Chaque année, le gratin des entreprises de surveillance, d’armements et de répression s’expose au salon Milipol, au palais des expositions de Villepinte (93). Dans les couloirs, 30.000 visiteurs et 170 délégations étrangères vont voir le presque millier de stands où la devise principale, énoncée par Gérald Darmanin lors de l’inauguration, est : « La sécurité, première des libertés ». Une sorte de Noël avant l’heure pour les férus de technologies liberticides et candidats à l’élection présidentielle face à tous ces nouveaux jouets.
StreetPress a croisé le chien-robot tueur de la série Black Mirror. On s’est vu, comme les autres journalistes, refuser l’entrée au stand Alsetex, qui fabrique notamment les LBD. Sur le salon était également présente l’entreprise Cellebrite, producteur des logiciels qui fouillent dans vos portables et qui sont désormais installés dans plus de 150 commissariats. Bref, il y avait du beau monde. StreetPress s’est focalisé sur cinq technologies qui se veulent être l’avenir de l’armement et de la surveillance, et qui ne nous ont pas rassuré…
Pour
streetpress</a>, je suis à Milipol, le salon de "la sécurité intérieure" – comprendre l'armement et la surveillance<br><br>Première étape : une conférence pour savoir comment le G7 de Biarritz a été géré niveau sécurité <a href="https://t.co/KFef9uCWYF">pic.twitter.com/KFef9uCWYF</a></p>— Christophe-C Garnier (
ChrisCGarnier) October 20, 2021
1/ Les armes « non-létales » de Byrna
« Ça ressemble à un flingue, ça fonctionne comme un flingue, mais c’est fait pour être non-létal. » Sur le site internet de Byrna, la phrase d’accroche se veut moyennement rassurante. Les armes de cette entreprise, créée en Afrique du Sud mais qui a connu son succès aux États-Unis, sont censées être destinées à l’auto-défense. Similaire à un pistolet, le calibre tire par air comprimé des billes de 18 millimètres de diamètre, comme au paintball. Sauf qu’à la différence du jeu de tir, les billes ne contiennent pas de peinture mais du piment ou du poivre à l’intérieur. Leur produit phare : la « Byrna max ». Un « mélange exclusif de poivre et du gaz lacrymogène le plus puissant ». Un cocktail qui ferait sacrément mal en manifestation. Sur le stand, un quadragénaire imposant et chauve détaille avec entrain :
« Si vous touchez l’épaule ou le ventre, la douleur pour la personne va être similaire à une balle. Elle va regarder et se prendre tout le poivre dans les yeux. Avec ça, elle est aveugle pendant 15 à 20 minutes ! »
Sacrée vision du maintien de l’ordre. Car l’arme a beau être maniée par des civils aux USA, elle est surtout très utilisée par les forces de l’ordre au Chili, au Panama ou à Hong Kong. Et bientôt dans nos rues ? Du côté du stand, on confie que Byrna lorgne sur le marché européen et français…
2/ Les robots patrouilleurs
En théorie, le Thalamus est une petite partie du cerveau humain. Mais au salon Milipol, c’est une grosse machine de deux mètres de long et de 250 kilos, flanquée de quatre roues. Ce robot patrouilleur va mettre les agents de sécurité au chômage. Il peut rouler et surveiller autour d’endroits sensibles « pendant douze heures d’affilée », là où ce serait « parfois pénible » pour de vraies personnes.
Deux mètres, 250 kilos et 30km/h. Si cette grosse machine vous fonce dessus, ça fera mal. / Crédits : Scopex
Développé par l’entreprise Global Robotics et distribué par Scopex, toutes deux françaises, le Thalamus sonne l’alarme dès qu’il voit un humain sur sa trajectoire de patrouille. Pour cela, il dispose de plusieurs caméras et d’une technologie qui lui permet de faire la différence entre « un humain, une vache, un chien ou un oiseau ». L’objectif étant de ne pas rameuter la cavalerie pour un Corgi en balade. Avec ses quatre roues, le robot peut galoper jusqu’à 30km/h et a « des performances exceptionnelles » sur des parcours accidentés, selon le patron du stand. Une prouesse qui ferait pâlir les chiens robots tueurs de Black Mirror, qui court moitié moins vite.
Deux machines Thalamus sont actuellement en phase de test et vont faire les 100 pas autour de sites tenus secrets « dans quelques semaines ».
3/ La reconnaissance faciale massive
La petite caméra attachée en haut du stand de Stratign ne paie pas de mine. On dirait presque une fausse. Sur un écran à côté, l’image – d’une mauvaise qualité – est retransmise. Chaque personne qui passe dans le champ voit son visage être entouré d’un carré vert pendant une seconde. La tête est ensuite affichée sur l’écran et la reconnaissance faciale donne un âge estimé ou le genre mais aussi si le masque est mal porté et si la personne a une barbe ou non. Elle indique aussi les émotions possibles ressenties par la personne au moment T : neutre, en colère, apeurée…
Devant le stand, l’employé de Stratign (qui a son siège social à Dubaï) explique que selon les critères donnés, le logiciel entreprend « 500 millions de recherches en moins d’une seconde ». La compagnie est déjà déployée dans le monde mais, manque de chance, « je ne peux pas vous dire où », lâche l’employé émirati.
À LIRE AUSSI : Dans tous les commissariats de France, on utilise la reconnaissance faciale
4/ Les armes qui visent pour vous
Vous avez toujours été nul pour viser des cibles ? Les ingénieurs israéliens de Smart Shooter ont trouvé LA solution. Et elle est assez terrifiante. Avec leur système de contrôle de tir Smash, les militaires sont désormais aidés pour tuer le plus efficacement possible… Ce dernier calcule le meilleur axe pour viser et le militaire qui tient le fusil, sur lequel est apposé le système, ne peut faire feu « que lorsque c’est sûr à 100% », glisse une présentatrice du produit mortel en anglais. L’armée américaine est déjà intéressée.
Dans sa brochure, Smart Shooter précise que, lors des phases de tests, les tireurs novices et expérimentés ont pu atteindre « une cible en mouvement » du premier coup à 80% du temps. Avec le système classique de visée, c’est seulement 20% des tireurs expérimentés et aucun novice qui ont obtenu les mêmes résultats macabres. Une innovation qui illustre l’ambiance du salon.
5/ La tour de surveillance mirador
Un cube imposant à la base qui soutient un mât haut de plus de quatre mètres, coiffé lui-même de quatre caméras. Le produit Vigitracking représente parfaitement le stand IP-Mirador. Pour couronner le tout, la sono passe le souffle angoissant de Dark Vador, histoire d’insuffler une ambiance plus qu’inquiétante. StreetPress n’a toujours pas compris pourquoi…
Avec son mirador de surveillance, l'entreprise a un mantra : « Prévenez le risque avant qu’il ne se déclare. » / Crédits : Christophe-Cécil Garnier
Cette tour de surveillance de fabrication française peut passer au peigne fin 150.000 mètres carrés de chantier, site militaire, usine sensible et repérer quelqu’un à 250 mètres… Cette sombre vigie des temps modernes répond « à de nombreux besoins » selon le président de la société. Outre son aspect intimidant, elle est très « utile pour dissuader les occupations sauvages et illégales ». L’entreprise a d’ailleurs un mantra : « Prévenez le risque avant qu’il ne se déclare. » Après Star Wars, voilà Minority Report.
À LIRE AUSSI : La France, fournisseur d’armes officiel des pires dictatures
Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.
StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.
Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.
Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.
Je fais un don mensuel à StreetPress
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER