MAP Quartier de Turgeau
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Dans les décombres de ce qui était son université, un étudiant brandit une feuille de papier poussiéreuse. « C’est un diplôme de programmation informatique », dit-il amer. Lui ne sait pas où se trouve le sien. Certainement là, sous ses pieds, enfoui sous plusieurs tonnes de ciment et d’acier dans les ruines de l’université Quisqueya, sur le campus du quartier de Turgeau à Port-au-Prince. Comme lui, ils sont des milliers d’étudiants haïtiens à avoir perdu toute trace de plusieurs années d’études.
Ce samedi après-midi, une dizaine de silhouettes tentent de se frayer un chemin, enjambant tiges de fer et blocs de béton. « Les gravats vont bientôt commencer à être déblayés et nous n’avons que très peu de chance de pouvoir retrouver des papiers officiels attestant de notre cursus », déplore Rolph, le regard triste. Ce jeune homme de 26 ans à l’apparence solide comme un roc, était étudiant en informatique à l’université de Quisqueya. Il a échappé à la catastrophe, mais nulle trace de ses six années d’études. Alors, à mains nues, parfois à l’aide d’une simple masse, les étudiants cherchent, sans conviction. Mais le temps est compté surtout depuis que, tous les soirs, la pluie s’abat violemment sur Port-au-Prince.
Retrouver les maîtres de recherche, quand ils ne sont pas morts
C’est toute une génération d’universitaires haïtiens qui se retrouve privée de diplôme. « Certains étudiants pourront retrouver leur maître de recherche qui attestera de leur réussite à l’examen, quand ceux-ci ne sont pas morts lors du séisme », explique un étudiant en dernière année de biologie. Pour ceux qui devaient recevoir leur diplôme à la session de janvier, il ne semble plus y avoir d’espoir.
Alors, certains universitaires ont déjà effectué leur reconversion : ils espèrent que leur salut passera par les organisations internationales arrivées en masse au lendemain de la catastrophe. Par centaines, ils se sont rendus spontanément dans les ONG pour proposer leurs services. «Des jeunes arrivaient, parfois sans rien de plus que leur bonne foi et leur motivation », explique Gérald, employé d’une ONG à Port-au-Prince.
Brain drain à la haïtienne
Cet afflux n’est pas sans conséquence pour l’avenir du pays. Travailler pour une organisation internationale représente pour un haïtien une porte de sortie vers l’Europe et les Etats-Unis. « Priver une nation de ses forces grises serait dramatique. Il est compréhensible que certains cherchent à intégrer des instances internationales, mais les ONG doivent aussi aider le pays à se reconstruire en plaçant l’éducation au cœur du redressement d’Haïti », constate un proche conseiller du Premier ministre haïtien.
Redonner confiance aux élites intellectuelles de Haïti est une priorité pour la reconstruction. Afin d’éviter au pays un second séisme, à retardement celui-ci.
Voir aussi :
Partie 1: Do you speak logbase
Entre beaux gosses bronzés et spaghettis auto-chauffantes, le kit de survie de l’humanitaire dans la logbase de Port-au-Prince
Partie 2: Laisse béton
En Haïti, la vie « comme si rien n’avait jamais eu lieu »
Partie 3: Moi avant j’étais chef
Chômage et déclassement en Haïti, où les ONG croulent sous les CV
Partie 4: Camp Durable
Dans le camp de la mairie à Léogâne, le film de ce soir chez Greg Ciné, c’est 2010
Et la suite du webdoc à venir sur StreetPress
Source: A Port-au-Prince, Gaylord Van Wymeersch pour StreetPress
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