2CV, appareil photo argentique, minitel… pourquoi le branché aime-t-il la technologie has been ?
Aujourd’hui, quelles que soient les générations, y compris les trentenaires ou les vingtenaires, on a besoin de se reconstruire un passé. Voyez le retour de Dallas actuellement, dont on parle dans tous les médias. Ce besoin a toujours existé. En revanche, ce qui est nouveau, c’est que même les jeunes s’y mettent. Parce que la société va vite, que les modes se démodent rapidement, on a besoin d’un antidote à un temps qui est perçu comme passant plus vite qu’hier.
Donc, c’est de la nostalgie ?
Désormais, c’est la technologie qui fait souvenir, tandis que nos parents et grand-parents se souvenaient des moments : la guerre, la libération de l’Algérie… La technologie est un élément fédérateur, au même titre que, à l’époque, la Seconde Guerre mondiale. On communie autour du Minitel comme autour d’un passé partagé. Il existe même un site sur lequel on peut écouter le son des technologies d’hier, le modem 56k, l’ordinateur qui se met en route, etc. On pourrait parler de « nostatechnologie » : c’est la technologie qui réunit les gens ; ça n’est plus les églises, les guerres ou les crises économiques. Et c’est tant mieux.
Et le design dans tout ça ? Le minitel est quand même carrément canon…
Le minitel est une gestuelle, un écran, une esthétique. Un cube, carré, marron, en plastique, avec un son très particulier. Il est vrai qu’aujourd’hui on prise les esthétiques des années 1970, qui reviennent à la mode. Mais le minitel ne s’inscrit pas dans un culte du kitsch – on n’aime pas le minitel comme on aime les années 1970, l’orange, le pouf, le gonflable, le skaï, le plastique. Tout ça, c’est une posture de branché.
Mais c’est quand même très kitsch, non ?
Pour les gens de la vrai vie, le minitel est tout sauf quelque chose de kitsch. Dire « c’était sympa parce que ça avait des gros boutons et seulement deux fonctions », c’est ignorer la richesse de l’imaginaire lié au minitel. On aime le minitel parce qu’il a constitué une révolution. D’un coup, on a pu rencontrer des gens à distance, plus besoin d’aller au bar ou au bal !
A la base, il y a des raisons plus profondes qui expliquent pourquoi on aime le orange ou le plastique. Arrêtons de tout expliquer par le kitsch. Les jeunes aiment les choses « parce qu’elles ont un style ». Bien sûr elles l’ont, mais il faut voir pourquoi. Pourquoi aiment-il les années 1960 ou 1970, qu’ils n’ont pas connues ? Non pas parce que c’est kitsch, mais parce qu’ils ont vu ça chez leurs parents, ou que ça rappelle des souvenirs.
Le minitel, produit cent pour cent français, jamais exporté comme technologie, est-il exportable en tant qu’image et accessoire hype ?
Le minitel représente l’esprit français : se penser comme plus malin que les autres, avec trois francs six sous. Bricolage et fort pouvoir imaginaire, comme pour la 2 CV. C’est la nostalgie pour une certaine France, non pas celle de l’innovation technologique pure, mais celle de l’innovation accessible à tous. Le minitel, c’est un petit bout de plastique, pur exemple du génie français : faire des choses malines avec trois fois rien. Ca peut plaire à l’étranger, mais je ne suis pas sûr que ce soit exportable – le minitel est lié à des souvenirs qui nous sont propres. D’ailleurs, j’ai un minitel dans ma cave et je compte bien le garder. C’est morceau de la France telle qu’elle a été. Il nous raconte une histoire.
Qui es-tu Patrice Duchemin ?
Patrice Duchemin est sociologue de la consommation. Il enseigne au Celsa et à l’Iscom.div(border). Ils pleureront la fin du Minitel
Le bureau des élèves de Sciences Po Paris en a fait son totem. En guise de trophée, la rédaction de StreetPress a gagné un minitel après avoir remporté le concours Hack The Press. Le groupe électro français Minitel Rose, l’arbore sur la pochette de son album The French Machine. Et vous peut-être qui lisez cet article ?
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Venez fêter « la dernière séance » du minitel avec StreetPress à la Cantine
La Cantine en partenariat avec StreetPress propose une « dernière séance » pour célébrer la fin du minitel, vendredi 29 juin, à partir de 19h.
Au programme, une table ronde avec Laurent Chemla, premier hacker jugé pour piratage via Minitel, Benjamin Bayart, Michel Landaret, Christian Quest ancien président de l’association des micro-serveurs créée en 1985 ou encore Louis Pouzin inventeur du premier réseau à commutation de paquets.
La conférence sera suivie par une série de performances sur le futur du Minitel. Hackers et “Makers” divers et variés viendront performer sur des machines “Ready to be hacked”.
La Cantine, 151 rue Montmartre, Paris 2e. “Plus d’infos ici”:http://lacantine.org/events/minitel-la-derniere-seance.
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