Sujet de prédilection des « reportages » tendance racolage, la prostitution reste un thème maltraité par nos télés. Entre préjugés et approximations, difficile de se faire une idée claire du quotidien des putes en France. « Bernard de la Villardière, c’est le seul mec qui, s’il faisait un reportage sur la banquise, arriverait à y trouver des putes », rigole Morgane Merteuil, secrétaire générale du Syndicat des travailleur/se/s du sexe (Strass). L’intéressé lui-même ne semble pas démentir comme dans cette interview à Closer : « Quand on découvre une ville et qu’on va voir l’envers du décor, hélas, on tombe souvent sur des histoires de prostitution, de pédophilie, de tourisme sexuel. » Morgane Merteuil, qui est aussi escort depuis deux ans, passe au cribble les principaux clichés sur la prostitution.
1 Tapineuse ou pute de luxe : faites votre choix
Le cliché : A en croire la télé, les prostituées seraient toutes soit sur les trottoirs, soit dans des hôtels 5 étoiles à enchaîner les passes avec des multimillionnaires. Comme dans ce reportage sur « le plus grand trottoir de France » : le Bois de Boulogne.
Enquête exclusive : les dessous du bois de… par 20thcenturyfox
L’avis de Morgane Merteuil : « Le tapin de rue, on en parle souvent mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. En réalité beaucoup de filles travaillent comme moi, c’est-à-dire que les clients prennent directement contact avec nous grâce à des annonces déposées sur internet. Ils appellent, on prend rendez-vous et voilà. Et les escorts de luxe c’est pareil, je pense qu’on est bien plus nombreuses à travailler chez les clients ou dans des Etap Hôtel. Les grands jours c’est Holiday Inn ! »
Et puis la diversité de la prostitution va bien au-delà des représentations proposées à la télé. Il ne faut pas oublier non plus que le travail sexuel, ce sont aussi les acteurs/rices X, les modèles, les hôtesses ou encore les opérateurs/trices de téléphone rose.
[Le bois de Boulogne – C’est où ?]
Les grands jours c’est Holiday Inn !
2 Les prostituées, toutes des victimes
Le cliché : S’il y a une chose qui agace la représentante du Strass, c’est d’être victimisée. Il ne s’agit pas de nier l’existence des réseaux, de la traite, ou de l’exploitation dramatique d’une partie des prostituées. Mais sur M6 ou ailleurs, on évoque peu celles et ceux qui sortent de ces schémas : « On ne prend pas en compte la notion de consentement, alors que c’est l’essentiel », explique M. Merteuil. Y compris pour les escorts ou on montre le plus souvent celles qui sont sous la coupe de leur conjoint.
Prostitution: la nouvelle traite des blanches par fondationscelles
L’avis de Morgane Merteuil : « On entend partout que 80% des filles sont sous la coupe d’un proxénète. Or ces chiffres sont basés sur les arrestations de la police qui forcément ont tendance à viser d’abord les réseaux, ou les filles qui sont exploitées. Mais en réalité c’est beaucoup plus faible. »
« De même toutes les travailleuses du sexe migrantes sont automatiquement considérées comme victimes de la traite des êtres humains. Sauf que, au même titre que celles qui ont la nationalité française, elles peuvent aussi avoir choisi ce métier. On amalgame ainsi immigration et exploitation. » De fait, la « traite des blanches » et les réseaux de prostitution africains ou sud-américains sont mis en avant, de telle sorte qu’ils apparaissent comme les principaux visages de la prostitution en France.
On entend partout que 80% des filles sont sous la coupe d’un proxénète. Or ces chiffres sont basés sur les arrestations de la police
3 La prostitution consentie, une aberration
Le cliché : Rares sont les sujets, qui comme ce reportage sur la Suisse, mettent en lumière le cas de femmes qui choisissent cette activité. Un discours difficile à entendre pour beaucoup de féministes favorables à l’abolition de la prostitution, et notamment les plus médiatisé/e/s. « Les abolitionnistes ne répondent pas sur ce qu’on dit, mais sur le fait qu’on parle. Si tu dis que tu as choisi ton boulot, on te dit que tu mens car t’as un mac. Si t’en as pas, c’est que t’as dû être agressée ou avoir des problèmes, et c’est un symptôme de ton mal-être. Ta parole est un symptôme », dixit la boss du Strass.
Le témoignage de Morgane Merteuil : « Ce boulot me manquerait si j’arrêtais. L’adrénaline de ne pas savoir qui on va avoir en face de nous, les rencontres que l’on peut faire… Parfois tu t’éclates, même si souvent tu dois sortir ce que t’as au plus profond de toi pour passer outre l’apparence et voir l’humain que t’as en face. Ca demande beaucoup de qualités : de l’empathie, un sens de la comédie, du jeu, de la compréhension. »
Comme beaucoup, Morgane a fait d’autres jobs avant, mais ne semble avoir aucun regret : « J’ai fait plein de boulots étudiants, garde d’enfant, ménage, distribution de journaux. J’ai fait des photos érotiques, c’était bien payé, mais poser c’est pas trop mon truc. Puis j’ai vu une annonce pour être hôtesse dans un bar à champagne, et c’est comme ça que j’ai commencé. »
Ce boulot me manquerait si j’arrêtais. L’adrénaline de ne pas savoir qui on va avoir en face de nous, les rencontres que l’on peut faire…
4 Les clients sont des brutes
Le cliché : Lorsque l’on demande à Morgane Merteuil quel est le premier des préjugés auxquels elle doit faire face, elle n’hésite pas : la violence des clients. Quand ce n’est pas leur brutalité qui est mise en avant, c’est souvent l’expression « père de famille » qui revient pour décrire les clients de la prostitution.
Enquête exclusive : les dessous du bois de… par 20thcenturyfox
Le témoignage de Morgane Merteuil : « Cette semaine j’ai vu un divorcé de 50 ans, un mec fraichement marié qui venait de Marseille passer quelques jours à Paris, et puis un jeune dont la copine est très religieuse et ne veut pas coucher avant le mariage (…) Mes clients ne sont pas violents. En trois ans je ne me suis jamais fait agresser. Il faut bien faire la différence entre client et agresseur : on ne dit pas d’un type qui braque une banque qu’il est un client de la banque ! »
bqhidden. En trois ans je ne me suis jamais fait agresser
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