Paris 09 – « C’était une scène incroyable. Il s’est pris au moins quatre patates dans le visage », rembobine Philippe Chanet. Le quadragénaire a été témoin le 24 mars dernier, vers 17h, du tabassage de Tidiane Kone par un policier. La scène est violente. « J’avais le visage en sang. Il m’a mis un coup de crosse de taser dans la tête », complète la victime âgée de 22 ans, d’une voix émue.
Ce jour-là, Tidiane se promène avec son pote Amir (1). Les deux amis se trouvent sur la rue du Conservatoire, quand ils remarquent une voiture de police. « Ils sont passés quatre fois devant nous. Ils cherchaient quelque chose. Je les connais. On s’est éloignés sans courir parce que je ne voulais pas d’embrouille avec eux », explique la victime. Un policier, qui les voit prendre le large, arrive en courant derrière eux. « Il nous a tirés par notre veste et nous a emmenés sur la rue Sainte-Cécile comme ça. On n’avait rien fait », poursuit Amir, 17 ans.
Alors qu'il est avec un ami, Tidiane se fait amener par un policier qu'il connaît rue Sainte-Cécile. Suite à une question sur le motif du contrôle, ça tourne mal pour lui. / Crédits : Thibault Lauras – StreetPress
« J’ai cru qu’il allait le tuer ! »
Les deux jeunes sont immédiatement plaqués au mur de l’église Sainte-Cécile par deux fonctionnaires. Tidiane demande à l’homme en uniforme les raisons du contrôle et de sa colère. La question passe mal. Philippe Chanet, qui passe à ce moment-là, est attiré par ces personnes qui « parlent fort ». Il décide donc d’aller voir ce qui se passe. À cet instant, tout dégénère. Il raconte :
« Le flic a d’abord jeté le portefeuille du gamin en l’air. Après, il a dégainé son taser et lui a tiré dessus. »
« Il m’a tasé en pleine poitrine. Je me laissais faire en plus mais je voyais dans ses yeux qu’il avait une rage de fou », complète la victime. « J’ai cru qu’il allait le tuer ! », détaille Philippe, le témoin. « Le jeune n’est pas tombé tout de suite au sol alors le flic l’a attrapé et lui a donné au moins quatre grosses patates dans le visage. »
Une fois en garde à vue, Tidiane passe devant un toubib suite à cette interpellation violente. Il lui pose trois points de suture à l'arcade sourcilière, deux entre les yeux, constate un coquard et lui délivre trois jours d'incapacité totale de travail. / Crédits : DR
Selon lui, le policier était « très nerveux et violent » alors que le garçon contrôlé n’était « pas du tout agressif » :
« Il ne se rebellait même pas. Il était calme. »
Il encaisse des coups de poing et un coup de crosse de taser au visage. « J’avais le visage en sang. J’étais anesthésié, tellement il me cognait », complète la victime, la voix chevrotante.
Trois jours d’ITT
Les policiers décident de l’interpeller. Son pote, lui, est relâché. Sur la vidéo prise par un des témoins, on voit Tidiane au sol, face contre terre, le visage ensanglanté. Pendant que deux policiers, dont l’auteur des violences, menottent le jeune, un troisième tente d’empêcher le témoin de filmer la scène.
Philippe, le témoin, a bien tenté de filmer l'état de Tidiane durant l'interpellation, mais un troisième policier l'en a empêché comme le montre sa vidéo. / Crédits : DR
D'autres témoins filment la scène. L'un d'eux montre Philippe se faire repousser et empêcher de filmer par un agent. / Crédits : DR
Le garçon de 22 ans est ensuite chargé dans le véhicule de police et part en direction du commissariat du 9e. Malgré un visage couvert de sang, il est placé en garde à vue, puis mis en cellule avant même d’être présenté à un médecin. C’est seulement deux heures plus tard, qu’il est enfin conduit à l’hôpital Bichat. Le jeune homme a la gueule bien amochée. Le toubib lui pose trois points de suture à l’arcade sourcilière, deux entre les yeux, constate un coquard et lui délivre trois jours d’incapacité totale de travail.
Relâché sans poursuites
Le lendemain, Tidiane est auditionné par l’officier de police judiciaire du 9e. Le fonctionnaire l’informe qu’il a été interpellé pour outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique. Une annonce surprenante car la veille, le fonctionnaire a donné un motif bien plus lourd à sa hiérarchie :
« Le policier a dit à la radio qu’il m’avait interpellé pour outrage, rébellion et menace de mort. Mais il savait que les gens avaient filmé, c’est pour ça qu’il n’a mis que l’outrage. »
Tidiane conteste avoir prononcé les insultes attribuées par le fonctionnaire et n’a pas été mis en examen à l’issue de sa garde à vue. Il prévoit, avec son avocate Raphaëlle Rischmann, de déposer plainte. Le parquet de Paris, contacté par StreetPress, assure qu’une enquête est déjà en cours, sans qu’on sache si c’est un témoin ou un autre fonctionnaire qui a dénoncé les faits.
(1) Le prénom a été modifié.
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