Une journée à avaler – c’est le moins que l’on puisse dire – des vidéos pornos. À l’idée de déguster 500 pipes à la minute, j’ai eu un vague haut-le-cœur. Parce que oui, à 27 ans, je n’avais jamais scotché devant un porno de ma vie. À peine quelques images, téléchargées par erreur par l’âne de ce cher e-mule quand je lui avais commandé « Charlie et la chocolaterie », il y a quelques années. Mais puisque la vie journalistique réserve son lot de (grosses) surprises (dégoulinantes), j’ai plongé comme promis dans le bain moussant du porno. Avec ce suspense insoutenable à la clé : vais-je devenir accro ?
De l’ennui et du cul > 8h15, j’allume mon ordi en même temps que je me sers du müesli (oui, je mange du müesli, chacun ses défauts). Mes doigts glissent vers YouPorn, puis vers une vidéo surréaliste expliquant au quidam comment enfourner des doigts dans le cul de l’être aimé(e). « Pensez à vous laver les mains et à mettre de la vaseline », assène, sur un ton monocorde, une femme à l’accent asiatique. Sous sa voix, la même playlist murmurée que chez Nature et Découvertes. Miam.
> 8h45. Quelle catégorie pour accompagner mon fromage blanc ? J’hésite quelques instants entre « ébène » ( ?), « petite culotte » et « female friendly » (favorable aux femmes…). Cruelle hésitation, qui m’oblige à rester quelques instants sur la page d’accueil de PornHub, où les pubs clinquantes se succèdent. Toutes plus classes les unes que les autres, à coups de « baise de putes locales » ou de « filles moches en manque de bite », sans compter cet appel du cœur : « marre de vous branler ? Trouvez-vous un plan cul et baisez-la dès ce soir. » Bon, peut-être ne suis-je pas le public désiré par ces ingénieux publicitaires.
> 9h15. Pardon, chers lecteurs, mais je m’ennuie déjà. Non que certaines scènes ne soient pas un minimum excitantes, mais il ne s’y passe que des quadruples pénétrations, des filles soumises et des cheveux au sperme. Rien à raconter, pas même un petit livreur de pizza à se mettre sous la dent, à peine un mec qui vient sauver une meuf en panne à moitié à poil – avec ce commentaire tout en finesse du pseudo-réalisateur à l’accent belge prononcé : « heureusement que notre engin est pas en panne. » Naïvement, je pensais qu’il y aurait un peu plus de scènes érotiques, davantage de pseudo-scénarios qui rendent le visionnage plus drôle. Là, franchement, je m’emmerde.
« Marre de vous branler ? Trouvez-vous un plan cul et baisez-la dès ce soir »
Rien à raconter, pas même un petit livreur de pizza à se mettre sous la dent
Du cul lesbien > 10h15. Bon, il faut que je vous avoue, mea culpa, j’aurais peut-être dû commencer par ça : des pénis en érection, en zoom X50, je n’en ai plus vu depuis des années. Je préfère de loin, n’en déplaise à Christine Boutin, le sexe féminin. Après une avalanche de sperme, je me cale un peu mieux dans mon canapé, profitant du creux de la matinée pour démarrer un porno lesbien que ma copine a laissé traîner pour l’occas’ sur son bureau. Pour la première fois de la journée, je bloque devant du porno lesbien, du vrai, réalisé par Emilie Jouvet (One night stand, pour ceux que ça intéresse). Y’a de la meuf aux cheveux courts, du débardeur, des godes-ceintures, des fessées, des gants noirs dans n’importe quel plan – je ne sais pas si c’est pour se prémunir des maladies sexuellement transmissibles ou si c’est un code vestimentaire censé être excitant. Mais, très vite, passées les premières minutes d’amusement, je m’ennuie à nouveau. Là-aussi, y’a du cul, du cul, du cul, mais pas grand-chose à raconter.
