Le lieu Paris, 19ème arrondissement, sur les rives du bassin de la Villette, entre les stations Jaurès et Laumière. Côté quai de Loire, place aux jeunes ; côté quai de Seine, les terrains de pétanque sont squattés tous les jours, à la même heure, par les papys du quartier.
Les candidats Dans ce match des titans, mesdames et messieurs, applaudissez d’abord, côté quai de Seine, un melting pot de papys : « y’a de toutes les nationalités… sauf peut-être des Français ! » Jean-Claude se marre. Autour de lui, des Cambodgiens, des Serbes, des Italiens, tous de très bons joueurs. Et de l’autre côté du ring, applaudissez Clémentine, Baptiste et les autres. Jeunes, Français, Parisiens, moyennement expérimentés. L’équipe des papys part clairement en pôle position.
Le look Premier test : où se fringuent les deux camps ? Côté quai de Seine, c’est polaire Quechua rouge, jeans remonté jusqu’en haut du nombril ou jogging intégral / baskets décath’ fluo. Côté quai de Loire, c’est plutôt jeans, petit pull en laine ou chemise à carreaux et Ray-Ban vissées sur le nez. 1-0 pour les jeunes.
L’équipe des papys part en pôle position
La répartition des tâches Deuxième round : comment jouent-ils à la pétanque ? Côté papys, c’est au pire en doublette, au mieux en triplette quand tous les copains sont au rendez-vous. « En triplette, les rôles sont répartis : y’a un pointeur de tête, y’en a un qui fait le milieu et y’a un tireur à la fin. Moi je pointe. Je tire occasionnellement mais je suis pas super bon », confie Jean-Claude. Côté jeunes, la répartition est à l’image de leur style de jeu : floue. « On n’a pas de stratégie, on n’est pas assez forts pour ça. Enfin si, on essaie de passer devant le cochonnet pour empêcher les autres de bien se placer », raconte Baptiste, et à son équipier d’enchaîner : « on apprend à jouer avec le terrain, genre là il est en pente donc il faut faire gaffe. C’est pas que de la rigolade ! » A l’unanimité, le jury donne le point aux papys. 1-1.
Sur le terrain on entend : « Ils ont embrassé Fanny. Faut dire que pendant la dernière partie, les autres ont bouchonné, fait un biberon si tu préfères. » Côté quai de Seine, le vocabulaire est… technique. Pour les non-initiés, embrasser Fanny, c’est perdre 13 à 0 et bouchonner, c’est placer sa boule juste à côté du cochonnet, aussi appelé «petit» ou «bouchon». Pour les moins de trente ans, le vocabulaire est plus… quotidien. « Je ne joue pas très bien aujourd’hui, c’est à cause du soleil. Sinon, j’ai jamais perdu. » Verdict sans appel : 2-1 pour les papys.
Les accessoires Les papys ont tout pour remporter cette manche. Dans leur besace en cuir, un ramasse boule (une corde avec un aimant), essentiel en cas de lumbago ou d’embonpoint : « s’il se baisse, il peut pas se relever. » Egalement un mètre-tirette « pour mesurer au millimètre près. Quand on joue avec les Corses, ça ne rigole pas… » affirme «chéri», qui ne veut pas donner son vrai prénom « trop difficile à prononcer. » Et, bien sûr, les boules, mais pas n’importe lesquelles : des obut. « Il faut qu’elles fassent 690, 700, 720 grammes mais pas plus, pas moins. Quand elles sont lisses c’est mieux. »
De l’autre côté du bassin de la Villette, ni mètre ni aimant. « C’est le bar à côté qui donne les boules, mais je suis incapable de dire si ce sont des bonnes. Nous on s’en fout, c’est du plaisir, c’est du loisir », sourit Clémentine. Par contre, eux ont sorti les gobelets en plastique. Une manche remportée par les vieux, sans discussion. Mais les papys offrent un demi-point de pénalité aux jeunes parce que se faire surnommer « chéri », c’est interdit. 3-1,5.
Il faut que les boules fassent 690, 700, 720 grammes mais pas plus, pas moins.
La connaissance des règles du jeu Cette épreuve est simple, il suffit d’avoir appris par cœur 25 bouquins sur la pétanque. Les papys sont incollables et intraitables, pas moyen de s’arranger avec les règles. Placer le rond (là on se place pour jouer) à 5 ou 11 mètres du cochonnet ? Une hérésie ! Il doit se situer à une distance de 6 à 10 mètres. Chez les jeunes, c’est plus flou. « Les règles ? Je sais juste la différence entre tirer et pointer. Je sais aussi qu’il faut être le plus près du cochonnet », sourit Clémence. Baptiste complète : « ça se joue en 13 points, on a trois boules chacun. Il faut deux points d’écart pour gagner. » Assez logiquement, les papys prennent le large : 4-1,5.
La mise 3 € du côté des papys : « c’est juste histoire de donner un petit plus, c’est toujours plus marrant. Mais jamais plus de 3 euros », observe Pat’, un des joueurs. « Et puis, ça joue plus sérieux, mine de rien », poursuit Jean-Claude, venu en spectateur aujourd’hui. Les jeunes font mieux : l’équipe perdante offre sa tournée ! « On a gagné la première partie. Sachant qu’une tournée est en jeu, ça joue sévère », lâche Baptiste, dont l’équipe vient de marquer trois points en un seul coup. Le jury se concerte et le point revient à l’équipe des jeunes. 4-2,5.
Quelle boisson ? Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’alcool, du côté du quai de Seine, c’est au mieux après les parties mais pas pendant. Pas de pastis pendant le jeu. Par contre, de l’autre côté, ça picole sec entre deux parties : de la bière, du vin et du pastis. « On a eu des rattrapages ce matin et maintenant on est en vacances donc on fête ça comme il se doit », s’amuse Clémence. Baptiste tient à noter : « mais on vient aussi pour jouer à la pétanque, hein. » Sachant que le jury est alcoolique, les jeunes emportent le point. 4-3,5.
La parité Côté papys, les quotas sont loin d’être respectés : « c’est rare que des dames jouent à la pétanque ici. Mais dans les clubs oui, elles jouent bien les femmes même ! Dans tous les sports, on les voit maintenant les femmes, même au foot elles sont bien », sourit doucement un papy passé par là, du haut de ses 86 ans. Sur la vingtaine de joueurs et spectateurs présents, une femme au compteur…venue soutenir l’équipe de son mari. De l’autre côté, c’est légèrement mieux avec une nana et trois mecs – même si c’est un coup de bol pour eux puisque « d’habitude ça se joue entre potes mais là, on a invité un couple d’amis. » Le jury, essentiellement féminin, leur donne un demi-point pour le micro-effort. 4-4.
Résultat final : 4-4. Quoi, on n’avait pas envie de choisir ?
“Ils ont embrassé Fanny, faut dire que les autres ont bouchonné”
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