En ce moment

    20/01/2010

    Une « communauté de brevets » pour baisser les prix du traitement du VIH dans les pays pauvres

    Sida : En 2010, les labos partageront-ils leurs brevets?

    Par Jay Raume

    Sur StreetPress, le président d'Onusida et la présidente de Médecins Sans Frontières, reviennent sur la proposition de créer une communauté de brevets pour les traitements du VIH. Le monde est suspendu à la réponse des labos, attendue pour 2010.

    Le sort des 33 millions de malades du Sida dans le monde est suspendu à la décision des laboratoires pharmaceutiques : Soit ils marchent avec la création d’une communauté de brevets sur les traitements contre le VIH ; soit deux malades sur trois dans le monde n’auront toujours pas accès aux anti-rétroviraux ; et les malades des pays pauvres qui seront traités continueront à avaler des médicaments dont la formule date de plus de 20 ans.

    « La pandémie de VIH s’est stabilisée, mais à un niveau inacceptable », explique à StreetPress Peter Piot, le président d’Onusida. Plusieurs milliers de personnes contractent l’épidémie chaque jour. En 27 ans, le Sida a fait 25 millions de morts. Depuis 2000, si l’espérance de vie en Afrique australe a chuté de plus de 10 ans, c’est surtout à cause du VIH. Pour Peter Piot, 8 millions de malades attendent un traitement en urgence. Les médicaments contre le VIH, les anti-rétroviraux, existent bien, mais deux personnes sur trois n’y ont pas accès. Pourquoi ? Parce qu’ils sont trop chers.

    Des antirétroviraux « génériques » low-cost, mais moins efficaces

    « C’est là où il y a le plus de patients qu’on utilise les plus mauvais médicaments », dénonce Marie-Pierre Allié, présidente de Médecins sans Frontières (MSF). Car on sait que les traitements contre le Sida coûtent cher. A l’heure actuelle, le prix minimum du traitement dans les pays en voie de développement est de 300 dollars par an et par patient, contre environ 5.000 dollars en Europe. Mais ces médicaments low cost sont des génériques : S’ils ne sont pas chers, c’est parce qu’ils sont fabriqués à partir de molécules dont le brevet est tombé dans le domaine public. Cela signifie qu’elles ont été découvertes depuis plus de 10 ou 20 ans. Et depuis, la recherche a avancé.

    Partager les brevets pour baisser les prix sur les traitements récents

    Pour donner accès aux traitements les plus récents dans les pays pauvres, l’Unitaid a proposé aux labos de partager leurs brevets. Résumons le fonctionnement d’une communauté de brevets :

    1. Les producteurs de médicaments génériques dans les pays en développement auront accès aux brevets des laboratoires occidentaux, et pourront produire des médicaments plus récents à bas prix.

    2. Plusieurs laboratoires auront des brevets en commun. Ils pourront donc produire le même médicament, et seront en concurrence. Celle-ci, ajoutée à l’augmentation du volume des ventes, fera baisser considérablement les prix.

    3. La mise en commun permettra de produire des pilules « trois en un » à partir de plusieurs brevets, simplifiant considérablement la prise du traitement et la gestion des stocks.  En effet, le nombre de gélules à avaler est un paramètre très important lorsqu’il s’agit de traiter des millions de personnes sur le long terme.

    4. Chaque fois qu’un laboratoire produira des traitements grâce à un brevet de la communauté, il devra payer des royalties de l’ordre de quelques pourcents à son inventeur. Ainsi, les laboratoires occidentaux, qui n’ont pas de marché dans les pays pauvres, seraient également gagnants.

    Les labos n’ont rien à perdre, mais…

    Mais les labos accepteront-ils de rentrer dans la communauté de brevets ? « Oui, parce qu’ils s’en foutent », nous répond Khalil Elouardighi, un des représentants associatifs d’Unitaid. En effet, ces laboratoires gagneraient beaucoup moins d’argent en touchant des royalties sur deux millions de traitements vendus en Afrique qu’en vendant quelques milliers de traitements à 10.000 dollars dans les pays occidentaux. Financièrement, la mesure ne leur ferait donc ni chaud ni froid.

    Cependant, certains laboratoires pourraient justifier un refus par la crainte d’une pression à la baisse sur les prix en Europe. Et s’ils libéralisent les brevets pour le Sida, pourquoi ne le feraient-ils pas pour tous les autres médicaments ? 

    MSF, tout comme Peter Piot à Onusida, se disent confiants quand à la décision des laboratoires pharmaceutiques. Plusieurs ont répondu favorablement, parmi lesquels les plus puissants. Ils ont promis à Unitaid de répondre courant 2010.

    Partager les brevets ou les supprimer ?

    Alors que le combat pour la communauté de brevets semble avancer, quelques associations dénoncent une possible victoire à la Pyrrhus.

    « Les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres », s’agace Reda Sadki. Pour l’animateur de Survivre au Sida, le combat qu’il faut mener est la suppression pure et simple des brevets sur les trithérapies. Dans les années 1990, des ONG comme MSF ou Aides avaient porté cette revendication.

    « Nul doute que si le combat contre les brevets de médicaments avaient abouti, des millions de vies auraient été sauvées », poursuit Reda Sadki. Outre le VIH, de nombreuses maladies tropicales, qui sévissent principalement dans les pays pauvres, ne peuvent être soignées faute de traitements à bas prix. Le cas du paludisme, qui tue un enfant toutes les 30 secondes, est édifiant.

    La mise en place de la communauté  de brevets semble donc définitivement entériner le combat contre le principe même des brevets. Pour Reda Sadki, « les associations qui soutiennent le projet ont capitulé face aux laboratoires pharmaceutiques. Si un status quo sur la propriété intellectuelle des labos est aujourd’hui possible, ce n’est certainement pas une victoire ». 

    Voir aussi sur le web :

    Le site de l’ Unitaid
    MSF sur les communautés de brevets
    Le site de l’émission Survivre au Sida

    Source : Jay Raume | StreetPress

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER