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    01/03/2024

    Tribune de Latifa Oulkhouir

    « Il ne faut pas renouveler l'agrément de CNews et C8 »

    Par Sara Carraud

    Latifa Oulkhouir, directrice de l'organisation Le mouvement, appelle à signer une pétition contre la reconduction de l’autorisation de diffusion des chaînes de Vincent Bolloré CNews et C8, qu’elle juge racistes et vectrices de désinformation.

    « Sur CNews, 78 % des invités sont de droite ou d’extrême droite, selon une étude commandée par Reporters sans frontières, publié ce mois-ci (1). Sur ces deux dernières années, plus d’une trentaine de sanctions ont été émises par l’ARCOM – l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – à l’encontre des chaînes C8 et CNews, pour des faits de racisme ou de désinformation. Au total, ces sanctions représentent plus de 7,5 millions d’euros d’amende. Certains chroniqueurs ont par ailleurs été condamnés pénalement, dont – forcément – Eric Zemmour, pour ses propos sur les migrants : “Ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs. C’est tout ce qu’ils sont”.

    Voilà pourquoi Le Mouvement – association de mobilisation citoyenne – a décidé de lancer une pétition avec la députée du Val-de-Marne, Sophie Taillé-Polian (écologiste – Nupes), pour appeler au non-renouvellement de l’agrément de CNews et de C8, qui donne l’autorisation de diffusion pour une nouvelle année.

    CNews : entre clash et désinformation

    CNews et C8 sont des chaînes emblématiques de ce qu’il ne faut pas faire. Sur CNews, un énorme temps d’antenne est accordé à des plateaux où des gens donnent leur avis. Mais à quand un reportage de terrain, qui recueille la parole des Françaises et des Français ? À quand un sujet plus poussé ? À quand des sujets avec des données factuelles ? Ce qui reste, pourtant, le propre du métier de journaliste…

    Cnews préfère réunir des gens autour d’un plateau, parce que ça ne coûte pas beaucoup d’argent. En revanche, envoyer des journalistes partout en France pour parler de ce qui se passe dans le pays, ça coûte de l’argent. Prendre du temps, faire des enquêtes et des reportages de terrain, voilà où CNews a décidé de ne pas investir. Le clash, les propos racistes et choquants, fonctionnent mieux.

    Parfois, le racisme croise la désinformation. L’exemple le plus parlant, est évidemment Pascal Praud : quand tout le monde parle des punaises de lit, lui, fait le lien entre l’immigration, les problèmes d’hygiène et les punaises de lit. Cette corrélation est abjecte, parce qu’elle est d’abord raciste. Elle ne tient sur aucun fondement et données factuelles.

    Au-delà du racisme – qui pose problème –, est-ce que les téléspectateurs apprennent quelque chose de tout ça ?

    Cyril Hanouna et TPMP

    Concernant maintenant Touche pas à mon poste, l’émission de Cyril Hanouna sur C8, là est encore un autre type de fonctionnement : on remarque des dynamiques d’humiliation de la part des chroniqueurs. Lorsqu’ils recueillent des témoignages en plateau, ils ne font preuve d’aucune empathie.

    Récemment, Loana – qui s’est fait connaître en gagnant la première émission de téléréalité française Love Story – est venue témoigner d’un viol dont elle a été victime. La séquence est extrêmement dure à regarder : les chroniqueurs rigolent et se moquent d’elle.

    Des chaînes qui normalisent le discours de l’extrême droite

    Sur C8 et CNews, un plateau entier peut débattre de données parfois fausses ou racistes (comme le lien entre l’immigration et les punaises de lit, fait par Pascal Praud et expliqué plus haut, ndlr). La question, biaisée, fera ensuite réagir tout l’échiquier médiatique et politique, qui va devoir se positionner. Résultat : certaines thématiques d’extrême droite, qui en réalité ne font pas partie des préoccupations des citoyens, se retrouvent au centre du débat public. Aujourd’hui, le pouvoir d’achat et le logement sont les priorités des Français.

    Lorsque nous avons lancé cette pétition, certains m’ont demandé : “Mais est-ce que vous n’avez pas peur de vous attaquer à Vincent Bolloré ?”. Je me suis dit que c’était incroyable de se poser cette question dans une démocratie comme la France. En réalité, si les médias dont il est propriétaire étaient seulement des puits sans fond qui ne rapportent jamais d’argent, Vincent Bolloré n’aurait jamais investi. Il a un agenda et un projet politique. Avoir un média, c’est avoir énormément de pouvoir. On le constate aujourd’hui.

    Beaucoup de sanctions ont été prises, rien n’a changé. Maintenant, il faut couper. »

    (1) Rapport de François Jost, sémiologue et professeur en sciences de l’information à la Sorbonne Nouvelle, pour Reporters sans frontières (RSF), publié en février 2024. L’étude se base sur l’observation de cinq jours consécutifs, du 31 janvier au 4 février 2022, de la chaîne Cnews.

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