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    26/07/2012

    Safia, 33 ans, la célibataire de la semaine

    « Les mecs flippent quand ils me demandent mon âge »

    Par Elodie Font

    À 33 ans, Safia a surtout peur de ne pas « pouvoir planifier [sa] vie de femme. » Et pour cause, quand elle annonce son âge aux mecs qu'elle rencontre, ils la fuient : « comme si c'était trop d'emmerdes en perspective. »

    Dans la rue, je remarque Safia de loin. Hauts talons, longs cheveux noirs, yeux de la même couleur, perçants, pas du genre à se détourner de leur objectif. Une voix très aigüe. Pour des raisons professionnelles, elle préfère ne pas vous montrer son visage. Mais son histoire sentimentale, elle veut la raconter. À 33 ans, malgré quelques relations, Safia n’a « jamais eu le sentiment d’être en couple, d’être installée. » « Je pense être trop conciliante. Les mecs, ils cherchent des filles chiantes, qui les menacent de partir, des filles un peu salopes quoi, si je peux me permettre. » La trentaine passée, elle se sent piégée par ce célibat. Dernière de notre série (lire ci-contre), Safia nous décrit, à son tour, son quotidien de célibataire en région parisienne.

    Depuis combien de temps t’es célibataire ? Depuis un an, depuis septembre dernier pour être exacte. Ma dernière relation a duré 8 mois, un record… Disons que, dans ma vie sentimentale, j’ai eu pas mal d’amourettes, des relations de quelques mois généralement assez mouvementées, mais je n’ai jamais eu le sentiment d’être en couple, d’être installée, tu vois la nuance ? J’ai eu deux ou trois fois l’impression d’être amoureuse mais, avec le recul, je ne l’ai jamais été.

    Le problème, c’est que y’a toujours un décalage : soit le mec est à fond et moi pas, soit l’inverse. Je n’ai jamais eu d’histoire où le sentiment d’amour était mutuellement partagé.

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    Bon été les célibataires !

    Avec Safia se termine notre série estivale sur le quotidien de jeunes célibataires en région parisienne. De Manuela et du lit à néons d’un de ses plans cul à Abel, lecteur de bouquins de drague et « macho rigolo », 10 célibataires ont joué le jeu pour nous raconter, avec beaucoup de sincérité, leur vie sentimentale. Si vous souhaitez me/les contacter, mail à elodie@streetpress.com

    Les mecs, ils cherchent des filles chiantes, qui les menacent de partir, des filles un peu salopes quoi

    Où est-ce que t’essaies de trouver quelqu’un ? Écoute, j’ai très mal vécu mon célibat entre mes 30 et mes 32 ans – avant ça ne me travaillait pas spécialement, mais j’ai eu une crise de la trentaine assez douloureuse. Je me suis beaucoup remise en question.

    Du coup, je me suis dit « allez, force-toi à sortir, à rencontrer du monde, t’es ni moche, ni stupide, tu trouveras bien un mec. » J’ai écumé toutes les soirées network/after work possibles et inimaginables, j’y allais deux fois par mois. Sauf que ça a été contre-productif : au lieu de me sentir mieux, j’étais complètement déprimée. J’avais l’impression d’être devenue une pauvre fille désespérée en mission, de faire pitié, et rien que d’y penser, ça me faisait horreur. Quand je parlais à une personne dans la soirée, j’estimais avoir fait mon travail.

    En ce moment, je ne cherche plus trop. Si c’est pour tomber sur un mec comme les derniers, je préfère être toute seule. Et puis à part ces soirées déprimantes, où draguer ? Les boîtes de nuit, c’est pas mon truc, dans un bar c’est quand même pas évident, et au boulot, je travaille surtout avec des CSP +++, ça fait cliché dit comme ça, mais je suis sortie deux fois avec des mecs du boulot et ils me prenaient pour une jolie plante exotique, j’avais l’impression de venir de la brousse. Et puis je suis pas une fille d’Internet, pour moi les nouvelles technologies, ça impacte plus négativement que positivement les relations humaines. Les mecs, ils peuvent toujours se dire qu’ils trouveront mieux ailleurs.

    T’as l’air d’avoir beaucoup réfléchi à la question. Tu te l’expliques, ton célibat ? C’est vrai que j’y ai réfléchi, j’en ai parlé à mes amis. Je crois que mon problème principal c’est que je suis trop peu dans un jeu de séduction avec les mecs. Le truc de « tu me fuis, je te suis », c’est pas du tout, mais alors pas du tout, moi. Je ne suis pas quelqu’un qui calcule, ça me gonfle. Et je pense être trop conciliante. Si le mec me plante au dernier moment, je ne vais pas lui faire une scène, je vais lui trouver des excuses. Sauf que les mecs, ils cherchent des filles chiantes, qui les menacent de partir, des filles un peu salopes quoi, si je peux me permettre. J’imagine qu’être avec moi, c’est perdre un peu en challenge.

    Et le pire, c’est que je suis toujours attirée par le même genre de mec. Des mecs qui ont un coup de cœur pour moi, qui s’enflamment et, au bout de quelques semaines, ça retombe. Faut vraiment que j’apprenne à… comment on dit déjà… disparaître pour mieux réapparaître ?


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    UN CÉLIBATAIRE DANS TON QUARTIER ?

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    La petite annonce de Safia

    JF cherche JH qui ressemble à Jean-Pierre Léaud jeune, qui adore le ciné nouvelle vague, facile à vivre. Si vous avez ces trois qualités, appelez-moi !

    Je crois que c’est ça ! Quels sont les trois trucs les plus lourds dans ton célibat ? Ce qui me gêne le plus, c’est de ne pas pouvoir programmer ma vie de femme. Ne pas pouvoir imaginer être mère dans un futur proche, par exemple, alors que j’en ai toujours rêvé. Tu sais que mon âge commence à poser problème, d’ailleurs, quand je rencontre un mec ? Ils flippent quand ils entendent « 33 », même des mecs plus vieux que moi, ils pensent « oh là là, elle va vouloir se caser, avoir des gamins, vaut mieux prendre celle de 25 ans qui n’en est pas à ce stade. » Comme si 33 ans, c’était trop d’emmerdes en perspective.

    Sinon, y’a les congés et l’éternelle question : avec qui partir ? Être célibataire, ça m’a foiré plein de plans vacances… Une fois, je me suis dit, “c’est pas grave pars toute seule”, je suis allée en Thaïlande pendant 15 jours. J’en suis revenue complètement déprimée, je le referai pas. Du coup, tant pis, je laisse passer pas mal de week-end… Je le vois comme une conséquence de mon célibat.

    Et puis, le troisième truc lourd, c’est de ne pas avoir une épaule sur laquelle me reposer quand ça va pas… J’ai un peu l’impression de traverser la vie et les épreuves seule, je me dis que ce sont des années que je ne récupérerai pas. C’est con mais, par exemple, je ne suis partie qu’une fois en week-end à deux, et on avait rompu en rentrant. Globalement, j’ai très peu de souvenirs avec des mecs et ça me manque.

    Safia, le CV sentimental

    > Safia, 33 ans, Paris 11e, travaille dans une asso franco-américaine
    > Célibataire depuis 1 an
    > 3 relations de plus de 6 mois
    > Plus longue relation : 8 mois

    Tu ressens une certaine pression ? Pas de mes amis, faut dire que j’essaie de leur parler assez peu de mon célibat, je veux pas passer pour la pauvre fille qui est toute seule. Les seules fois où j’en parle, les gens me répondent « mais pourquoi t’es toute seule, on comprend pas, t’es super belle », alors que bon, si j’étais si belle que ça, les mecs se jetteraient sur moi ! Au bout d’un moment, le truc c’est plus d’être belle ou pas…

    Par contre, mes parents m’ont beaucoup mis la pression. Un peu moins qu’il y a quelques années parce que ça devenait insupportable, mais je sais qu’ils le vivent très mal.

    Le premier truc que tu fais quand tu retrouves quelqu’un ? Dans l’idéal, je vais à une projection de ciné nouvelle vague… je suis passionnée par cette période, s’il pouvait l’être aussi, ce serait un miracle. Godard et Truffaut, ce sont mes idoles absolues. Et on parlerait ensemble de Jean-Pierre Léaud. Le rêve.

    bqhidden. J’ai écumé toutes les soirées network/after work possibles et inimaginables

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