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    11/05/2012

    StreetPeople : Adji, du Burkina-Faso à la mairie du 19e

    Adji Ahoudian, maire de Paris en 2044 ?

    Par Elodie Font

    Rien ne le prédestinait à devenir un homme politique : immigré, orphelin de père, issu d'un quartier difficile. Sur StreetPress, Adji raconte son étonnant parcours, de son arrivée en France à son poste d'infatigable adjoint au maire du 19e.

    Sur son bureau, à la mairie du 19e, des piles de paperasse, une lampe imposante et une photo de Jean Moulin scotchée dessus. « Ben oui, Jean Moulin ! Et encore, là, c’est rangé », s’amuse Christophe-Adji Ahoudian. « Je n’ai jamais le temps de mettre de l’ordre. Là, ça fait 48 heures que je ne me suis pas posé dans mon bureau. » Jeune adjoint au maire chargé de la jeunesse et délégué du maire dans le quartier Flandre Aubervilliers, il préfère arpenter son arrondissement en long, en large, en travers, 7 jours sur 7, 19h sur 24 (ou plus). Comme ce matin du mois d’avril, où, à la sortie du métro, alors que les visages recrachés sur Terre sont gris et fatigués, « Adji » tracte déjà sans relâche pour François Hollande.

    Infatigable À regarder ce jeune homme, baraque et souriant, serrer des mains, on a l’impression qu’il connaît tous les habitants du quartier Riquet par leur prénom. Il s’intéresse, pose des questions, salue la moitié de la rue.

    « Disons que c’est un quartier difficile… J’ai envie de tout faire pour apporter des solutions à tous ces gens. Quand je me lève, c’est une de mes premières pensées. »

    Celui qui l’a poussé à entrer en politique, Mao Peninou, aujourd’hui adjoint au maire de Paris, sourit : « vaut mieux ne pas être trop pressé quand vous vous baladez avec Christophe-Adji. Pour un trajet de 10 minutes, vous en mettez 30. » D’autant qu’Adji se déplace toujours à pied : « je n’ai plus le temps de faire du sport, c’est le compromis que j’ai trouvé pour rester en forme. Quand tu fais 5 ou 6 trajets dans une journée, à la fin, t’es claqué ! Et puis ça me permet de rester au contact, pour moi, c’est ce qu’il y a de plus important dans la politique. »

    Né au Burkina-Faso Adji n’a pas toujours été aussi sociable. Sa tante Marie – qu’il appelle « maman » – se souvient d’un ado « très calme » : « Il parlait très peu, c’était un garçon discret. Comme son papa. » Son père, Adji ne l’a pas connu, il est décédé avant même qu’il ne sache parler. À l’époque, le jeune Adji vit à des dizaines de milliers de kilomètres des tours du 19e. Il grandit dans le minuscule village de Tiébélé, au sud-est du Burkina-Faso. Dans une ferme sans eau, sans électricité, loin de tout. Il se marre : « La première fois que j’ai vu un touriste blanc, j’ai eu peur, je suis parti en courant. »

    Il a 9 ans lorsqu’il prend un aller simple pour Paris. Il quitte le Burkina, le sable et sa mère pour débarquer chez son oncle, le frère de son défunt père, qui s’était promis de l’emmener un jour vivre en France. Près de 25 ans ont passé et Adji n’a jamais remis les pieds dans son pays d’origine. Il n’a jamais revu ni sa mère ni ses frères et sœurs. « La vie, c’est parfois compliqué » assène-t-il, le regard doux et sombre.

    « Au début, tu aurais le temps mais tu n’as pas d’argent pour te payer le billet. Maintenant, j’ai l’argent, mais pas le temps. Je n’y suis pas retourné depuis tellement longtemps que je n’ai pas envie d’y passer seulement une ou deux semaines. Et puis, je déteste prendre des vacances. »

    “5 lieux que j’aime”

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    La première fois que j’ai vu un touriste blanc, j’ai eu peur, je suis parti en courant.

    Le choc de l’escalator Adji découvre les tours Riquet, curieux et impressionné. Le lieu où aujourd’hui il serre des mains à en avoir mal aux doigts. Ce dont il se souvient le plus, au-delà du déchirement, c’est sa peur panique des escalators une fois arrivé à l’aéroport. « Un peu comme dans le film Crocodile dundee, j’avais peur d’être happé. » Et ce choc, immense, à la vue des voitures, des lumières, de l’immensité des bâtiments. « Je me souviens aussi de la neige. Déjà qu’au Burkina, on avait très peu de pluie, alors de la neige… »

    En cours, il bosse pour obtenir son bac compta. « Il avait envie de réussir, il en voulait. Et il était curieux de tout » se souvient Marie, la femme de son oncle. Très vite, 5 ans après son arrivée, son oncle décède. Marie l’élève seule en lui conseillant de « toujours savoir saisir sa chance. » Le bac en poche, il prend la direction de Paris 5, Descartes, où il entame un deug de socio – quand on appelait encore ça un deug. « Après le bac, il s’est ouvert. Une véritable explosion » poursuit Marie. Adji déménage, débarque dans un foyer de jeunes travailleurs, enchaîne les petits boulots, de déménageur à loueur de Dvd, pour se nourrir. « J’étais claqué, j’avais pas beaucoup de temps à consacrer à mes études. Mon rêve, à ce moment-là, c’était de travailler dans le social.»

    Action et réflexion Et ça commence par de l’engagement associatif. En 1999, a même pas 20 ans, il se jette corps et âme dans l’asso qu’il cofonde, Braves Garçons d’Afrique. En parallèle, il manage un collectif de jeunes artistes. Est responsable d’une équipe de médiation immobilière 3F (de l’habitat social). Anime des après-m’ en centre de loisirs. Plusieurs temps-plein à caser dans la même journée. Élu sur la liste municipale dans le 19e, Mao Peninou le croise pour la première fois en 2001 :

    « J’ai rencontré Christophe-Adji dans le cadre de 3F. La discussion devait durer 10 minutes, elle a duré 2h, il était passionnant, avec une vraie réflexion sur l’action politique. Rencontrer des gens comme Adji, c’est ce qu’il y a de meilleur en politique. »

    En face, le jeune Adji est confronté en permanence à la politique : « quand tu crées une asso, tu es en contact permanent avec la mairie. » À force de discussions, d’échanges, de réunions, il prend sa carte au PS en 2006. Poussé par Mao Peninou qui croit très fort en lui. Après s’être engagé dans la campagne pour Ségolène Royal, en 2007, il s’y remet à fond pour celle des municipales, un an plus tard.


    “Après le bac, il s’est ouvert, une véritable explosion”

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