Paris, 12e arrondissement, lycée Paul Valéry – « Des blocus comme ça, ça donne plus envie que des syndicats », rigole Dani (1), un lycéen de l’établissement, bloqué ce matin. Ce vendredi 29 mars, le blocus lycéen lancé par le Mouvement d’action lycéenne autonome (Mala) expérimente une nouvelle forme de mobilisation, et ce afin de « se réapproprier » l’espace du lycée pour un faire un lieu « politique et festif ». Sur des fonds musicaux des rappeurs Jul, Kalash Criminel ou 13Block, des lycéens échangent, jouent au foot ou font un atelier graf’ de banderole. Sur l’une d’elles est écrit : « On veut la liasse à Stanislas ». Une référence à l’école privée, subventionnée à hauteur de 900.000 euros, où l’éphémère ministre de l’Éducation Amélie Oudea-Castera avait placé ses enfants.
Pour s'émanciper des blocus lycéens, le Mouvement d’action lycéenne autonome a tenté une forme festive ce 29 mars, à Paris. / Crédits : Jeanne Actu
Sur une banderole est inscrit : « On veut la liasse à Stanislas ». / Crédits : Jeanne Actu
Vers 10h du matin, plus de trois heures après le début du blocus, certains élèves s’assoient sur des poubelles et un véritable atelier de barbershop se met en place à la place des cours. Il y a ceux qui se font couper les cheveux pendant que d’autres ont préféré les faire tresser pour cinq balles. Il y a aussi un… Barbecue. Vivian (1), qui s’occupe du dispositif, explique en retournant des merguez vendues deux euros pièce :
« On veut rendre les choses les plus calmes et joyeuses possibles, pour qu’on n’ait pas une image violente et qu’on fasse participer les élèves. »
Certains élèves s'assoient sur des poubelles et un véritable atelier de barbershop se met en place à la place des cours. / Crédits : Jeanne Actu
Le groupe dénonce un système lycéen qui « encourage la compétitivité et brise les liens de solidarité ». / Crédits : Jeanne Actu
« Le premier blocus est une bonne porte d’entrée à la politisation »
Une centaine d’élèves, curieux et amusés, sont autour du blocus et profitent de l’ambiance et des activités. Pour la Mala, le blocus festif souhaite combattre l’élitisme de la politique en se construisant en dehors de « l’entre-soi militant ». En plus des saucisses et des cheveux coupés, le groupe souhaite inspirer les jeunes à s’organiser eux-mêmes car « c’est en parlant qu’on se rend compte qu’on a une voix, et qu’on peut répondre à nos problèmes », explique un sympathisant de l’organisation. Aux élèves de Paul Valéry comme aux autres lors des précédents blocus ou assemblées, le groupe dénonce un système lycéen qui « encourage la compétitivité et brise les liens de solidarité ». La Mala se positionne pour la fin de Parcoursup et du Service national universel (SNU) et affirme son soutien aux établissements du 93 et à la Palestine. Une banderole en ce sens est d’ailleurs accrochée aux grilles du bahut. « C’est dans la rue qu’on fait de la politique », estime de son côté Brice (1), un lycéen membre de la Mala, et pas « déguisé en costard pour faire le clown sur BFMTV ou à l’Assemblée ». Il explique :
« Ici chacun se sent concerné, le premier blocus est une bonne porte d’entrée à la politisation. »
Atelier barbecue. / Crédits : Jeanne Actu
Des violences le matin
« C’est vrai que nous, la jeunesse, on n’est pas assez pris au sérieux », s’exclament Asheley et Khady. Les deux lycéennes ont découvert leur lycée bloqué ce vendredi matin. Comme la Mala, elles reprochent au gouvernement de ne pas écouter les jeunes et de ne pas avoir le sens des priorités : « Ils mettent de l’argent pour le SNU alors qu’il n’y a pas d’argent pour l’école. » Khady, une brune au manteau noir, « aime bien l’idée » du blocus festif :
« Ça ne change pas les choses, mais sur le moment, c’est bien. »
Alors que chez le barbershop improvisé, on enchaîne les coupes et les dégradés, des agents du rectorat, l’élue du 20e arrondissement Danielle Simonnet et quelques enseignants observent les élèves. « Au cas où il se passe quelque chose », détaille l’une des profs.
En plus des saucisses et des cheveux coupés, le groupe souhaite inspirer les jeunes à s’organiser eux-mêmes. / Crédits : Jeanne Actu
Malgré la volonté festive, le blocus a aussi eu son lot plus habituel de frictions avec des forces de l’ordre. Dans la matinée, une trentaine de lycéens se sont confrontés aux policiers et leur ont tiré dessus avec des feux d’artifice. Un lycéen a été arrêté aux côtés d’un assistant d’éducation (AED) qui se serait interposé face au plaquage ventral de l’élève. Pour Asheley et Khady, la violence du début du blocus « décrédibilise la cause, mais en même temps, on n’est pas écouté… »
(1) Les prénoms ont été changé.
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