AutoViewer requires JavaScript and the Flash Player. Get Flash here.
Il est 6 heures. Valéria, le regard fatigué, les cheveux noués dans un foulard, sort de sa tente plantée au milieu d’un des coquets jardinets de la base militaire de la Minustah [voir lexique ci-dessous]. Comme elle, les volontaires des quelques 800 ONG recensées ont du faire preuve de débrouille pour s’installer ici. Les plus organisés ont leur propre petit village de toile, longues tentes rectangulaires bardées de stickers et, luxe suprême, lits de camp militaires. Les autres se sont tout simplement installés au milieu des préfabriqués qui servent de bureaux. Visibilité maximum pour Décathlon, ambiance camping dans les allées.
Sean : « I’m here to help »
Sean, trentenaire américain à l’allure de baroudeur branché sort nonchalamment des douches, les doigts de pieds entre les tongs et la serviette de bain sur l’épaule. Sourire en coin, Valéria le suit du regard. Depuis quelques jours, le grand blond aux muscles saillants et à la peau bronzée lui propose un partenariat avec sa « one man team ». Ce surfeur dans l’âme raconte aux jeunes stagiaires admiratives comme il a pris l’avion dès qu’il a su pour le tremblement, et propose aujourd’hui ses services à qui veut. « I’m here to help » explique-t-il au détour d’une pause clope, la voix tremblante.
Aux toilettes, on fait la queue pour se brosser les dents en discutant du dernier dossier en cours. « Tu es au courant pour les distributions massives à Port-au-Prince? » « Ah non, merde… y a plus de savon ! ». Il va falloir aller en taper une barre à l’UNICEF, les mieux fournis sur le camp.
Afficher Logbase sur une carte plus grande
Le lexique logbase
Ici, chacun a son identité imprimée sur un tee-shirt, pratique pour se repérer parmi les innombrables sigles et acronymes qui constituent le vocable logbasien : PAM, BID, PNUD, OCHA… Entre ONG locales et internationales, agences onusiennes, bailleurs ou corps militaires, la liste est longue.
Mais les campeurs sont tous experts en la matière. Dès l’aube, c’est l’effervescence. Dans les quelques espaces de travail aménagés, on se bat pour un coin de bureau, ceux qui ratent le coche se contentent d’un bout de parpaing pour la journée. Mieux vaut prévoir de la batterie.
Madness room
Valéria a réussi à poser son laptop dans la « madness room ». Imaginez l’ambiance : c’est le perpétuel concours de la sonnerie de portable la plus ridicule. Dernier tube RnB, classique Mozart ou bonne vieille bamba, on se distrait comme on peut quand on travaille 12 heures par jour.
A l’heure du déjeuner, on grignotte à la va-vite les rations militaires gracieusement distribuées par les troupes. Grand succès du moment, les spaghettis auto-chauffantes des Américains : Versez de l’eau salée dans le sachet, douze minutes et quelques réactions chimiques plus tard… « ding !», c’est prêt.
Cuisses de poulet et wifi à la cafétéria…
Quand le burn out menace, le campeur peut toujours s’évader le temps d’un repas à la cafét’ de la base. D’improbables désœuvrés et quelques galériens du wifi y ont élu domicile. Les cuisses de poulet frémissent sur les grilles du barbecue et CNN passe en boucle. Ouf. Passé 20h, la bière coule à flot, les rires montent de la terrasse. Il n’y a pas meilleur endroit pour évacuer le stress de la journée.
… Ou soirées latinos et muscu avec les soldats argentins
Quoique. Présents depuis six ans sur la base, les soldats argentins sont en place, et convient volontiers les campeurs à quelques joyeuses soirées latines. La cabine d’un ancien avion de ligne abandonné fait office de bar. On peut aussi faire une sieste dans la carlingue, ou du sport dans l’espace muscu aménagé sous les ailes du quadrimoteur.
Au coucher du soleil, les allées du camp s’éclairent des feux des ordinateurs qui fonctionnent jusque tard dans la nuit. Finalement, Valéria regagne son abri de fortune. Boules Quiès indispensables pour trouver le sommeil : la logbase est adossée à l’aéroport de Port-au-Prince.
Cuisses de poulet et CNN en boucle à la cafét’ de la base | L. R. pour StreetPress
Do you speak logbase, le lexique :
Logbase | lÉ’É¡beɪs | : diminutif de « base logistique », c’est l’ancienne base des troupes de la MINUSTAH (voir ci-dessous). Dès les premières heures après le séisme, alors que les bureaux de l’ Onu s’étaient effondrés en faisant plus d’une centaine de morts, personnels des ONG, employés onusiens et expatriés en général s’y sont réfugiés spontanément. La base est vite devenue le centre des opérations humanitaires en Haïti.
MINUSTAH | ˈmaɪnÉ™stÉ‘Ë | : la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti est présente depuis 2004 dans le pays. Forte de près de 7.000 casques bleus et d’un peu plus de 2.000 policiers elle a travaillé avec un relatif succès à améliorer la sécurité publique du pays. Pour réaliser cette mission elle dispose en 2009-2010 d’un budget annuel de plus de 600 millions de dollars. Perçue négativement pas une majorité d’Haïtiens avant le séisme, sa réactivité durant la catastrophe lui a assuré un important gain de popularité. Ses effectifs militaires sont majoritairement originaires d’Uruguay, du Brésil, du Népal, du Sri Lanka et d’Argentine.
Agences onusiennes | ˈædÊ’É™ns əʊnjuËdzen | : en Haïti l’aide internationale est chapeautée par les différentes agences de l’ ONU qui se répartissent les grands domaines d’actions : l’ Unicef pour l’enfance, le PAM pour l’aide alimentaire, la FAO pour l’agriculture, etc. Une agence, OCHA, est même dédiée à la coordination de ces différents domaines de l’aide. Pour les ONG, la collaboration avec ces agences est un moyen de témoigner de leur légitimité, mais constitue également un poids administratif conséquent.
Clusters | ˈklÊŒstÉ™z | : pour coordonner l’aide humanitaire les agences onusiennes fonctionnent par groupes de travail appelés « clusters », in english, répartis entre différents domaines (abris, eau et assainissement, agriculture,…). Chaque cluster étant lui-même subdivisé, participer à ce processus devient une activité très chronophage pour les ONG.
Voir aussi sur StreetPress:
20.02 > Sarkozy à Haïti : « Pwésiden toù pétit ! »
Source : Lucie Robert | StreetPress
Photos : Photo de Une : Lucie Robert pour StreetPress | Diaporama : Gaylord Van Wymeersch et Lucie Robert pour StreetPress
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER