Mercredi matin, la 31e chambre du tribunal de Grande Instance de Paris s’est penchée sur une affaire de piratage. Cinq hackers, dont un seul s’est présenté à la barre, ont été jugés pour avoir alimenté en 2004 et 2008, deux topsites, des serveurs illégaux très puissants permettant la diffusion à grande échelle de films piratés. Les plaignants, des producteurs et des syndicats d’éditeurs et de distributeurs, leur réclament plus de 800.000 € de dommages et intérêts.
1 Les accusés :
Trois membres d’un groupe de pirates baptisé « team Cinefox » et deux membres de « la team Carnage. » Ils sont suspectés d’être à la tête d’un « topsite » (voir ci-contre) où ont été mis en ligne des centaines de films piratés.
Un seul accusé était présent à l’audience. Crane rasé, deux piercings écarteurs aux oreilles, jean large et casquette de métalleux, le jeune homme de 24 ans est soupçonné d’avoir réalisé des enregistrements clandestins de bande-son de films, directement dans les salles de cinéma.
Les autres sont suspectés d’avoir administré les serveurs des topsites, cracké des films déjà disponibles en DVD et piraté des images en salle.
2 Les plaignants :
Sept producteurs se sont constitués parties civiles aux côtés de la Fédération nationale des distributeurs de films et du Syndicat de l’édition vidéo numérique, représentés notamment par maître Soulié. Ils estiment avoir subi « un préjudice moral » d’autant plus important que ces topsites mettaient en ligne les films dès leur sortie en salles. Comme pour « Transformers », téléchargé 1,7 millions de fois.
3 L’enquête:
En 2007, une dénonciation anonyme permet de remonter jusqu’aux membres de la team Cinefox. En 2008 suite à des perquisitions, on retrouve à leurs domiciles de nombreux fichiers informatiques, du matériel vidéo et son. Les enquêteurs mettent également la main sur une liste de 504 films mis en ligne sur le serveur. La team Cinefox dénonce alors la team Carnage à qui la justice attribue le piratage de 56 films. 2.014 films avaient été recensés pour la team Carnage, mais ils n’ont pu être utilisés dans le dossier pour des raisons de procédure.
C’est un cinéphile, il est tombé dans un monde virtuel qui l’a dépassé
4 L’audience :
Renvoyée une première fois, elle s’est tenue ce mercredi sans la présence de la majorité des accusés. « Mon client a eu peur de perdre son travail » lance maître Bibard, l’avocat d’un pirate de la team Cinefox.
Les juges s’attardent sur le cas du seul accusé présent. Il se rendait au cinéma pour voir plusieurs fois certains films, grâce à son abonnement illimité. Le but : prendre les bandes son ou des images. Sourire en coin, la présidente lui lance :
« Monsieur, beaucoup de films ne méritent pas qu’on aille les voir 4 fois au cinéma. Vous êtes même allé voir Sex and the city 8 fois ! »
Défendu par maitre Duplan, le jeune homme nie être administrateur de la team Carnage. D’une voix à peine audible, il explique avoir fait ça par « défi technique»:
« Je savais que c’était illégal mais sur le moment on ne pense pas aux conséquences, c’était comme un jeu. »
Son avocate plaide l’inconscience : « C’est un cinéphile, il est tombé dans un monde virtuel qui l’a dépassé. Et il n’a retiré aucun profit de cette histoire.»
La juge demande ensuite : « Vous avez entendu les sommes qui vous sont demandées ? » « Elle sont très importantes », répond l’accusé à demi-mot. « 66 ans de salaire » soulignera plus tard maître Bibard chargé de la défense d’un pirate de la team Cinefox, cuisinier chez Sodexo et qui gagne 1.000 € par mois.
Les plaignants demandent 800.000 € de dommages et intérêts. Compte tenu de la situation financière des jeunes hommes, le procureur Alexandra Savie plaide pour six mois de prison avec sursis. Les deux avocats demandent la relaxe.
Vous êtes même allé voir Sex and the city 8 fois !
5 Le contexte :
Les juges ont à statuer sur une affaire assez inédite. Comme le précise maitre Soulié, « il y a 10 topsites en France, ce procès a permis de mettre la main sur deux d’entre eux ». Il se pourrait donc que les juges veuillent en faire un exemple, c’est en tout cas ce que craint la défense.
Dans un procès similaire, un pirate d’une quarantaine d’années, avait écopé de neuf mois avec sursis et 373.500 € pour le piratage de films .
Ce procès intervient aussi dans un contexte où la réponse graduée envers les internautes via la loi Hadopi semble être une option de moins en moins envisagée par le gouvernement. Dans une interview au Monde la ministre de la culture Aurélie Filipetti estimait que la loi Hadopi « n’a pas fait changer les internautes »
« Partout, l’offre légale s’est développée. Il faut continuer. Concernant le volet répressif, quatorze dossiers ont été transmis au total à la justice, aucune poursuite n’a été engagée. »
Le procès a été mis en délibéré le 26 septembre.
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