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    25/11/2021

    Supporters, ex-mercenaire et soirée arrosée

    Procès des ultras entrés dans le stade de Nantes pour récupérer un faux cercueil

    Par Christophe-Cécil Garnier

    Le 30 mai 2021, une trentaine de supporters du FC Nantes s’introduisent dans le stade du club. Ils veulent récupérer un faux cercueil. Procès d’une drôle d’affaire.

    Tribunal judiciaire de Nantes (44) – À la barre, Julien R., Jonathan O. et Miles R. se tiennent droits comme des I dans la salle d’audience rectangulaire aux parois cramoisies. Ils sont tous accusés de dégradation et de violences pour les deux derniers, en marge du match de barrage entre le FC Nantes et Toulouse à la Beaujoire, le stade nantais, le 30 mai 2021. À l’époque, malgré une défaite 1-0, les jaunes et verts restent en Ligue 1 grâce à leur victoire du match aller et sauvent une saison catastrophique où quatre entraîneurs (dont Raymond Domenech) se sont succédés.

    Dans la soirée, alors que le match est terminé depuis environ trois heures et que le staff célèbre le maintien, des supporters débarquent, dont les trois qui passent devant la juge à Nantes ce 24 novembre 2021. Mais pourquoi cette intrusion ?

    L’affaire du cercueil

    Pour comprendre l’histoire, il faut revenir au 23 mai 2021. Une semaine avant le match de barrage, 1.000 supporters marquent leur opposition au président du club, Waldemar Kita. Sur un air de marche funèbre, les fans enterrent un cercueil aux abords du stade où est écrit « FC Kita », une façon de demander la fin des 14 ans de règne de l’homme d’affaires franco-polonais. Les supporters du FC Nantes lui reprochent des choix sportifs douteux – 17 entraîneurs différents depuis son arrivée –, des soupçons de fraude fiscale, des projets pharaoniques… Et aussi de s’être acoquiné avec les agents Mogi Bayat et Bakari Sanogo, visés par des affaires de blanchiment d’argent et de corruption pour l’un ou d’escroquerie et de blanchiment pour l’autre.

    Le soir du 30 mai, les Nantais découvrent sur les réseaux sociaux que ces deux agents ont exhumé le faux cercueil pour faire la fête autour, sur la pelouse de la Beaujoire. L’opération semblait préparée. Des agents de sécurité ont été aperçus « pelle à la main, quittant le stade, après le match », écrit à l’époque le journal local Presse Océan. Les photos auraient été publiées sur Twitter par Olivier Feneteau, le responsable sécurité du club, selon Julien R. « C’était pour eux une sorte de fierté apparemment », estime-t-il à la barre. Un « acte de provocation » envers les supporters de Nantes, selon maître Toussaint, l’avocat de Miles R., et un « manque de respect » pour Jonathan O.

    La fête est finie

    Chauffés à blanc, une trentaine de fans s’amassent devant la Beaujoire à 22h48. Ils ouvrent le portail principal, haut de quatre mètres, « en cinq secondes » selon l’observation des policiers via la surveillance vidéo. Une partie du groupe va récupérer le cercueil sur la pelouse tandis qu’une dizaine d’autres supporters se rend au 1er étage où se passe la sauterie. Des bouteilles de vin sont renversées. Waldemar Kita ou les deux agents ne sont plus là mais ils croisent le responsable sécurité Olivier Feneteau – un ancien compagnon d’armes du mercenaire Bob Denard, avec qui il a participé au coup d’État aux Comores en 1995 – et Amandine D., serveuse intérimaire le soir du match. Les deux sont bousculés. Un des intrus lui envoie un support de plateau à la tête avant de jeter un distributeur de gel sur la cuisse d’Olivier Feneteau. Aucun jour d’ITT pour la serveuse qui en est encore chamboulée, mais cinq pour l’hématome sur la cuisse du responsable sécu.

    Il s’agirait de Miles R. Devant la juge, l’étudiant en alternance de 21 ans dit ne pas se souvenir de grand-chose car il était « fortement alcoolisé ». Membre de la Brigade Loire – le groupe ultra du FC Nantes (qui a condamné les événements comme les autres groupes) – depuis moins d’un an, il se souvient juste être « allé à l’entrée du stade ». « J’ai passé le portail mais je ne suis pas allé plus loin », décrypte-t-il. Sur les images, le supporter en question a une cagoule mais ses habits collent avec l’accoutrement de l’étudiant, interpellé à 1km de la Beaujoire. Le problème, selon maître Toussaint, c’est qu’aucune cagoule n’a été retrouvée sur Miles R. et qu’il est vêtu un short noir avec l’écusson du FC Nantes et une veste verte. « Des vêtements très communs aux supporters nantais », professe l’avocat. Pour preuve : Julien R. et Jonathan O. ont également ces fringues dans leur garde-robe.

    « Fanatique » et IDS

    À la barre, ce dernier est « navré pour le personnel d’avoir subi notre venue ». Ce chauffeur-livreur a dégradé une porte battante entre le bar et le « salon premium » du stade. Il a également saisi les poignets d’Olivier Feneteau, croyant qu’il voulait en découdre, avant de partir. « À aucun moment, je n’ai voulu être violent envers lui », explique-t-il. La juge mentionne son casier judiciaire, fait de tentative d’entrée de fumigènes dans un stade, ivresse en tribune ou non-respect d’une interdiction de stade (IDS). « Je supporte le club depuis que je suis petit », détaille Jonathan O., qui se décrit comme un « fanatique » du FC Nantes : « Forcément avec des comportements parfois un peu extrêmes. » Ancien membre de la Brigade Loire, il l’a quitté il y a cinq ans, en même temps qu’il a arrêté d’aller au stade pour s’occuper de son enfant.

    Quant à Julien R., également père de famille et responsable marketing, il a juste été chercher le cercueil sur la pelouse et n’a fait preuve d’aucune violence. Sauf que le trentenaire était sous le coup d’une IDS depuis mars 2021. « Je pensais que c’était juste dans le cadre des matches. Là, il était fini », assure-t-il, appuyé par son avocate, maître Marie-Emmanuelle Beloncle. Il est également poursuivi pour dégradation du portail, car il apparaît sur la vidéosurveillance dans le groupe qui ouvre – rapidement – la grille, où une charnière a été brisée.

    « C’est comme dans les manifestations »

    À 20h30, l’avocat du FC Nantes, d’Olivier Feneteau et d’Amandine D., prend la parole. Il a sorti la calculatrice et demande plus de 5.000 euros pour le portail (qui n’a toujours pas été réparé six mois plus tard) et 10.000 euros de préjudice d’image « pour un club qui se veut familial » et dénonce un climat de tensions autour du président Kita depuis 2007. En face, maître Beloncle tacle :

    « On parle de règlement de comptes, on parle de menaces de mort, on mélange un peu tout. Ce n’est pas mon client qui essaie de faire une tribune de ce dossier ! »

    Face aux trois supporters, le procureur de la République dénonce un « effet de meute » et évoque « des gens qui ont dévoyé leur amour du football ». Il requiert dix mois de prison avec sursis ainsi qu’une IDS de quatre ans pour Jonathan O. et un an de prison avec sursis et une IDS de quatre ans pour Julien R. et Miles R. Après l’audience, maître Toussaint s’exclame :

    « On a fait une enquête à l’envers et à charge, ce n’est pas le sens du code de procédure pénale. »

    Maître Beloncle, elle, juge les réquisitions du parquet « anormales » et pointe que trois personnes sont jugées pour l’action d’une trentaine de fans : « C’est comme dans les manifestations, c’est celui qui court le moins vite ou qui a le mauvais vêtement qui se fait avoir. » L’affaire est mise en délibéré, le jugement sera rendu le 23 décembre.

    Image de Une : « Stade la Beaujoire vue depuis la tribune présidentielle » par Sylvain258 le 9 août 2016 via Wikimedia Communs. Certains droits réservés.

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