> 11h15. Le porno lesbien ingéré, je retourne sur les plateformes accessibles à tous, qui commencent par You, finissent par Tube ou par Hub. Partie sur ma lancée, je zappe de vidéos de lesbiennes en vidéos de lesbiennes. Pour le coup, je me marre franchement. Et que je t’embrasse tendrement, et que je te fais un cunni pendant des heures, gnagnagna, c’est d’un niais ! Petit conseil, si je peux me permettre, aux réalisateurs de pornos : ne faites pas tourner les lesbiennes avec des ongles de 11 centimètres. Dans la vraie vie, les lesbiennes ont toutes les ongles courts – ça vaudrait une vidéo explicative (avec un accent asiatique) sur le thème « comment mettre un doigt dans le vagin d’une fille ? »
Après une avalanche de sperme, je me cale un peu mieux dans mon canapé
Ne faites pas tourner les lesbiennes avec des ongles de 11 centimètres
Haut-le-cœur > 12h15. Bon, le porno lesbien étant moins florissant que le porno-tout-court, me voilà de nouveau face à des bites de 4 tonnes. Et là, je réprime un vrai haut-le-cœur : un mec est en train, pour la 20e fois de la journée, de forcer une fille à avaler son sexe. De la bave sort de sa bouche, elle-même a un hoquet (de dégoût ?), et, quelques secondes après, il lui éclate son sperme sur le visage. Voilà pourquoi je suis homo, sans doute : cette scène me révulse d’horreur. Sans aucune exagération, bien sûr.
> 13h15. Pause pâtes/douche. Je n’avais jamais remarqué que le shampooing pouvait ressembler à du sperme. Et ce bruit là, au fond de la pièce ? Ne serait-ce pas une femme qui mime l’orgasme ?
> 14h15. Je prends mon sac et mon ordi et m’en vais retrouver la rédac de StreetPress – dans le contrat de base, il fallait que j’aille passer l’après-m’ avec eux. C’est curieux comme (presque) tous ont l’envie irrépressible de passer discrètement derrière mon ordi. Grâce à l’un deux (que je ne nommerai pas pour le bien de son référencement Google), j’apprends l’existence de « Pascal Bukkake » – un réalisateur de vidéo ultra gores et violentes. J’atterris sur une vidéo où la fille, présentée comme un bout de viande, se fait littéralement démonter par 20 mecs à la fois, la bite de sortie. Le rêve ultime.
Cette scène me révulse d’horreur
J’apprends l’existence de « Pascal Bukkake » – un réalisateur de vidéo ultra gores et violentes
Du cul et des voitures > 15h15. Saviez-vous que c’est embarrassant de regarder du porno dans une pièce où il n’y a quasi que des mecs ? « Ah ouais, tu les mets en grand écran, tu te fais plaisir », me glisse l’un d’eux. Pile au moment où une « salope » se fait démonter sur le capot d’une voiture, hyper violemment, l’acte entrecoupé de grosses claques dans sa gueule de « GROSSE SALOPE ». J’avoue, je scotche, j’ai du mal à tourner les yeux, j’ai l’impression d’assister impuissante à un faits-divers digne du Nord-Pas-de-Calais. Un viol, presque. Je suis tellement mal à l’aise que je tourne la tête toutes les 15 secondes.
> 16h15. Passé le moment goreland, je m’arrête sur l’X-art, où la lumière est belle, les corps aussi, les voix moins poussives. Mais quel ennui… Quelques minutes plus tard, intriguée par le terme, je clique sur la catégorie « cream-pie » – selon ce que j’en comprends, c’est du sperme qui ressort du vagin façon lait qui a trop chauffé et qui mousse. Mais peut-être avez-vous une meilleure définition, après tout je ne connaissais pas le terme il y a à peine 5 minutes. D’ailleurs, je me rends compte que le porno a son propre vocabulaire, presque aussi riche que celui du droit. Eh les pornophiles, vous deviez être super bons en anglais, non ?
> 17h15. Non mais, sérieusement, pourquoi il faut toujours que chaque scène se termine par une éjac’ faciale ? Et pourquoi je n’ai pas vu un livreur de pizza de la journée ? Mais qui sont ces gens, bordel ? Quelle est la vie sexuelle d’un acteur porno ? Et une actrice ? Est-ce qu’elle a mal ? Mais surtout, cette grande question : pourquoi se crachent-ils tous dessus ou, variante, se crachent-ils dans leurs mains avant d’étaler la bave dégoulinante sur le sexe de l’autre ? Sérieux, ça vous excite le crachat ?
> 19h. La fin de mon marathon pornographique. Fin du suspense : je suis déjà assez névrosée pour que s’ajoute à ma liste d’addictions celle au porno et, autant vous le dire, j’en suis soulagée.
> 23h30. Je sais que vous aimeriez savoir si j’ai fait l’amour avec ma copine pendant toute la soirée, mais je garde ma vie sexuelle pour moi. Par contre, je peux vous dire qu’au moment où je me suis endormie, j’ai vu des bites tourner autour de moi comme d’autres voient des moutons. Étrange sensation.
bqhidden. J’ai l’impression d’assister impuissante à un faits-divers digne du Nord-Pas-de-Calais
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