Le 5 octobre dernier, quatre salariés nordistes de RTE, filiale d’EDF chargée du transport d’électricité, ont été perquisitionnés et mis en garde à vue par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Lorsqu’à l’époque StreetPress avait sollicité le géant de la distribution d’électricité, l’entreprise avait répondu, par son service de presse, « avoir porté plainte contre X comme elle le fait dans ces situations. Une procédure judiciaire est en cours. Par ailleurs, après une enquête interne, RTE a engagé des procédures disciplinaires contre quatre salariés ». Sauf que selon nos informations, l’entreprise ne s’est pas contentée de porter plainte. Elle a fait des pieds et des mains pour que l’affaire soit prise en main par les services de renseignements. RTE veut que « la justice frappe fort et fasse un exemple », estime Francis Casanova, délégué syndical central (DSC) de la CGT RTE.
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Le 26 juillet 2022, Pierre A., le responsable maintenance se rend au commissariat de Lille, « suite à une intervention dans le système de supervision de 14 postes électriques haute tension de manière non autorisée qui a entraîné une perte d’observabilité et de manoeuvrabilité de ces derniers ». Une action menée par des salariés en grève qui n’entraîne, ni coupure de courant, ni mise en danger des installations. Les grévistes rendent simplement invisible du réseau internet les transformateurs qui permettent de transmettre le courant. Ainsi, le centre de commande – alias la RTE – ne peut plus les diriger à distance et est obligé d’envoyer « un technicien pour regarder ce qu’il se passe ». Des faits pour lesquels ils prennent, au pire, une simple amende.
Pierre A. dépose plainte au nom de RTE. Jusque-là rien d’inhabituel. Mais, selon certains éléments de procédures que StreetPress s’est procurés, deux jours plus tard, le directeur Sûreté du groupe RTE, Marc Betton, va contacter la DGSI « pour les informer des faits impactant leur système informatique ». Et c’est là que la machine s’emballe. La DGSI alerte le parquet de Paris, qui décide de se saisir du dossier. Il ouvre une enquête pour « entrave à un Système de traitement automatisé de données (Stad) », « sabotage informatique », « accès et maintien frauduleux dans un Stad », « introduction frauduleuse de données dans un Stad », « modification frauduleuse de données contenues dans un Stad » et « suppression frauduleuse de données contenues dans un Stad ». Le parquet dessaisit au passage la police de Lille et confie officiellement l’enquête à la sécurité intérieure (DGSI).
Deux jours après la plainte déposée par Pierre A. au nom de RTE, le directeur Sûreté du groupe RTE, Marc Betton, va contacter la DGSI « pour les informer des faits impactant leur système informatique ». / Crédits : DR
Après l'alerte donnée par Marc Betton, le directeur Sûreté du groupe RTE, la machine s’emballe. La DGSI alerte le parquet de Paris, qui décide de se saisir du dossier. / Crédits : DR
Du côté de RTE, comme Marc Betton est en vacances, c’est Philippe Le-Falher qui prend le relais. Il s’agit de l’officier central de sécurité de l’entreprise. Début août, il informe la DGSI que RTE a été en mesure d’identifier les deux « possibles auteurs ». Mais pour boucler son enquête interne, RTE aurait besoin d’accéder à certaines données personnelles, ce qu’elle n’a pas le droit de faire, sauf si la justice le lui demande. Pas de problème : la DGSI transmet une réquisition qui va dans ce sens à RTE.
La DGSI alerte le parquet de Paris, qui décide de se saisir du dossier, et ouvre une enquête. / Crédits : DR
L’enquête conjointe de l’entreprise et des services de sécurité intérieure se conclut par l’arrestation le 4 octobre dernier des quatre salariés qui sont placés en garde à vue au siège de la DGSI à Levallois-Perret (92). Après presque 96 heures d’enfermement, ils sont relâchés et placés sous contrôle judiciaire. Ils ont interdiction de se voir et de se contacter et leurs téléphones professionnels ainsi que leurs équipements informatiques ont été saisis. Ils seront jugés le 28 février prochain, ils risqueraient jusqu’à cinq ans de prison et 150.000 euros d’amende.
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Contacté par StreetPress, Marc Betton a répondu que « RTE ne commente pas une procédure judiciaire en cours ». Philippe Le-Falher n’a quand à lui pas répondu à nos sollicitations.
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