lavilliers.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€ 💪Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER