Rue François 1er – 10 heures du matin. Une longue file d’attente disciplinée bouche le trottoir à quelques mètres des studios de Europe 1. Près de 600 personnes en quête de gloire ont répondu au casting de la radio à la recherche « des nouveaux talents ». Trois heureux élus deviendront chroniqueurs (rémunérés) le temps d’un été, et plus si affinité.
Les plus dingues étaient là depuis la veille. A 4 h du matin, la radio annonçait plusieurs dizaines de personnes faisant le siège de ses locaux. A 9h ils étaient 400. L’opération est com’ d’ores et déjà réussit. Heureusement car la radio avait mis le paquet pour s’assurer le buzz: annonces en boucles à l’antenne, grosse com’ web avec Laurent Ruquier en parrain et @davidabiker qui live tweet pour ses 19.000 followers.
10h15 Sur le trottoir l’ambiance est bon enfant. Les derniers arrivés se mettent de bonne grâce à l’arrière de la file. Les commerçants des boutiques voisines des studios sortent sur leur pas de porte. Ils observent goguenards tous ces « dingues ». « Je ne comprends pas l’intérêt de faire des heures de queues pour, au final, se ridiculiser. Je ne comprends pas les jeunes. » commente l’un d’entre eux, précisant qu’il souhaitait rester anonyme. Dans le quartier, on est plus Gucci que Tati, on ne fait donc pas de vagues.
10h45 Pierre-Jean Doriax l’iconoclaste bloggeur de StreetPress arrive. Il n’avait pas vu « une telle file depuis la fin du rationnement ». Notre héros venu du fond des âges, passerait presque inaperçu, tant la foule est bigarrée. Quelques mètres derrière nous, Thomas patiente, une paire de lunette digne de Michou scotchée au visage et un nœud papillon multicolore vissé au cou. Il bosse dans la com’, à découvert le casting sur Twitter et va proposer une chronique sur « les réseaux sociaux et ce qui buzz » S’il croit en ses chances? Clairement. « Sauf si tout est déjà décidé d’avance … »
11h30 Les premiers signes d’impatience se font sentir, mais toujours dans la bonne humeur. Un candidat interpelle un vigile pour connaître le temps d’attente. L’homme en costard, crane rasé répond avec un accent slave « 4 heures, 5 heure maximum ». Au milieu de la file, un petit groupe s’esclaffe bruyamment. Au centre de l’attention une certaine Dan Simkovitch. « Tu ne me reconnais pas? J’étais madame Bellefeuille, dans la série Les filles d’à côté! » Elle non plus ne doute pas de son talent. Son talon d’Achille: l’âge. « J’avais déjà fait un casting pour participer à l’émission de Ruquier, je suis sûr que c’est ce qui m’a empêché d’être sélectionnée. » Heureusement l’ancienne star du soap ne joue pas sa carrière puisqu’elle s’est reconvertie en traiteur bio.
– Vous me reconnaissez ?
12h30 De nombreux candidats enjambent la barrière. Des salves d’applaudissements accueillent cette initiative. Pas de chance pour les désespérés du fond, ce n’est que l’appel du ventre qui pousse les loups vers le bistro du coin de la rue. La-bas c’est une autre queue qui les attends. 15 minutes pour un sandwich. 3€50 le bout de pain et 50 centimes par ingrédient. « Finalement ce sera sans tomate », ça fait un peu chère la rondelle.
14h Steph’ approche des portes. Malgré les 700 personnes et son mètre soixante-cinq, difficile de le rater tant sa barbe est foisonnante. Il a débarqué à « 8h30 seulement, à cause d’un problème de métro ». Il est arrivé la veille d’Agde. Il a profité de son passage à Paris pour faire un saut du côté de la Bastille, participer à une AG des indignés. « Je suis au RMI, je n’ai rien à perdre à tenter ma chance ».
Il y en a qui sont prêt à coucher pour réussir ?
15h La première star fait son apparition: Willy Rovelli. Si, si je vous promets c’est une star: il est chroniqueur dans l’émission d’Anne Roumanoff. C’est le prototype du mec sympa-bronzé-de-la-TV. Comme dirait Voici, il se prête chaleureusement au jeu des séances photos avec les fans et prodigue quelques conseils bien utiles, du genre « donne toute ce que tu as »., avant de conclure par un « ne me déçoit pas. »
16h On craque. La file d’attente se transforme progressivement en seating. On tente de gruger quelques places. Etape 1, sortir de la file pour boire un café et se faire oublier. Une demi heure plus tard on réintègre les forçats du radio crochet 100 places devant. « Mais si, on était à côté du mec en jaune ». C’est bon ça passe. Par contre notre ex-voisine nous jette des regards noirs.
16h15 Jean Baptiste fait son entrée dans les studios. Il a pris le train depuis Genève à 5h50 avant d’enchaîner sur plus de 6 h de queue. Pourtant c’est avec le sourire qu’il se prépare à tenter sa chance. Il se dit prêt à abandonner ses études de pharma pour rejoindre le monde de la radio « Mais je n’en suis pas là. Faire une seule chronique cet été serait vraiment génial. »
16h45 Laurent Baffie fait son apparition. « Il y en a qui sont prêt à coucher pour réussir ? », demande le réalisteur des Clés de la bagnoles. Malgré quelques réponses affirmatives de la part de jeunes éphèbes et de jolies donzelles, il est obligé de partir en courant. Quelques dizaines de mètres plus loin, la fourrière est en train d’embarquer sa voiture.
17h15 Retour de Laurent Baffie. L’humoriste attrape Rudy et sa splendide coupe afro. « Il m’a fait passer devant tout le monde au cri de ‘vive l’injustice !’ A l’intérieur tout le monde, m’appelait le chouchou de Baffie. Ils m’ont même filé des mars. » Pour l’étudiant en radio, sa chronique c’est bien passée.
Le chouchou de Baffie
18h Après 8h de queue, un contrat de 10 pages autorisant Europe1 à faire ce qu’ils veulent de nous en main, nous passons les portes bleues tant attendues. A l’intérieur nous pouvons enfin soulager notre vessie et pauser notre séant face à la personne chargée de nous expliquer le déroulement de l’enregistrement. « Ne vous inquiétez pas, à partir de maintenant ce n’est plus très long. »
Dans la pièce quatre cabines d’enregistrements cyglées aux couleurs de la station. Sur un écran géant le live tweet de la journée est projeté. Posté sur une mezzanine sept journalistes de la station écoutent en live les chroniques. Aux manettes, les journalistes Jacky Gallois et David Abiker. Ce dernier donne le top 3 des sujets du jour: 1 DSK 2 Le concombre tueur 3 Les pieds de Tron. Ses critères: « On ne cherche rien de particulier. C’est comme draguer, si tu cherches, tu ne trouves pas. »
18h20 Pierre-Jean Doriax sort de la cabine. Ceux qui ont pu entendre sa chronique le complimentent. Sûr que s’il n’est pas sélectionné, c’est un coup de la CIA ou des Orléanistes. A sa suite entre un petit bonhomme qui avec la voix de Borat lance « Qu’est ce qui a 1 de QI ? Une plante. Qu’est ce qui a 100 de QI ? 100 plantes… » ainsi de suite pendant 2min30. Tout le monde est hilare, un concurrent sérieux? « Il y a les vrais fous. Ils sont parfois très drôles, mais ils ne le savent pas. Il y a les faux fous. Ils doivent être excellant, sinon ça tombe complètement à plat », explique Abiker
Vendredi, les meilleurs chroniques seront mises en ligne, et mardi prochain « le ou les lauréats retenus par le direction des programmes ».
David Abiker et le jury
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