Olivier et Thomas, créateurs du web-docu Brèves de Trottoirs: "Papy Dance n'est pas un vieux monsieur farfelu"

D’où vous est venue l’idée de monter un web-docu de portaits de parisiens?

Nous nous sommes rencontrés en septembre, Olivier sortait d’école de journalisme, et de mon coté j’étais dans la photo depuis 2 ans. On avait chacun envie d’explorer de nouvelles voies, de nouvelles formes d’expression. Aux vues de la situation de la presse, il était important de réfléchir à une nouvelle manière de faire du journalisme. Nous avons échangé sur nos envies respectives et il est apparu évident que nous voulions développer une forme d’hyper-proximité dans le reportage. Paris est notre quotidien, nous en avons fait un laboratoire d’exploration.

Comment vous choisissez les personnes que vous allez interviewer?

Nos rencontres se basent sur le principe de sérendipité : faire des découvertes inattendues, grâce au hasard et à l’intelligence. Nous nous laissons porter par nos déambulations, par le hasard et souvent nous nous trouvons face à un sujet potentiel. Par exemple, notre sujet sur Daniel le chauffeur de bus est né… en prenant le bus! Nous rentrions d’un rendez-vous, nous sommes montés dans ce bus, et au bout de quelques minutes nous avions compris : Daniel était un sujet fantastique! En plus de ce hasard heureux et fructueux, nous avons prédéfini une liste de personnages ou de sujets que nous aimerions réaliser, reste simplement à les trouver.

Une fois ciblée, comment vous abordez le sujet avec cette personne ? Vous avez mis en place une tactique d’approche ?

Nous approchons petit à petit de la personne, et nous tentons de déclencher une conversation. Le pourquoi du comment se révèle souvent assez rapidement. Nous sommes deux garçons qui aimons la rencontre, la discussion, là est notre tactique d’approche : un bonjour et la curiosité.

Vous est-il déjà arrivé d’essuyer un refus d’une personne que vous souhaitiez interviewer?

Refus est un terme trop fort. Nous avons parfois eu quelques personnes réticentes au prime abord, puis à force de discussions, d’entretiens, ces personnes ont tendance à nous faire confiance, et donc à se livrer plus facilement. Nous travaillons actuellement sur un sujet dont nous savons qu’il va nous falloir être patients, mais c’est là aussi le travail du journaliste, du moins à nos yeux !

Comment réagissent les interviewés après avoir visionné leur portrait ?

De façon très positive ! Elie (Papy Dance, ndlr) par exemple était ravi de cette publicité, il devenait un peu plus une « star ». Et puis c’est aussi agréable pour eux d’avoir les retours des internautes. Elie est de plus en plus souvent félicité, on lui demande des autographes, car ceux qui ont vu nos sujets savent que ce n’est pas un « vieux monsieur farfelu qui danse ». C’est un être sentimental, bourré de gentillesse et de joie de vivre. L’accueil de nos films est donc très positifs, nos personnages nous répètent souvent qu’ils ont apprécié le non misérabilisme et l’aspect positif, encourageant de nos films.

On connaît vos métiers respectifs – photographe et journaliste – comme des professions assez solitaires, comment se déroule votre collaboration ?

Très simplement. Il est vrai que nous sommes tous deux très indépendants, nous avions même du mal à imaginer travailler avec quelqu’un d’autre. Mais le web-documentaire implique un autre dispositif que l’on ne peut pas assumer seul. Nous nous sommes donc testés sur un premier reportage (Patrick, le sdf des gobelins, ndlr), et avons tout de suite pris nos marques.

Concrètement ça donne quoi?

Olivier s’occupe du témoignage sonore et des interviews face caméra et moi je gère la partie “image”. On ne se marche pas dessus, bien au contraire. Nous sommes très complémentaires et être deux est un avantage dans une rencontre. Il y a plus de dynamisme, plus de rebonds dans les discussions. Le sujet photographié peut oublier plus facilement l’objectif ou le micro.

Que voulez-vous véhiculer avec ces web-documentaires?

Nous voulons faire (re)découvrir Paris et ses habitants, loin des clichés et des guides de voyage. C’est enfoncer une porte ouverte que de dire qu’on ne prend plus le temps de regarder la ville, mais c’est un constat. Nous avons simplement envie de donner de la respiration au spectateur, lui donner envie de se promener et de regarder autour de lui. Nous avons construit le site sous la forme d’une grande maison un peu vieillie ou chaque recoin abrite une personne. C’est un peu la vision que nous avons de Paris: un grand Puzzle qui prend toute sa force et sa beauté une fois assemblé

Quels sont les projets Brèves de Trottoirs à venir ?

Nous avons récemment décroché une bourse d’aide à l’écriture du CNC, nous allons donc pouvoir développer une application Iphone et Androïd, refonder le site, essayer de réfléchir à l’édition d’un livre et d’une expo. Dès le début de ce projet nous avons envisagé de pouvoir utiliser chaque médium de manière indépendante, le web-documentaire en étant la résultante. Et enfin, nous écrivons déjà de nouveaux projets, dans d’autres villes, sur d’autres thématiques. Brèves de Trottoirs ne veut pas se limiter à Paris.

Source: Maud Mazaniello | StreetPress