Institut à lui tout seul ou presque, Camilo Lara bidouille des vieux rythmes de cumbia avec de l’électro-punk depuis plus de 7 ans. S’entourant sans cesse de nouveaux musiciens, il a réussi son pari. Rendre hype ce genre musical latino, pas beaucoup plus funky que la valse. Nous l’avons rencontré avec Chamin, le bassiste actuel de l’Institut.
Vous êtiez à Massy il y a quelques jours. Le public français vous connaît assez peu, que savez-vous de lui et de la musique française ?
En fait, on est déjà venus en France. On a joué au Cabaret Sauvage à Paris pour une fête de la musique, mais aussi à Saint-Nazaire, à Nancy et à Rennes pour les Transmusicales. Ce qui est marrant en France, dans les festivals, c’est qu’on finit toujours par se retrouver du côté des musiques du monde. Côté musique, on aime bien Téléphone, Gainsbourg et sa fille, et puis Coralie Clément, Herman Dune. Et bien sûr Jordy. (Chamin entonne « dur dur d’être un bébé », ndlr).
Instituto Mexicano Del Sonido – Escribeme Pronto
Comment ça se passe avec le public européen, qui n’est pas très familier de la cumbia ?
C’est bizarre à dire, mais c’est vrai ce truc comme quoi la musique voyage. Dans chaque ville où on est passés, il y a toujours une dizaine de personnes qui connaissent les paroles et ça entraîne les autres. On est au carrefour entre le soundsystem de cumbia et le concert punk rock, en général ça donne quelque chose d’assez euphorique. Il nous est arrivé, dans le Minnesota, de voir des rockers heavy métal se mettre à danser sur notre musique. Alors c’est vrai que la cumbia, en Amérique du Sud, fait partie de notre ADN. Mais c’est aussi le genre le plus démocratique qui existe : n’importe qui ayant deux pieds peut danser dessus.
Ce n’est pas un peu paradoxal, pour un groupe qui fait de la musique « démocratique » comme la cumbia, de choisir un nom aussi formel que « Institut mexicain du Son » ?
Non, parce qu’on ne fait pas que de la cumbia. On a un pied dedans, mais on a aussi un pied dans tout un tas d’autres genres : cha cha cha, rap, mariachi, danzón… Après, si on a appelé le groupe comme ça, c’est surtout parce que j’ai beaucoup travaillé dans l’industrie de la musique, je n’arrêtais pas. Au lieu de sortir jusqu’à 5 heures du matin avec mes amis, je devais rentrer tôt pour aller au bureau le lendemain matin. En souvenir de ça, j’ai cherché le nom le plus bureaucratique que je pouvais trouver. Avec ça, le groupe a les mêmes initiales que la sécurité sociale mexicaine.
j’ai cherché le nom le plus bureaucratique que je pouvais trouver
Aujourd’hui, vous êtes un groupe sollicité, vous avez fait plus de 120 concerts partout dans le monde cette année. Comment avez-vous évolué depuis la création de l’Institut, en 2005 ?
Comme pour toutes les autres, j’ai fait le disque seul. Mais c’est le dernier que je fabrique comme ça : mon vieil ordi est mort, il va falloir passer à autre chose. Le premier album, Méjico Máxico, s’est fait un peu par erreur : c’était une simple démo, et il est sorti comme un disque. Il était très électronique, sans paroles. Ensuite, avec Piñata et Soy Sauce, j’ai vraiment fait de la place au texte. Alors avec Político (dernier album du groupe, sorti en mai dernier, ndlr) , j’ai voulu retourner aux sources. Mettre beaucoup d’électro, qu’on ne puisse pas distinguer ce qui est joué de ce qui est samplé. A côté de ça, j’ai aussi fait un EP pour le bicentenaire du Mexique. C’était une commande officielle : un morceau de 35 minutes interprété par 3.000 personnes. Ça m’a pris un an, alors que je ne passe pas plus de 8 mois sur un disque. Comment je fais ? J’ai plusieurs Camilos, et je ne dors pas ! Et puis je fais toujours mes disques entre deux fiancées. Quand tu as une copine, tu arrêtes de composer.
Votre dernier album, Político, est lié à l’actualité mexicaine. Pourquoi ?
La sortie du disque était prévue au moment de l’élection présidentielle, en mai. Il s’agit d’une sorte de manifeste, fait avec d’autres musiciens, pour essayer d’infléchir un peu le destin du pays, suggérer un changement (pendant la présidence de Felipe Calderón, la lutte de l’armée contre les narcotrafiquants a fait 90.000 morts, ndlr). Mais cela n’est pas arrivé. Les disques précédents étaient des sortes de lettres d’amour au Mexique, pas celui là. Il fait une sorte d’état des lieux de la réalité mexicaine. Certaines chansons comme Mexico sont frontales. Un peu comme quand tu parles sérieusement avec ta copine, et que tu lui dis ses 4 vérités. En réalité on est en guerre. On ne la vit pas dans la capitale ni dans beaucoup d’autres villes, mais c’est bien une forme de guerre. Et il n’y a pas que ça : la démocratie, l’indépendance des médias, les monopoles, l’éducation… Notre problème, c’est qu’on a plein de problèmes.
Instituto Mexicano del Sonido – México
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