Bonjour Alain, la dernière fois que nous nous sommes vus, c’était au soir de votre défaite aux régionales. Vous déclariez « avoir été piégé par les médias ». Avec le recul, est-ce que c’est quelque chose que vous pensez toujours?
Ma candidature a trop souvent été évoquée à mon goût pour parler de la diversité. Il suffit qu’un candidat issu d’une minorité visible se présente à des élections pour que sa candidature soit circonscrite au facteur ethno-racial. Ça porte préjudice à toutes les candidatures qui doivent aller dans ce sens. Les différents acteurs de la vie politico-médiatique aiment mettre un candidat issu de minorités visibles dans la case « diversité ».
Vous ne pensez pas que c’est la stratégie de marketing politique du MoDem qui vous a enfermé dans ce rôle du candidat de la diversité?
Il n’y a pas de stratégie marketing au MoDem. Il faut arrêter avec ces conneries! Le marketing politique c’est offrir aux citoyens des solutions politiques en fonction des sondages. Ce n’est pas du tout ma tasse de thé, ni celle du MoDem!
Je parlais plus de l’image. Il y a eu le présentoir à post-it Alain Dolium , le slogan « Gonflé au Dolium », votre programme en bulles d’oxygènes… C’est une approche très marketing de la politique.
Ce n’est pas marketing! C’est une approche qui consiste à dire qu’on peut véhiculer un message politique mais pas de manière aride! Pourquoi aurait-on besoin pour faire de la politique d’être blanc, âgé, d’avoir des phrases ampoulées et d’être un technocrate? Aujourd’hui on a besoin d’exprimer les messages de manière différente.
Mais c’est une stratégie marketing « exprimer les messages de manière différente » non ?
C’est plus une stratégie média qu’une stratégie marketing.
Alors est-ce que votre couleur de peau faisait partie de ce « package » média ?
Totalement à mon insu.
Mais quand François Bayrou parle de vous comme « d’un symbole », « d’un exemple », ou même « d’un coup », il fait de votre couleur de peau un argument de campagne ?
Mais moi, vous ne m’avez jamais entendu reprendre ces termes là… Jamais!
Alain Dolium, the story
11 Décembre 1967: Naissance à Paris d’une mère guadeloupéenne et d’un père indien-martiniquais. Il passe son enfance à Malakoff et au Plessis-Robinson élevé par sa mère.
6 Juin 1978: Vit sa première injustice footballistique quand Marius Trésor provoque un penalty sur une main involontaire face à l’Argentine à la Coupe du Monde.
Années 1980: Tombe amoureux du Orange et de la sélection hollandaise de football
1994: Sort de HEC Montréal avec un diplôme de finance de marché
1999: Directeur marketing produit et e-business chez DHL
2005: Président de l’association Talent O Pluriel qui travaille sur l’identification des talents issus des banlieues
2007: Co-Fondateur du groupe Obad, spécialiste de la dématérialisation sur mobile des systèmes de fidélisation.
2007: Vote Ségolène Royal au second tour des élections présidentielles
2008: Adhère au MoDem de François Bayrou
2010: Tête de liste du MoDem en Île-de-France pour les régionales, il récolte 3,98% des suffrages
Vous en voulez à Bayrou d’avoir utilisé ces mots ?
Non pas du tout. Sa manière d’en parler était bonne. C’est la manière excessive dont tout cela a été parfois repris qui était mauvaise. Mais attention, je peux comprendre aussi l’approche positive développée par certains médias à propos de ma candidature. C’est nuancé.
Des élus disaient avoir des projets pour vous, comme s’ils choisissaient à votre place (vidéo ci-contre). Vous n’avez pas l’impression que l’on se soit servi de vous?
Non, personne ne décide pour moi. Absolument personne, je suis trop libre et indépendant. On se met tous d’accord sur des intérêts communs.
Est-ce que c’est l’absence d’une tradition militante noire en France qui rend « atypiques » les noirs qui se présentent aux élections?
Votre réflexion est pertinente. Ce qui se passe aux USA par exemple, c’est le fruit d’un long processus jalonné par différentes luttes. Depuis la lutte contre les lois de Jim Crow à l’affirmative action . Cela a permis à la société américaine d’accepter en son sein le pluralisme ethno-racial et aux afro-américains de s’organiser en intelligentsia. En considérant qu’ils étaient victimes de discriminations, il fallait s’organiser de manière communautaire, au sens anglo-saxon, c’est à dire de la communauté d’intérêt. Les afro-américains ont senti le besoin de s’organiser en communauté d’intérêt parce tous victimes des mêmes discriminations.
Les élus et les militants du MoDem ont des « projets » pour Alain Dolium et célèbrent ses 4%
Le premier pas vers la normalisation des noirs en politique ça ne serait pas de suivre cet exemple de la communauté d’intérêt ?
Je ne pense pas que la société française soit une société dans laquelle on aurait intérêt à s’organiser comme aux USA. Le pays est singulièrement différent. Quand on prend la population noire d’ici, il y a beaucoup de différences entre les Antillais et ceux issus du continent africain, donc d’un flux migratoire. Bien sûr qu’il y a de la discrimination dans ce pays mais on voit bien qu’à l’intérieur de ce groupe ethnoracial qui se voudrait homogène, les problèmes sont différents. Les discriminations peuvent se rejoindre mais aussi se disjoindre. La communauté d’intérêt en France ne peut pas se circonscrire à un facteur ethno-racial.
Quand France 2 vous invite a une émission sur les jeunes en politique et que vous vous retrouvez aux cotés de Benjamin Lancar, 24 ans, et Laurianne Deniaud 28 ans, alors que vous avez 43 ans; et que personne n’ose dire le mot « noir », auquel on préfère « homme de couleur », vous ne vous dites pas que c’est le politiquement correct qui vous enferme dans cette caricature du candidat de la diversité?
Aujourd’hui, on a un problème à prononcer le mot noir dans notre pays. Moi je me définis comme étant un homme noir, afro-français. Il y a tout un politiquement correct qui s’installe pour ne pas évoquer le problème de fond qui est celui-ci: L’écart entre les gens que vous voyez quand vous sortez, et ceux que vous retrouvez dans les sphères décisionnelles. Je pense que les élites ont un vrai problème à admettre en leur sein des personnes issues des minorités visibles.
Comment allez-vous faire aux prochaines élections pour ne plus être « le candidat de la diversité » ?
C’est simple, ma candidature ne sera plus symbolique puisque ce sera la deuxième fois. C’est beaucoup plus facile! Je pense que les médias ne traiteront pas mon prochain combat électoral avec la même approche.
La grosse colère d’Alain Dolium qui s’en prend aux médias le soir des élections régionales
« Pourquoi aurait-on besoin pour faire de la politique d’être blanc, âgé, d’avoir des phrases ampoulées et d’être un technocrate? »
Sur Facebook, vous êtes le deuxième responsable du MoDem à avoir le plus de fans après Bayrou. Si vous le dépassez, vous vous présentez aux présidentielles?
Absolument pas !
Vous êtes quand même devant Jean Lassalle…
Vous savez je suis de la génération des nouveaux médias. Et je travaille sur ces sujets là. J’utilise ces médias pour dialoguer, donc forcément ça draine plus de fans qui me suivent.
C’est quoi la santé financière du MoDem aujourd’hui?
Le MoDem est un parti très bien géré. Nous n’avons pas atteint le résultat permettant la prise en charge des frais de campagne. Mais ça ne met pas en péril le MoDem
Vous avez dépensé combien en Ile-de-France ?
Autour de 300.000€.
Vous avez mis de l’argent à vous dedans?
Bien sûr.
De l’argent que vous avez perdu ?
Le parti a décidé de soutenir tous les candidats. Les militants qui ont donné seront remboursé par le parti.
Comment le MoDem va exister sur la scène politique avec certains de vos élus qui se tournent vers le PS et le Nouveau Centre qui présente un candidat en 2012 ?
Si vous regardez tout du point de vue du marketing politique – ce qui est très gênant – il manque une offre politique à la droite de la gauche et à la gauche de la droite. Moi je pense que les choses sont beaucoup plus compliquées que ça. Les analystes oublient que les Français se foutent royalement qu’on soit estampillés centre-gauche ou droite-sociale. Ce sont les problèmes de fond qui doivent structurer le positionnement d’un parti politique. Il ne faut pas prendre les problèmes à l’envers en se disant « on voit bien que dans le paysage politique il manque une offre ».
