Saint-Denis (93) – Ogur a failli être policier. Il a même intégré l’école de police de Draveil (91). Mais en mars 2022, il est licencié sur la base de fausses accusations. Il aurait tenu des propos menaçants en direction de l’un de ses formateurs. Une affaire qui sera classée sans suite par le parquet de Paris. Mais le jeune homme est tout de même exclu du centre de formation.
Retour en arrière. Le 28 février dernier, Ogur, 29 ans, intègre l’école de police de Draveil pour y suivre la formation de policier adjoint. « C’était une vocation. J’ai passé le concours trois fois. La première fois, j’avais 18 ans. Je l’ai loupé alors j’ai travaillé. Je l’ai repassé à 28 ans mais je l’ai encore loupé à l’oral. Je l’ai repassé », rembobine l’ancien élève de la 132e promotion.
À son arrivée, tout se passe bien. Il fait la connaissance de ses camarades de classe, affectés comme lui à la section 4. L’ambiance est plutôt bonne, dit-il. Mais au fil des jours, Ogur remarque l’antipathie de Thomas P. et de Clément R. à son égard, deux garçons de sa section de 18 et 21 ans :
« Je ne voulais pas participer à leurs gamineries. Je les trouvais très immatures. Moi, je savais pourquoi j’étais là. J’ai 29 ans, je n’avais pas envie de perdre mon temps avec tout ça. Ils ont eu le seum. »
Les accusations
À ce moment-là, ces incompatibilités d’humeur sont pour lui sans importance. Jusqu’au jeudi 17 mars. Il est 8h20 du matin. Les élèves policiers adjoints de la section 4 prennent place à bord du car, direction le stand de tir. Ogur, lui, se voit refuser l’accès au véhicule par son formateur d’armement. Il raconte :
« Il m’a fait descendre. Il m’a accompagné à l’accueil de l’école et m’a laissé là sans rien me dire. Je n’ai rien compris. Ensuite, un major est venu me voir. Il m’a dit que j’avais dit que je voulais tirer sur mon formateur et il est reparti. Je suis resté assis à l’accueil jusqu’à midi, après je suis allé manger. »
La veille, Ogur et ses camarades ont eu un cours sur les armes à feu. Le formateur a rassemblé ses élèves dans la cour de l’école. Alignés les uns à côté des autres, ils ont manipulé leur future arme de service : le Sig Sauer. Clément R. et Thomas P. disent avoir entendu Ogur menacer de mort leur formateur. Ce dernier n’a rien entendu et l’élève d’origine turque nie en bloc. Au moment où il aurait prononcé ces propos, il est debout juste à côté de Romain (1), un autre élève qui va prendre sa défense :
« C’est faux ! J’ai entendu aucune menace ! Ils trouvaient qu’Ogur se la pétait. Depuis le début, ils l’ont dans le pif. Ils disaient qu’il était en école juste pour toucher le chômage. Mais de là à l’accuser, c’est chaud ! C’est un coup monté, c’est sûr et certain ! »
Selon plusieurs élèves interrogés, la direction de l’école ne veut pas prendre de risque quitte à virer sans preuve. L’un d’eux commente :
« Ogur n’a jamais rien fait à personne. Il a toujours été respectueux et gentil avec les gens. Même quand tout le monde l’évitait, il me demandait comment se passaient nos séances de tir. Je ne suis pas du tout d’accord avec ce qui c’est passé ! »
Le 17 mars en début d’après-midi, Ogur rédige à la demande de sa hiérarchie un rapport sur les faits de menaces de mort qui lui sont reprochées. Il est dans la foulée reçu par le capitaine de police S. et le major de police N. Pendant l’entretien, l’officier semble être plus préoccupé par la syntaxe du rapport de l’élève incriminé que par les arguments de ce dernier assure Ogur :
« J’ai soutenu que je n’avais jamais dit que je voulais tirer sur mon formateur. Jamais je ne dirai ça. Ils ne m’ont pas écouté. Le capitaine a dit que mon rapport était bourré de fautes d’orthographe et qu’il ne voulait rien dire. »
L’affaire est classée sans suite
Vendredi 18 mars au matin, le major N. l’informe qu’il va provisoirement changer de classe.
« Il m’a fait sortir des rangs devant tout le monde. Je suis allé me ranger dans les rangs de la section 1. Quand on est arrivés en salle de cours, le formateur a dit devant les trente-deux élèves, qu’il allait me prendre temporairement dans sa classe mais qu’il ne le souhaitait pas car il n’aime pas les personnes qui menacent leur formateur. »
« Tout le monde le regardait comme un terro », raconte Marco (1) un des élèves de la section 1 :
« Il a passé un sale moment, mais je ne pouvais pas l’approcher sinon tout le monde m’aurait, moi aussi, mis à l’écart. »
Il est 12h, c’est la fin des cours pour les élèves policiers de Draveil. Ogur rentre chez lui avec une convocation pour une audition lundi matin. Accablé par les accusations dont il fait l’objet, il n’a pas eu la force de revenir immédiatement à l’école. Son médecin qui constate sa détresse psychologique l’arrête pendant un mois :
« Je n’étais ni en état de subir une audition ni en état d’aller en cours. Mon avocate a reporté l’audition au 31 mars. »
Le jour J, Ogur, toujours en arrêt maladie, se présente à l’école de police accompagné de son conseil. Il est auditionné par le capitaine N. Selon le jeune homme, son audition s’est bien passée jusqu’à sa sortie du bureau. Il explique :
« À la fin de l’audition, le capitaine m’a dit en souriant qu’une surprise m’attendait dehors. La surprise, c’étaient des policiers. Ils m’attendaient pour m’emmener au commissariat de Draveil. Arrivé là-bas, ils m’ont mis directement en garde à vue. »
Il est ensuite entendu par l’officier de police judiciaire du commissariat pendant près d’une heure et sort finalement après un peu plus de cinq heures :
« L’OPJ m’a dit que l’affaire a été classée sans suite. Il m’a donné une convocation en me disant que j’étais attendu à l’école pour être licencié. »
Ogur est licencié
Le 1er avril, Ogur se rend à sa convocation à l’école de police de Draveil. Dans son bureau, le capitaine de police N. tente de lui faire signer des aveux de culpabilité :
« Il voulait que je signe un papier qui disait que j’avais bien dit que je voulais tirer sur mon formateur. J’ai refusé ! Il m’a dit que de toute façon, que je signe ou pas, je serai quand même viré de l’école. J’étais choqué ! »
Ogur poursuit :
« J’ai redit au Capitaine que je n’avais fait aucune menace. Et que le procureur avait classé l’affaire. Il m’a dit : “Ça ne veut rien dire. Dans tous les cas, tu vas être viré !” »
Aujourd’hui, le jeune homme licencié a retrouvé un emploi. Mais il ne compte pas se « laisser faire », dit-il. Avec son avocat maître Assaoui, ils vont saisir le tribunal administratif.
Contactée, la direction n’a pas répondu à nos sollicitations.
(1) Le prénom a été modifié.
Image d’illustration prise par StreetPress le 2 mars 2022 à Lucé (28).
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€ 💪Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER