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    10/07/2024

    « On a aujourd’hui un sentiment d’apaisement après un an de lutte »

    Emmaüs : mises en examen et condamnations après les révélations de StreetPress

    Par Jérémie Rochas

    Le tribunal de Lille a condamné trois dirigeants d’Emmaüs pour travail dissimulé. À Montauban, la justice a placé en garde à vue deux autres dirigeants notamment pour travail dissimulé et rémunération insuffisante ou inexistante.

    Ce 5 juillet, devant le tribunal judiciaire de Lille (59), les compagnons grévistes de la Halte-Saint-Jean et d’Emmaüs Nieppe laissent exploser leur joie. « La lutte jusqu’à la victoire », chantent les travailleurs à l’unisson. Cette promesse, ils se l’étaient faite en juillet dernier, au début d’une grève déclenchée quelques jours après les révélations de StreetPress. La justice vient de leur donner raison. Les trois responsables des deux communautés viennent d’être jugés coupables de travail dissimulé. Anne Saingier et Pierre Duponchel, respectivement directrice et président de la Halte, sont condamnés à un an avec sursis pour la première, et neuf mois de prison avec sursis également, pour le second. Alexis Kotowski, le directeur d’Emmaüs Nieppe écope quant à lui d’une peine de six mois de prison avec sursis. Ils doivent rembourser l’Urssaf à hauteur d’environ deux millions d’euros, et ont interdiction d’exercer une activité bénévole ou professionnelle dans le secteur de l’économie sociale et solidaire pour une durée de cinq ans. Ils ont annoncé faire appel de la décision.

    « On a aujourd’hui un sentiment d’apaisement après un an de lutte durant laquelle nous avons souffert sous toutes les intempéries », rappelle Alixe Kombila, la porte-parole des grévistes de la Halte. La compagne de 35 ans poursuit :

    « La justice s’est prononcée en notre faveur quand bien même nous aurions voulu que les condamnations soient plus lourdes car nous portons toutes les séquelles de cet esclavagisme que nous avons subi. »

    En juin 2023, StreetPress révélait le système d’exploitation mis en place par les responsables de la communauté. Reconnus « travailleurs » par le tribunal, les compagnons vont maintenant pouvoir faire valoir l’indignité de leurs conditions de travail devant le Conseil des Prud’hommes. Parallèlement, un processus de négociations avec la Préfecture du Nord est enclenché pour la régularisation de l’ensemble des grévistes. Leur victoire est totale.

    L’ancien trésorier d’Emmaüs International mis en examen

    Ce n’est pas le seul dossier révélé par StreetPress qui bouge. En février dernier, notre média racontait que la communauté Emmaüs Tarn-et-Garonne dirigée par Christian Calmejane, ancien trésorier d’Emmaüs International, avait exploité des mineurs et des personnes sans-abris qu’elle hébergeait. Suite à cet article, le parquet de Montauban a ouvert une enquête préliminaire « du chef d’exécution d’un travail dissimulé commis à l’égard de personnes vulnérables », a indiqué dans un communiqué le Procureur de la République, Bruno Sauvage.

    Le 4 juin en début d’après-midi, quelque 70 gendarmes, en coordination avec les services de l’Urssaf, ont perquisitionné les quatre sites de la communauté. « Dans ce cadre, divers documents ont été saisis et plusieurs personnes ont été contrôlées en situation de travail », a précisé le parquet. Le 18 juin, Christian Calmejane et son adjoint ont finalement été placés en garde à vue avant d’être mis en examen pour « les chefs de rétribution inexistante ou insuffisante du travail de plusieurs personnes vulnérables dont au moins un mineur, travail dissimulé à l’égard de personnes vulnérables, et abus de confiance ». En attendant leur procès, ils sont placés sous contrôle judiciaire.

    « Emmaüs France réfute »

    En 2021, Emmaüs France avait déjà été alertée sur ces pratiques par une ancienne membre du conseil d’administration et avait alors diligenté un audit dans la communauté. Interrogée sur ses conclusions par StreetPress en février dernier, la fédération avait assuré « qu’aucune accusation n’a été corroborée à l’occasion de cet audit, à l’exception de critiques relatives à l’habitat de certains compagnons ».

    Dans un communiqué publié ce 7 juin 2024, la fédération « réfute fermement » les accusations d’exploitation des enfants mais reconnaît que « certains des plus grands aient pu participer à l’activité de réemploi de façon ponctuelle avec leurs parents ». Concernant le travail des personnes hébergées dans le dispositif d’hébergement d’urgence, Emmaüs France préfère parler de « participation à l’activité » volontaire.

    Contactée par l’AFP, Maître Isabelle Schoenacker-Rossi, avocate de Christian Calmejane n’a pas souhaité faire de commentaires sur les perquisitions. Elle a cependant rappelé que les informations données par l’ancienne membre du conseil d’administration, avant d’être évoquées par StreetPress, avaient déjà été communiquées au parquet, ainsi qu’à plusieurs services d’enquête, sans conséquence à l’époque.

    Le directeur d’Emmaüs Tarn-et-Garonne avait déjà fait l’objet d’accusations d’abus de confiance et de blanchiment aggravé aux dépens de l’association après la découverte d’un trou de 57.000 euros dans les caisses. En janvier dernier, il était relaxé par le tribunal judiciaire de Montauban. Le parquet a fait appel de la décision et le responsable sera de nouveau jugé pour ces faits.

    Illustration de Une de Nayely Rémusat.

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