Allô Olivier, vous êtes de retour en Ardèche pour le 14 juillet. Ca fait du bien de quitter Paris ?
Oui, j’étais entre Bruxelles et Paris… Ca fait de grosses séries d’absences sur l’exploitation, qui nécessitent après de donner un sacré coup de collier. Parce qu’en ce moment, c’est la haute saison pour les apiculteurs, alors on met les bouchées doubles…
C’est-à-dire que les abeilles vous font sentir que vous leur avez manqué?
Non, ça veut dire que mon associé me dit qu’il y a beaucoup de choses à faire. Là je suis en train de déplacer les hausses pour les porter sur la salle d’extraction, dans laquelle je vais extraire du miel. Et ensuite, je vais très rapidement commencer le conditionnement, pour qu’il y ait suffisamment de miel pour l’été. C’est en ce moment qu’on fait beaucoup de ventes ici.
Hier, à l’Assemblée Nationale, Bruno Lemaire vous a envoyé balader sur la question du Cruiser OSR…
Hier, à l’Assemblée Nationale, Bruno Lemaire a fait une réponse que font souvent les ministres, qui ne donne pas forcément satisfaction tout de suite. Mais j’ai noté, quand même qu’il a évoqué l’effet cocktail, en disant que s’il était prouvé, l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser OSR pourrait être remise en question. Dont acte.
L’effet cocktail ?
Une étude de l’université de Clermont, du CNRS et de l’INRA, publiée le 7 juillet prouve cet effet cocktail, qui accroît très considérablement le taux de mortalité chez les abeilles. Un cocktail entre une maladie des abeilles, la Nosema et le fameux thiaméthoxam, la molécule active du terrible Cruiser qui vient de recevoir son autorisation de mise sur le marché début juin.
div(hash). Qui es-tu Olivier Belval ?
Olivier Belval est président de l’Unaf, l’Union nationale de l’apiculture française. En 2002, l’apiculteur a repris les ruches de son père Maurice, en Ardèche. Et s’est associé quelques années plus tard à son beau-frère Guillaume. Olivier vend du bon miel bio, d’acacia ou de bruyère blanche et aussi du nougat au miel. Pour commander, c’est par ici.
Le cocktail Nosema + Thiaméthoxam accroît très considérablement le taux de mortalité chez les abeilles
Ce que vous dites, c’est qu’au printemps, les abeilles se dirigent vers les champs de colza et qu’avec le Cruiser OSR elles auront un vrai souci au printemps prochain.
Oui parce que le colza, c’est la culture la plus importante pour les apiculteurs : elle permet de développer énormément les colonies d’abeilles et de produire du miel. Si on retire le colza et le tournesol, on se retrouvera avec 50% de miel en moins produit en France !
Oui mais vous, par exemple, vous produisez du miel d’acacia, de sapin ou de lavande… C’est pas du colza ?
Moi je suis engagé dans l’agriculture biologique, du coup ma production est nettement plus basse que si je pouvais, avec mes ruches, aller sur des champs de colza au printemps.
Mais on en voit rarement du miel de colza, non ?
Oui, pour les miels monofleuraux, c’est rarement le cas. Mais quand on achète du miel de colza, il s’appelle souvent « miel de fleurs » ou « miel crémeux », avec des indications qui n’indiquent pas la fleur, parce que le colza c’est pas une fleur très sexy…
Après le Gaucho, le Regent, maintenant le Cruiser OSR. Pourquoi ces insecticides sont-ils si méchants ?
Ce qu’il faut bien voir c’est que la production nationale de miel a baissé de moitié ces dernières années. Et ça, c’est consécutif de l’arrivée de toute une série de produits, les Gaucho, le Regent) et le Cruiser qui au début n’était autorisé que sur le maïs ; ce qui était déjà dramatique parce que le maïs est une plante sur laquelle les abeilles récoltent du pollen pour nourrir les larves et produire la gelée royale.
Et alors que le Conseil d’Etat était sur le point de juger illégale la mise sur le marché du Cruiser pour le maïs, le ministre se permet de l’étendre à la plante la plus importante pour l’apiculture.
On a vraiment l’impression que c’est bientôt la fin des Miel Pops…
Ah non, parce que les Miel Pops sont produits à partir de miel qui n’est malheureusement pas français. Et la pénurie de miel français a ouvert très largement les vannes aux miels d’importation en provenance d’Asie ou d’Amérique du Sud. La production mondiale de miel est en chute, sauf dans les pays qui ont la technique pour fabriquer du miel artificiel.
Hein, du miel artificiel ? !
Oui, c’est un procédé utilisé par l’industrie depuis quelques années, l’adultération du miel : A partir de végétaux de blé ou de maïs, ils créent des sucres artificiels dont la composition chimique ressemble de très très près à du miel naturel. Et pour noyer le poisson, ces miels se retrouvent mélangés dans des lots de vrai miel. Et c’est très difficile de détecter la fraude, car les coûts d’analyse sont assez élevés.
Pour Syngenta, le Cruiser OSR est « la nouvelle solution qui révolutionne la protection des colzas dès le semis (…). En remplaçant un insecticide en végétation, cette innovation vous apporte gain de temps et retour sur investissement en préservant 2 quintaux/hectare en moyenne ».
bqhidden. La production nationale de miel a baissé de moitié ces dernières années.
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