Un bar au nord du canal Saint-Martin, au début de l’après-midi, à l’heure du coca-café. Juste le temps de s’assoir, de prendre mon carnet et François lâche, dans un souffle, comme pour s’en débarrasser : « autant que ce soit clair tout de suite, je suis homo. » Ému, un peu perdu aussi, il ne cache pas qu’il aurait préféré être hétéro. S’excusant presque de n’avoir pas suivi la voie tracée, il insiste : « tout aurait été plus simple ». Les plans cul le lassent ; le militantisme, les bars gay, les sites de rencontres le repoussent. Son rêve ? Il sourit doucement : « une relation d’au moins une semaine ! » D’une sincérité désarmante, à mi-chemin entre jeu des questions-réponses et introspection, François a accepté de nous raconter, une semaine après Manuela, son quotidien de jeune célibataire.
Depuis combien de temps t’es célibataire ? Les plans cul, ça compte ? Si on les écarte, je suis célibataire depuis 2007. Avant, j’ai eu quelques relations avec des filles, je crois que la plus longue a duré 3 ou 4 mois, mais sexuellement, c’était pas top, forcément. Depuis, j’ai eu une dizaine de plans cul, des histoires d’un soir, entre deux portes. Jamais de vraie relation, même pas une de deux jours !
Peut-être que c’est parce que je suis trop exigeant, je sais que j’ai une vision assez idéale du couple, une vision assez « hétéro ». Ou peut-être que je n’ai pas rencontré le bon, j’en sais rien. Je sais juste que je veux vivre une vraie histoire d’amour. Ou même juste me souvenir du prénom de celui avec qui je couche ! Là, l’ai l’impression d’être un peu dépourvu, je me rends compte que je ne sais pas comment je réagirais si je tombais amoureux. Quelque part, je suis vierge de relation(s) amoureuse(s).
[La carte des célibataires en Île-de-France]
Ça veut dire quoi une vision assez « hétéro » du couple ? Je rêve d’une relation stable, fidèle… J’aimerais emménager avec mon copain, pas forcément qu’on passe notre vie ensemble, mais j’ai envie que ça dure. Dans le milieu gay, généralement, sans vouloir tomber dans les clichés, c’est plutôt l’inverse.
C’est bizarre, mais je suis rarement attiré par les homos, je le suis davantage par les mecs hétéros. Même si je ne les aborde jamais, je préfère les laisser tranquille… Je ne veux pas leur donner des arguments pour qu’ils soient ou deviennent homophobe, genre « regarde, les homos ils sont tous pareils, ils ont tous envie de nous mettre leur bite dans le cul ». À côté de ça, les homos qui « font » homos me repoussent. Rien que d’entendre une voix un peu haut perchée, un geste un peu trop efféminé, ça me gêne. C’est fou, en te racontant ça, j’ai l’impression d’être homophobe…
D’ailleurs, moi-même, je ne fais pas très gay. Je ne le cache pas particulièrement, c’est comme ça. Pour moi, préférer les mecs, c’est ma sexualité, ça n’a rien à voir avec mon identité – même si je lis Têtu ! Du coup, mon « gaydar » (le supposé radar qui permet aux homos de se reconnaître entre eux, ndlr) ne fonctionne pas : je ne reconnais pas les autres homos, ils ne me reconnaissent pas en tant qu’homo. Mais bon, je vais pas m’inventer un parcours militant pour trouver quelqu’un…
Quelque part, je suis vierge de relation(s) amoureuse(s)
Du coup, si ton gaydar ne fonctionne pas, où t’essaies de choper ? Principalement en soirée, avec des amis, mais ils sont tous hétéros, donc déjà, ça limite. Et puis, si par miracle, y’a un homo, il ne me plaît pas forcément et inversement d’ailleurs. Ça me fait penser à une anecdote rigolote : comme je suis myope, en soirée, je fronce vite les yeux et y’a des mecs qui voient ça comme un signe aguicheur. Bon, le problème, c’est que du coup, ce sont pas forcément les mecs qui me plaisent le plus qui viennent vers moi !
En réalité, dans ce genre de soirée, je suis surtout le meilleur pote homo de toutes mes copines. Elles me racontent leurs histoires sentimentales, elles m’embrassent parce que moi, « c’est pas pareil ». Je n’ai jamais autant embrassé de filles que depuis que je suis homo. C’est fou… Du coup, les soirées, ça marche qu’à moitié.
Et les bars gay ? Je les fuis ! Les mecs, ils te mettent une main au cul avant de dire bonjour. Remarque, du coup, je suis solidaire de mes copines qui se font draguer par des blaireaux… Et puis, même si tu chopes, ensuite tu baises vite fait. C’est un luxe si c’est sur un lit… Baiser dans les toilettes d’un bar, c’est quand même super glauque. Je préfère encore me masturber. Sexuellement, les coups d’un soir n’ont quasi rien d’intéressant.
Et les sites gay, je trouve ça trop triste, j’habite à Paris merde je devrais pourvoir trouver quelqu’un ! Je me suis inscrit une fois sur AttractiveWorld, un site « pour célibataires exigeants », mais y’avait que des mecs de 55 ans inscrits dessus… Et surtout, sur les sites, il me manque le côté flirt avec quelqu’un, l’envie d’accrocher, de se séduire. J’ai un peu un fantasme avec le métro : tu regardes quelqu’un, il te regarde aussi, et tu finis par t’aborder.
François, le CV sentimental :
> 24 ans, vient de Normandie, habite Paris> 4 relations avec des filles de plus de 2 semaines
> Aucune avec un garçon
> Dernier plan cul il y a un mois et demi
Je me suis inscrit une fois sur AttractiveWorld, un site « pour célibataires exigeants », mais y’avait que des mecs de 55
Comment t’as réagi quand t’as senti que t’étais homo ? Depuis tout jeune, je sentais que quelque chose clochait. C’est sûr que j’aurais préféré être hétéro. Quand je sortais avec des filles, j’avais envie d’insister même si je voyais bien que ça ne fonctionnait pas. Et même si j’ai grandi dans un milieu très ouvert.
J’ai fait mon coming-out à mes amis quand je faisais mes études, et ça c’est mal passé, au final j’ai été obligé de quitter la fac, mes potes ne me parlaient plus pareil. Ils me disaient « tu ne peux pas comprendre, toi »…
La première chose que tu fais quand tu trouves un mec ? Faire des choses que je fais aujourd’hui tout seul, aller au ciné, voir des expos, regarder des séries. J’ai envie de partager tout ça, j’ai envie de complicité, de tendresse. Ah et qu’il m’amène les croissants au lit aussi !
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