« Pfff, ce n’est pas un routier lui, il plaide n’importe comment ». Devant la 28ème chambre du Tribunal Judiciaire de Paris (75), ce 23 octobre, Olivier Descamps tacle l’un de ses confrères. L’avocat s’attèle à la défense d’un jeune de 25 ans qui s’est fait choper pour la quatrième fois alors qu’il conduisait sous l’emprise de cannabis. « Il va plaider le taux de THC, ce n’est pas ce qu’il faut faire ». Vient le tour de maître Descamps. Son client, un jeune de Sainte-Geneviève des Bois (91) est accusé de violences involontaires pour avoir renversé une femme. Puis d’avoir pris la fuite. Le tout sans permis.
Catogan grisonnant, basket au pied, l’avocat s’avance à la barre. Le président lui demande où est son client. « Suspicion de Covid » répond-il bravache. En aparté, il glisse :
« J’évite toujours que mes clients viennent à la barre, ils risqueraient de dire des conneries. »
Le président demande un report du procès pour mai prochain. Des investigations supplémentaires doivent être menées pour prouver la présence de son client sur les lieux de l’accident. La plaignante glisse dans l’oreille de son avocate : « Je suis sûre que c’est bidon cette histoire de suspicion Covid ». Olivier Descamps s’en sort bien.
Des pubs sur Facebook et une voiture rose
Toute l’année, Olivier Descamps et son collaborateur sillonnent la France pour défendre des automobilistes qui risquent de perdre leur permis. Son truc à lui, c’est les vices de procédure : « Sur les stups, c’est une procédure complexe. Même nous, on ne connaît pas tout par cœur. Alors un policier, s’il n’a pas 25 ans de carrière, il peut faire des erreurs. » Il se marre :
« Mais je ne les blâme pas, c’est mes meilleurs VRP [représentants commerciaux] ! Sans eux je n’aurais pas de client ! »
Le baveux n’a pas sa langue dans la poche. Sur Facebook, il affiche ses victoires avec fierté, et tait ses défaites. Il n’hésite pas non plus à tacler un juge. « Toujours égal à lui-même : incompétent ! », dit-il après avoir croisé le magistrat à Versailles. Il se marre. « J’ai une forte personnalité c’est vrai. »
Mais les réseaux sociaux sont surtout une bonne manière d’attirer de nouveaux clients, grâce à des publicités ciblées sur Facebook :
« Je fais ça depuis un peu plus d’un an. Je crois que je suis un des seuls à faire ça, les autres ont une manière un peu plus classique de fonctionner ».
L'avocat se déplace toujours au tribunal avec son Audi TT rose bonbon. / Crédits : DR
Il ne rate pas une occasion de se faire de la pub. Il dépose une pile de cartes de visite dans chaque garage où il passe. Et quand il se déplace en province pour une affaire, c’est toujours au volant d’une magnifique Audi TT rose bonbon avec écrit en énorme sur les portières « SOS permis de conduire » accompagné de son numéro de téléphone. « Je la gare devant le tribunal, ça me fait de la pub » sourit le quinquagénaire en sirotant son expresso sur un banc du hall du Tribunal Judiciaire. Sur Facebook, il affiche fièrement une photo de son bolide, flashé par un radar automatique.
L'avocat n'hésite pas à utiliser ses réseaux sociaux pour attirer de nouveaux clients. / Crédits : DR
Un commercial engagé par son cabinet est également chargé de prospecter pour lui. Et les affaires marchent : d’après le baveux, il gère une trentaine de dossiers par mois, un peu moins de 500 par an. Sur le site Internet de son cabinet, il comptabilise ses succès : « 3.250 points et 649 permis récupérés par nos clients », allant jusqu’à publier les décisions de justice pour attester de sa bonne foi.
« J’aime la vitesse »
S’il a commencé dans ce business, c’était d’abord pour défendre des potes. « J’aime la vitesse, alors forcément, j’ai des copains qui roulent vite aussi et donc qui se prennent des prunes. »
« Dans ces affaires-là, les magistrats ne se posent pas comme des magistrats, mais comme des automobilistes, ils vont souvent juger sur la morale, je suis là pour leur rappeler leur droit. »
Son rêve, ouvrir un cabinet en Suisse, l’eldorado pour les avocats routiers, avec une quantité de grosses cylindrés, et les amendes qui vont avec. Surtout, dans le pays des banquiers et des riches expatriés, les amendes sont indexées sur les revenus :
« Un riche automobiliste préféra prendre un avocat que risquer de payer 4.000 euros d’amende. Bon pour l’instant, je n’ai pas concrétisé ce projet. »
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