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    10/05/2010

    Drogue douce et tables en formica: bienvenu au Club Social

    Dans un foyer communautaire somalien à Londres pour mâcher du Khat

    Par Manuella Anckaert

    A Londres, la consommation de Khat – une plante psychotrope d'Afrique de l'Est – est en expansion. Mais dans les foyers d'immigrés somaliens et kenyans on se cache pour consommer bien que la plante soit tout à fait légale sur le sol britanniqu

    Le volcan Eyjarföll n’a pas seulement fait perdre 600 millions d’euros en billet annulés aux compagnie aériennes européennes . L’économie du Kenya s’est retrouvée indirectement affectée par le nuage de cendre. Les 3 avions quotidiens en provenance de Nairobi ne pouvaient pas atterrir à Heathrow, avec à leur bord les centaines de cartons contenants des feuilles de Khat fraiches destinées au marché anglais.

    Le foyer où les immigrés d’Afrique de l’Est consomment le Khat

    Ces derniers jours la drogue s’est faite rare au Club Social de Camden. Le foyer pour les communautés d’Afrique de l’Est était même fermé pendant l’interruption du trafic aérien. D’habitude c’est le lieu où se retrouvent les Somaliens, les Ethiopiens et les Kenyans de Londres, pour tailler la bavette tout en mâchant des feuilles de Khat.

    Sur la porte d’entrée du Club Social, on peut lire “Khat = 2,5 pounds” (environ 3 euros). L’endroit est crasseux, éclairé au néon et quelques tables en formica recouvertes de journaux font office de mobilier. On nous fait asseoir sur des chaises à l’allure plus que douteuse. Devant nous, des brindilles dans un sac en plastique.

    Le Khat en quelques mots

    Le Khat (prononcé tchat’) est une plante (Catha Edulis) qui pousse en Afrique de l’Est, dans la même zone que le thé et le café. Illégal partout en Europe sauf en Grande-Bretagne et en Hollande, cette plante peut poser de gros problèmes  de santé : déchaussement des dents, cancer de la gorge ou de la langue. 

    «Le médecin lui avait dit qu’il allait sûrement finir paralysé, mais qu’il pouvait essayer une plante que les africains mâchent, le Khat»

    « Je ne vois pas pourquoi certains disent que c’est comme la cocaïne »

    Abdanoor, 35 ans, d’origine somalienne est assistant professeur dans un collège. Il a un diplôme d’ingénieur électronique. A Londres, impossible de trouver un job dans sa branche, alors il a pris ce qu’il a trouvé. Il vient souvent au Club Social, pour se retrouver avec les gens de sa communauté.

    Grand amateur de Khat devant l’éternel, il explique : “Tu prends la partie molle de la branche avec les feuilles, tu la coupes et tu la mâches. Tu gardes les feuilles dans ta joue. Quand tu en as marre tu craches.” J’essaie: Le goût est amer et la texture fait l’effet d’un fruit pas mur sur les dents. Abdanoor m’apprend qu’il est souvent consommé sous forme thé, afin de diluer l’amertume.

    Il continue “Je ne vois pas pourquoi certains disent que c’est comme la cocaïne. Si tu mâches beaucoup tu ne dors plus, mais c’est comme tout, il ne faut pas en abuser.” Pas une drogue le Khat? Il ajoute quand même qu’il ne conseillera jamais à sa petite sœur d’en prendre.

    Les vertus thérapeutiques du Khat

    Fier de sa plante, Abdanoor aime à raconter le petit miracle du salon. C’était il y a plusieurs mois: un anglais cherchait du Khat au Club Social à cause de problèmes de circulation sanguine dans les jambes, lié à son emploi. “Le médecin lui avait dit qu’il allait sûrement finir paralysé, mais qu’il pouvait essayer une plante que les africains mâchent, le Khat, annonce t-il avec orgueil. Depuis ce temps-là il n’a plus aucun problème de circulation! ”

    Mâcher du Khat au Royaume-Uni: Une activité clandestine.

    En Angleterre, la plante demeure légale, mais son interdiction dans le reste de l’Europe ainsi qu’aux Etats-Unis suscite l’incompréhension des ses fervents consommateurs. Ke, 27 ans, responsable dans un restaurant d’une chaîne très connue de poulet, montre son voisin du doigt : “Regarde, lui c’est comme mon oncle, il mâche du Khat depuis 35 ans mais il est normal tu vois bien” Avachi sur un fauteuil devant un concours de beauté pour chiens à la télé, l’oncle confirme : “Je suis normal, j’ai pas de problèmes.”

    Mais à Londres mâcher du Khat, ce n’est pas si simple. Ils ont beau répéter que c’est légal et sans danger, le rideau du club est toujours baissé. Le gérant s’explique : “Si on remontait le rideau, que verraient les gens de dehors ? Ce n’est pas comme si on mangeait des samosas! ”.

    Les consommateurs viennent plutôt le soir. La clientèle est essentiellement masculine mais les femmes mâchent aussi. Ke passe ici environ une fois par semaine. Avec son style gangsta rap, il répète que c’est bon d’être avec les siens et de rester souder. Néanmoins, il ne veut pas dire son nom complet et insiste pour ne pas être enregistré. “Je suis manager dans un restaurant” justifie-t-il avec fierté. Mal à l’aise, il finit même par nous demander d’arrêter de lui parler. Légal mais mal-vu: Mâcher du Khat au Royaume-Uni reste une activité clandestine.

    Le Khat en France

    En France l’usage du khat reste très mince et concerne principalement les communautés de la corne d’Afrique (Somalie, Ethiopie, Kenya). La consommation est plutôt réservée à certaines festivités comme les anniversaires ou les mariages. Le prix d’une botte de feuilles fraîches coûte entre 20 et 40 euros.

    Néanmoins on note une forte augmentation des saisies: “Avant les années 2000, les saisies n’étaient pas supérieures à 200 kg par an mais à partir de l’an 2000, elles ont franchi la tonne par an” explique rencontré par StreetPress commandant de police à l’état major des stupéfiants. Il détaille les chiffres par années: “4,1 tonnes en 2006, 3 tonnes en 2007 et 2008, et 2,7 tonnes en 2009”.

    Le Royaume-Uni classe les drogues en plusieurs catégories :
    - Catégorie A inclus l’héroïne, la cocaïne, le crack, le lsd, l’ectasy.
    - Catégorie B inclus le cannabis, les amphétamines, le Ritalin.
    - Catégorie C inclus le GHB, la kétamine, les tranquillisants.
    Le khat fait actuellement partie de la catégorie C, un projet en cours pourrait bientôt faire passer la drogue en catégorie B.

    «Si on remontait le rideau, que verraient les gens de dehors ? Ce n’est pas comme si on mangeait des samosas!»

    Source et crédit photo de Une: Manuella Anckaert | StreetPress

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