Alain Dolium nous dédicace le présentoir à post-it à son effigie
« Les élites ont un vrai problème à admettre en leur sein des personnes issues des minorités visibles »
Votre poste au MoDem, c’est quoi aujourd’hui?
On est en train d’y réfléchir. Cela portera sur une thématique sur laquelle on est en train de statuer.
C’est quoi vos journées types? Comment vous passez-vous de votre vie de patron à celle de militant ?
Ce qui est sûr c’est que j’ai des journées bien remplies! Dans ma vie politique j’ai un chantier qui est celui du MoDem, ainsi que mon projet d’Échelle Humaine (plateforme digitale de démocratie participative). Chaque jour, je travaille sur le développement de mon activité économique et sur celui de ma vie politique.
« La communauté d’intérêt en France ne peut pas se circonscrire à un facteur ethno-racial »
« Vous connaissez l’expression: 0-0 la balle au centre ! Je pense que ça correspond bien au MoDem »
Au fait Alain, pourquoi le MoDem est-il le parti des footballeurs?
Vous connaissez l’expression: 0-0 la balle au centre ! Je pense que ça correspond bien au MoDem. Après je n’ai pas eu la chance de rencontrer Marouane Chamakh (le joueur était inscrit sur les listes du MoDem en Aquitaine, ndlr), qui est un joueur excellentissime. Il me fait penser à Zamorano, l’Hélicoptère! Je pense qu’il a trouvé au sein du MoDem, et notamment avec Jean Lassalle, une manière différente de faire de la politique. Et un projet progressiste et humaniste.
C’est aussi un joueur qui a souhaité partir en Angleterre pour jouer dans des clubs moyens et gagner plus d’argent…
Qui en tant que footballeur ne souhaiterait pas connaître la Premier League ? Vous avez des stades remplis, un public qui applaudit le geste défensif comme le geste offensif. Moi si j’avais un modeste conseil à lui donner ça serait d’aller dans un club qui soit à la hauteur de son talent immense. Arsenal me paraît être un très très bon club pour Marouane Chamakh.
Si vous étiez joueur de foot en tant que centriste, vous seriez forcément milieu de terrain. Quel joueur aimeriez vous être?
Moi j’ai joué milieu offensif. Celui qui me parle le plus aujourd’hui c’est Patrick Viera.
Mais il est plutôt défensif?
Mais pas seulement! Viera il a cette qualité de pouvoir être à la fois dur sur l’homme, à faire la première passe mais aussi à se projeter vers l’avant, ce qui est très rare! C’est plutôt quelqu’un qui a marqué pas mal de buts! Aujourd’hui il y a aussi Yaya Touré que je trouve extrêmement brillant. C’est un poste que j’apprécie énormément.
Pourquoi Taribo West ne s’est-il jamais teint les cheveux en orange?
Je ne sais pas, il faudrait lui poser la question. C’est vrai qu’il a des coupes plutôt sympa. Il faudrait peut-être lui suggérer, ça pourrait être pas mal !
Allez-vous supportez les Pays-Bas à la Coupe du Monde?
Je vais d’abord supporter la France à la Coupe du Monde! Après, j’apprécie beaucoup le beau jeu, notamment les équipes africaines comme la Côte-d’Ivoire qui joue soit dit en passant en orange. Bon effectivement les Néerlandais, avec des joueurs comme Robben, Van Persie, Seedorf qui ne sera peut-être pas dans la sélection, vous imaginez le football qu’ils sont capables de pratiquer.
Pensez-vous comme George Frêche qu’il y ait trop de noirs dans l’équipe de France?
Il n’y a que des Français en équipe de France.
«Il n’y a que des Français en équipe de France»
Pensez-vous plus comme Lilian Thuram qu’il n’y a pas assez de noirs en politique?
Oui je le pense.
En partenariat avec So Foot |
*A lire aussi sur StreetPress l’analyse sur Alain Dolium, le fusible obamesque de Bayrou et l’interview de Christophe Grébert sur le présentoir à post-it Alain Dolium
Source: Robin D’Angelo | StreetPress
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER