Il y a les émissions qui parlent de foot en mode sirop, potiches et gros matous. Et il y a les autres comme l’After sur RMC, ambiance Ricard, baston et Rock’n Roll. Citée par le très branché Technikart ou le très élitiste Gonzaï , l’émission animée par Gilbert Brisbois cartonne avec 150.000 auditeurs par soir et se targue même de recevoir des peoples: Rama Yade, Omar et Fred ou les trublions d’Action Discrète de chez Canal Plus. L’After, c’est en fait « the place to be » pour parler foot et afficher son coté kop plutôt que présidentielle. Alors Beauf ou Hype, l’émission animée par la paire Riolo/Brisbois?
Ambiance PES avec les potes
Rendez-vous pris en trois SMS chrono: MC Brisbois, aux manettes de l’émission, nous ouvre les portes en toute transparence de son programme marathon du lundi soir de 20h à minuit. Installés en régie, la vue est imprenable sur le bocal. L’unique télé y diffuse un combat de catch – John Cena met une branlée à Batista – pendant que Jérôme, le préposé au tri des appels des auditeurs, mange une pizza. Ça sent l’homme : il ne manque plus que des bières et PES pour qu’on se sente comme à la maison.
Surprise, nous ne sommes pas les seuls invités : deux fans de l’After ont eux aussi réussi à s’incruster à l’émission. En fait c’est monnaie courante ici : « Ah bah, y’a toujours deux ou trois personnes d’invitées dans le studio », explique en mode détente Thomas, l’assistant de Brisbois. Nacer, un des deux gus « fans de l’émission depuis 4 ans » est en extase :
« Y’a 20.000 écrans on croirait la Nasa ! ».
Les yeux aussi ronds que ceux d’un gamin enfermé dans un Toys’R‘Us, il confie adorer l’After « parce qu’on ne caresse pas les joueurs dans le sens du poil ».
L’After est la seule émission 7 jours sur 7 consacrée au foot dans les médias. Elle est animée depuis 2006 par Gilbert Brisbois, ex-Europe 1, autour du duquel se relaient une équipe de consultants: Daniel Riolo, Jean-François Perez, Fabien Lefort, Florent Gautreau, Marc Ambrosiano, Stéphane Pauwels.
L’After en chiffres, ce sont deux pages Facebook qui recensent plus de 14.000 fans, un audimat moyen de 150.000 auditeurs (soit l’affluence maximum au Rungrado May Day Stadium à Pyongyang) et un blog parmi les plus visités de la blogosphère football.
Gignac et Perrinnelle sur le Grill
Démonstration in situ : l’invité du soir Damien Perrinnelle , défenseur de l’équipe de Boulogne est cuisiné par Daniel Riolo et Gilbert Brisbois. Dans l’ordre on lui demande de balancer les noms des coachs les plus vindicatifs, les bancs de touches les moins corrects et les pires « garces » du championnat. Perrinelle mal-à-l’aise botte en touche pour les bancs et répond « Gaby Heinze » pour « les garces ».
Tu parles d’un scoop. Mais pour les coachs c’est Rudy Garcia le lillois, l’heureux élu. Riolo s’enfonce dans la brèche : « Ah ça te plait bien Lille ? ». Brisbois rebondit, « surtout qu’il y a une place en défense, maintenant que Ricardo est parti en Espagne…». Perrinnelle bredouille. En studio Thomas le réalisateur s’excite :
« Il est en train de se placer ! Il est en train de se placer ! »
Puis, André-Pierre Gignac passe un coucou au téléphone. L’attaquant du TFC a été préféré à Karim Benzema pour le Mondial et il est rôti sur le grill par les deux cuistots. « T’as eu une saison difficile, t’es le chouchou de Domenech ou quoi ? » attaque Riolo. Le papa d’André-Pierre Junior sue à grosses gouttes à l’autre bout du combiné : « Heu oui, non… heu c’est pas ça…».
« Et sinon Henry, t’en penses quoi ? Tu pourrais jouer à sa place ? » continue Brisbois. L’équipe en backstage se marre. Gignac récite son discours bien rodé : « Henry on sait tout ce qu’il a fait pour l’équipe ». Le champion du monde 98 appréciera l’épitaphe.
Des embrouilles avec les joueurs, les familles et leurs agents
« Difficile de les faire sortir des clous, surtout qu’il était prévu dès le départ que Gignac ne parlerait que de l’équipe de France » regrettent Gilbert et Daniel en coulisses après leur interview de l’attaquant bleu, trop lisse à leur goût. Parler de ballon rond autrement qu’avec la brosse à reluire, c’est la spécialité de l’émission, détaille MC Brisois :
« Il y a un ton général à RMC qui est assez polémique et d’opinion. On fait des choix de ne pas prendre certains joueurs, du coup ça peut arriver qu’on ait personne. Mais on peut faire une très bonne émission sans Benzema. »
Parfois, à ce jeu du je t’aime moi non plus, des embrouilles ont lieu avec les joueurs, leurs agents et même leurs familles. « Landreau m’avait appelé, Cissé aussi et même l’agent de Benzema … Ces mecs là s’attendent à être mieux traités que le président de la République qui est brocardé tous les jours dans les Guignols » s’énerve Riolo, tout en louchant sur une pizza fumante que s’apprête à déguster le responsable du standard. « J’ai trop la dalle ! » braille-t-il avant de rejoindre sa place, le ventre gargouillant sous son gilet Gentleman Farmer.
Riolo : « Réac un peu, mais surtout pas beauf ! »
Daniel Riolo, c’est un peu le Roy Keane de l’After : on compte sur lui pour faire siffler nos oreilles, lancer deux-trois gueulantes et surtout s’embrouiller avec ses coéquipiers. Quand on lui demande si c’est un rôle qu’il joue, Riolo répond spontanément: « Non je suis journaliste, je ne suis pas comédien ». Un beauf alors ? Car si on se réfère aux pages de pub qui entrecoupent l’émission, l’auditeur de l’After est célibataire, n’est pas contre un plan cul, et aime bien les voitures :
« Quoi ? Beauf nous ? Non, je crois qu’on va pas être d’accord. Réac, un peu mais surtout pas beauf ! Les gens qui vont dans les stades ne sont pas tous des décérébrés ! »
Il retourne en studio tandis qu’on entend la dernière page de pub de l’émission : elle vante un numéro surtaxé pour « rejoindre les célibataires de ta région ».
Dans les couloirs feutrés du football business, le caractère de Daniel Riolo détonne. Réputé pour son franc-parler et ses coups de gueule qui rendent parfois l’émission inaudible, Daniel Riolo est en train de prendre la place de Pierre Ménès – qui le déteste – dans le rôle de la grande gueule du foot. Sur son blog langue de but , chaque billet génère entre 600 et 5000 commentaires.
L’After : pas de mal à se faire du bien
Au téléphone, c’est maintenant aux auditeurs de jouer les journalistes sportifs. « Tiens regarde, là j’vais mettre un psy ça va être marrant ! », rigole comme un gamin qui prépare un mauvais coup, Jérôme, celui qui choisit les intervenants. Lazare, psychologue de son état, vient expliquer « pourquoi Domenech a choisi Valbuena plutôt que Ben Arfa ».
« Alors M. Lazare le psy, tu arrives à décrypter Domenech? », commence Brisbois. Riolo embraie : « Domenech est-il fou, Lazare? ». Lazare sort son speech made in café du commerce : « Valbuena, il met de la bonne humeur, il peut apporter de la joie ! ». Les deux speakers font la moue et ne sont pas plus convaincus que les spectateurs en backstage. « Tin y’a pas besoin d’être psy pour dire ça ! », râle le pote de Nacer qui mime une branlette.
Ingrédient important du succès de l’After : ses spécialistes du football européen, baptisés les Drôles de dames , qui interviennent en direct pour débriefer championnats et équipes nationales étrangères. Philippe Auclair, le flegmatique gunner de coeur, dévoile les coulisses du championnat anglais. Didier Mengo décrypte les inénarrables méli-mélo du Calcio. Frédéric Hermel, « el chico madrilène », sélectionne les meilleurs moments de la Liga espagnole et Polo, le vengeur masqué de la Bundesliga défend urbi et orbi les vertus de la culture foot teutone.
C’est ça aussi la force de l’After : donner la parole aux auditeurs, comme au comptoir du Bar/PMU de la place de l’Église de Montigny-Lès-Vesoul, quitte à aligner les poncifs. « On aurait pu parler encore longtemps », soupire Gilbert quand il sort du studio aussi vanné qu’après un match avec prolongations, tirs au but et remise de médailles comprise. Il poursuit :
« Je suis toujours fasciné par l’actualité du football, chaque jour on pourrait faire quatre heures ».
Un peu aussi parce que les intervenants ont parfois trop tendance à se branler. Mais question football, il n’y a jamais de mal à se faire du bien.
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