Claudia lève son pull marron. Des marques de brûlures quadrillent son dos. « Ça vient de l’incendie », souffle-t-elle. La maison qu’elle squattait a brûlé le 12 février 2022. Claudia et les 79 autres habitants du squat de la communauté Rom sont à la rue sans eau ni électricité. Le groupe est maintenant divisé en deux. Une partie vit dans un squat, une unique pièce où une trentaine d’habitants sont entassés. L’autre groupe de famille se retrouve sur un terrain vague, coincé entre un Lidl et une salle de sport. Petit rayon de soleil : la mairie leur promet l’installation prochaine de sanitaires et d’un point d’eau et, à plus long terme, d’un relogement.
Depuis l'incendie, le groupe de Roms est divisé en deux, sans eau ni électricité. Une partie vit dans une unique pièce où une trentaine d’habitants sont entassés. / Crédits : Clémentine Eveno
Survie sans eau ni électricité
En attendant, les deux enfants de Claudia, 11 et 13 ans, se rendent au centre Emmaüs situé à quelques centaines de mètres du terrain vague pour remplir des gros bidons d’eau. Sur place, ils peuvent aussi profiter d’une douche. La famille de cinq personnes vit dans un camion rouge pétant garé dans un coin.
Sur le camp, le froid et la pluie printanière rendent le quotidien des 40 habitants difficile. Une peluche et une couverture léopard apparaissent depuis l’extérieur d’une Picasso cabossée. C’est le lieu de vie de Mandarina Vochta, 21 ans, visage bambin. Elle y dort avec son mari et ses deux enfants. Ils peuvent parfois se réchauffer en faisant du feu dehors, mais aujourd’hui, pas moyen. La pluie refuse de s’arrêter. Mandarina referme vite la portière. Son mari sert contre lui ses deux enfants. Le bébé fixe droit devant lui. Le plus grand pleure. Les deux petits s’emmitouflent un peu plus dans la couverture.
Sur le terrain occupé par les habitants roms, la famille de Mandarina vit dans sa voiture. / Crédits : Clémentine Eveno
Certains n’ont même pas le luxe de dormir dans un véhicule. Roxana et son fils vivent dans une tente installée sous un abri en bois pour qu’aucune goutte ne passe. Même avec ce stratagème, impossible de faire sécher son linge quand il pleut. L’abri a été construit par les deux hommes qui s’affairent à quelques mètres de là, planches de bois dans les mains. Flori fanfaronne en roumain, langue avec laquelle il peut communiquer avec le traducteur :
« Là, j’ai mis une semaine parce qu’on n’avait pas les matériaux, mais un abri comme ça, je te le fais en trois heures. »
Encore faut-il dégoter les matériaux. Nicolaï, sourire et cheveux ébouriffés, montre les trous de l’abri. Il lui faut acheter des bâches. Pour ça, il fait la manche en ville.
Nicolaï tente de construire les abris. Pour combler les trous, il cherche à acheter des bâches. Pour cela, il fait la manche en ville. / Crédits : Clémentine Eveno
Roxana et son fils vivent dans une tente installée sous un abri en bois. / Crédits : Clémentine Eveno
Sa vie sur un matelas
Dans le bâtiment occupé situé à deux stations de bus, c’est à peine mieux. Après l’incendie, une autre partie du groupe rescapée s’est réfugiée dans des locaux abandonnés. Une barrière en fer entrave l’accès à un bâtiment composé d’une unique pièce en parpaings. 35 personnes s’entassent sans chauffage et sans lumière. Parmi eux, deux bébés qui ont respectivement un et trois mois. Entre les gazouillements et les pleurs des marmots, les cris de joie d’enfants qui jouent au foot, il y a toujours un fond sonore.
Une assiette de lentilles saucisse dans la main, Marie Guergeila, 24 ans, surveille d’un œil ses deux fils. Elle est enceinte d’un troisième. Elle ne peut plus supporter ce matelas en mousse sur lequel elle est assise. En plus de dormir dessus avec sa famille, elle y mange et y change ses enfants. Elle reste toute la nuit pliée pour que ses pieds ne touchent pas le sol.
Marie, 24 ans, surveille d’un œil ses deux fils. Elle ne peut plus supporter son matelas en mousse sur lequel elle vit. / Crédits : Clémentine Eveno
Marie attend son troisième enfant dans ces conditions insalubres. / Crédits : Clémentine Eveno
Installation d’eau et de sanitaires par la mairie
Après deux mois d’incertitude, les 48 adultes et 32 enfants mis à la rue ont une pointe de soulagement. Maintenant, ils savent qu’ils vont avoir accès « avant toute chose à de l’eau et des sanitaires », selon un mail de la mairie que StreetPress a pu consulter. Les travaux commencent en mai.
À LIRE AUSSI : Bienvenue au Platz, le camp Rom au bout des pistes de l’aéroport d’Orly
À plus long terme, l’objectif est de reloger les familles dans de meilleures conditions, dans le cadre d’un accompagnement avec une association (Soliha). Mais à ce jour, aucune date n’est fixée.
Un relogement, mais quand ? / Crédits : Clémentine Eveno
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER