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    20/09/2012

    Interview d'Eiffel, à l'occas' de la sortie de leur nouvel album, « Foule monstre »

    Eiffel : « on fait tous partie de la foule, et ce qu'elle fait peut nous faire peur »

    Par Etienne Gin

    Sur StreetPress, le groupe Eiffel raconte son dernier album, titre par titre. Un nouvel opus moins rock mais aux paroles toujours aussi écorchées : « après quoi on court, vu qu'à la fin on donnera tous à bouffer aux vers ? »

    On va prendre votre album titre par titre. D’abord, « place de mon cœur, jusque dans les rues et boulevards, cicatrise. Combien de temps encore comme ça ? » Vous pensez que l’on vit dans une époque difficile ?

    Romain : On ne vit pas dans une époque plus difficile qu’hier. Mais on vit dans une époque trouble, un peu tourmentée. Elle est complexe avec la communication à tout va, le grand capital qui continue à malmener le monde. Avec « Place de mon cœur », on peut penser à la Place Tahrir. En fait, ça parle de ce qui se passe à l’intérieur. Sans regarder ce qui se passe autour, tu peux en avoir une perception intime, c’est ce que dit la chanson.

    Estelle : Sur cette planète, beaucoup de gens ont du mal à comprendre la société dans laquelle ils sont. Il y a un vrai truc qui cloche. Tout le monde commence à remuer dans tous les coins, car au fond, on ne veut pas d’un monde comme ça.

    Dans le deuxième titre, vous écrivez : « fils de moins que rien, dans le caniveau ou bien né (…) on prend tous le même train ». C’est un peu votre « Nés sous la même étoile » ?

    Romain : Il y a aussi des chansons de Brel qui disent ça. Le thème est tout sauf original : après quoi on court, vu qu’à la fin on donnera tous à bouffer aux vers ?! Et puis, faire côtoyer le capitaine Haddock et Rocco Siffredi dans le même couplet, ça me faisait marrer. Il y a aussi une allusion à Dutronc : « 7 milliards de Pékins et moi, et moi ». C’est le seul texte que j’ai fini en 30 minutes. Les autres, je les peaufine en 6 mois en général.

    Le titre 3 – « chaos of myself, où sont les hauteurs, les tramways aériens, les petites fleurs, papillons ? » – est-il une incitation à se mettre au vert ?

    Estelle : Pour voir plus loin que le bout de leur nez, je pense que beaucoup de gens ont besoin de la campagne, même sans le savoir…

    La quatrième chanson, « foule monstre, je traîne ma solitude, perdu dans ton immensité », a inspiré le titre de l’album. Pourquoi ?

    Romain : Parce que c’est une expression populaire ! Foule c’est beaucoup de monde, et monstre, c’est que les choses ne sont pas si sympa que ça. C’est l’idée de la relation entre le grand tout, et, toi et moi. Dans les grands rassemblements, on peut mettre en avant des idéaux. Ou alors faire connement des « oooo oooh », comme à la fin des concerts ! On fait tous partie de la foule, et ce qu’elle fait peut nous faire peur.

    5e titre, vous chantez « ça fait quoi d’être libre ? », le triptyque Liberté égalité fraternité, ça n’existe pas pour vous ?

    Romain : En terme d’idéal, si, ça existe ! Mais faut voir ce qu’on en a fait ! « Liberté, égalité, fraternité », c’est une question d’éducation. L’éducation, c’est donner la possibilité aux gens de savoir un maximum de choses, pour avoir le choix et être libre. La culture en fait partie. Mais lorsque tu donnes un I-phone et une PlayStation à un gamin, c’est tout sauf la liberté. C’est une forme de camisole de force !

    Estelle : Donc c’est une belle utopie pour l’instant. Mais c’est bien d’aller vers ça.


    Eiffel – Place de mon coeur

    Dans le titre 6, vous écrivez « quand je pense à toi, plus je m’insupporte». Ça parle de notre rapport avec les autres ?

    Romain : C’est l’idée du miroir de l’humanité. Quand je vois ce que fait l’autre, ça me fait poser des questions sur ce que je fais. C’est une chanson assez humble. Lorsque l’on critique les autres, on se demande ce qu’on est par rapport à eux. Et il faut savoir avouer que l’on n’est pas toujours cool !

    7e titre, « et si nos voix sont cabossées, que la chanson est trouée », en quoi cette chanson est « trouée » ?

    Romain : L’auditeur n’est pas enfermé dans cette chanson. Si tu le veux, elle peut te permettre de t’échapper. Elle laisse un trou vers le haut pour que tu puisses te barrer. Sur cette chanson, on veut que tu planes un peu comme avec un gros joint !

    Dans le titre 8, on retrouve cette idée d’égalité : « Je reste à jamais milliardaire (…) oui je sais, la mort fait la queue. » Est-on tous égaux face à la mort ?

    Romain : Ça a souvent été dit, mais je ne pense pas ce soit le cas. Lorsque l’on dit ça, c’est que l’on est encore vivant, que l’on a la mort devant soi. Et du vivant, il n’y a pas de gens égaux. Egaux face à la mort c’est avoir plus de chance que d’autres, vu que la mort à priori, c’est le calme plat ! C’est peut-être la seule chanson d’Eiffel qui évoque la mort de manière assez triste.

    Titre 9 : « Lust for power », featuring Bertrand Cantat. Comment il va ?

    Romain : Ça a l’air de bien aller pour lui. Bertrand, c’est la famille ! Ça n’a rien à voir avec les maisons de disques, on est très potes. On habite la même ville et on partage des choses qui n’ont rien à voir avec la musique. On continue à partager de bons moments ensemble, et ces collaborations ne sont que des détails dans nos relations.

    Vous pensez être dans la continuité de Noir Désir ?

    Romain : Pas du tout ! Noir Désir n’a pas besoin de relève ! C’est triste les groupes qui veulent ressembler à Noir Désir. On dit souvent ça de nous, mais ce sont des conneries. On n’a pas le même talent et on n’a pas envie de faire comme eux. On est plus un groupe de pop. Après, il y a comme eux l’énergie et l’envie de cracher des choses. C’est aussi propre à Jacques Brel, qui a influencé les deux groupes.

    Le dixième titre est intriguant, il parle de « chamade, je m’accroche à toi. » C’est quoi la chamade ?

    Romain : C’est une expression un peu campagnarde qui désigne une manière dont le cœur palpite. L’idée, c’est d’être exalté et de s’accrocher à la vie. C’est une chanson innocente, un peu naïve.

    Votre 11e titre, « Venus from passiflore », est un peu le morceau-pour-les-femmes de l’album. Non ?

    Romain : Pour la femme ! Pour ceux qui pourraient trouver ce sujet banal, je répondrais : comment ça, la femme, banale ? J’adore Jacques Brel et ses chansons misogynes, comme « Madame promène son cul sur les remparts de Varsovie ». Mais il faut aussi que l’on puisse mettre un peu la femme au dessus des hommes. Je me moque des hommes dans le morceau, et donc de moi-même. Je le fais de manière bêtasse, car la chanson parle d’une relation charnelle. Cette chanson a été inspirée par un tableau abstrait de Salvador Dalí où le soleil ferait fondre Venus. Dalí peint les femmes de manière surréaliste. Tout est apocalyptique, on peut dire qu’il peint psychédélique !

    Le dernier titre est en espagnol. Que racontent les paroles ?

    Romain : C’est le seul texte de l’album qui dit n’importe quoi ! Je mélange mes humeurs, c’était presque de l’écriture automatique. En fait, je ne sais pas trop ce que j’ai écrit mais je suis sûr qu’il y a un sens. Peut-être qu’il parle d’un évènement qui n’a pas encore eu lieu !


    Eiffel et Cantat en concert, en 2010


    “On vit dans une époque trouble, un peu tourmentée”

    bqhidden. On fait tous partie de la foule, et ce qu’elle fait peut nous faire peur.

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