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    23/11/2020

    StreetPress publie le premier chapitre du bouquin de Manu Key

    La disparition et l’enterrement de DJ Mehdi, racontés par son ami le rappeur Manu Key

    Par Éditions Faces Cachées

    Cofondateur de la Mafia K’1 Fry, le rappeur Manu Key raconte dans un livre l’aventure de ce collectif légendaire. Et notamment l’enterrement de DJ Mehdi, mort en 2011 : « Une partie de moi s’est envolée pour toujours. »

    « On me considère comme le grand frère, le parrain de la Mafia K’1 Fry », confiait Manu Key lorsque StreetPress l’avait rencontré, il y a deux ans, pour parler de sa reconversion de rappeur en entraîneur de basket. Depuis, le quadra du 94 s’est lancé dans l’écriture et raconte son histoire et celle du célèbre collectif de rap.

    Manuel Coudray, le nom derrière le blase, raconte comment l’aventure a commencé dans une MJC d’Orly, à une époque où le rap français est encore balbutiant. Troquant le micro pour la plume, Manu Key égrène les souvenirs : la réalisation des disques solo et en groupe, sa rencontre avec MC Solaar, son amitié avec DJ Mehdi ou encore la découverte de Kery James. Ce livre, baptisé Les liens sacrés, est publié aux éditions Face Cachés. StreetPress reprend les premières pages de ce témoignage, consacrées à la mort et l’enterrement de DJ Mehdi.

    Au nom des liens sacrés

    Je me souviens encore de la date comme si c’était hier, le mardi 13 septembre 2011. J’étais dans mon lit, complètement éclaté par la soirée de la veille, quand mon téléphone s’est mis à sonner. Un numéro étrange s’est affiché, je n’y comprenais pas grand-chose et j’ai eu beaucoup de mal à ouvrir les yeux, mais j’ai décroché. C’était Kery James au bout du fil. Il m’appelait depuis l’Égypte, assez rapidement avant de prendre son avion. Il m’a demandé si j’avais appris pour Mehdi : « Il a eu un accident, appelle Choukri il t’expliquera ». J’ai sauté de mon lit pour passer plusieurs appels. Choukri l’oncle de Mehdi, David Sheer son ami d’enfance, et Souhil notre ancien manager. J’ai très rapidement oublié la nuit blanche de la veille. Je me suis douché et habillé à toute vitesse avant de prendre ma voiture. Je suis passé récupérer Souhil et nous avons foncé direction Paris et l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

    Une cinquantaine de personnes attendaient déjà dans le couloir qui menait à la chambre de Mehdi. Les membres de la famille de mon ami m’ont expliqué qu’il avait fait une chute et était tombé sur la tête. Dans le coma, nous avons tout de même été autorisés à monter le voir. En allant vers sa chambre, nous sommes passés devant celles des autres victimes de l’accident de la mezzanine. Mehdi se trouvait dans la troisième. Il était quasiment branché de la tête aux pieds, recouvert d’un drap blanc. Son visage était très gonflé et entièrement bandé. Je n’ai pu rester que deux secondes dans la pièce avant de faire marche arrière et ressortir. Cette vision m’était insupportable, j’étais totalement sonné, j’en pleurais. Ces deux secondes, je les garderai au fond de mon crâne pour le restant de ma vie.

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    DJ Mehdi et Manu Key. / Crédits : DR

    De retour à la baraque, j’ai passé un long moment la tête entre les mains, avec des larmes à n’en plus finir. Mon téléphone n’arrêtait pas de sonner. J’ai discuté avec Mokobé, puis avec Teddy, OGB, Kery, David. Je savais que, d’après le médecin, il n’y avait plus beaucoup d’espoir mais j’ai fermé les yeux et j’ai prié. Le lendemain, je me suis réveillé en sursaut. Il faisait jour, il devait être aux alentours de 11 heures. Un SMS de David commençait par : « Mehdi nous a quittés dans la nuit… ». Les messages se sont enchaînés, la nouvelle circulait déjà depuis plusieurs heures sur Facebook. Une vive douleur m’a saisi, j’étais tétanisé. J’avais cet étrange sentiment d’être dans une réalité alternative, je ne voulais pas y croire.

    700 personnes à l’enterrement

    Il a fallu près d’une semaine pour organiser des funérailles dignes du haut personnage que Mehdi était devenu. Nous voulions absolument l’enterrer au cimetière du Père-Lachaise où reposaient de nombreux artistes ayant marqué la scène française, tout en respectant les rites musulmans. Nous avons dû récolter de l’argent pour financer et gérer les opérations. Heureusement, des amis fidèles existaient autour de nous, certains plus que d’autres. La mort révèle la nature profonde des hommes. J’ai d’ailleurs été impressionné quand j’ai appris que c’était Kery qui avait lavé le corps de Mehdi. Il faut vraiment beaucoup de force de caractère pour accepter de laver la dépouille de son meilleur ami.

    Le jour J, c’était incroyable ! Selon la presse, il y avait environ sept cents personnes à l’enterrement. Je ne sais pas si le chiffre est exact, mais il y avait effectivement énormément de monde. Mehdi avait une carrière internationale et ses amis sont venus des quatre coins du globe pour lui dire au revoir.

    Vingt ans en arrière, j’avais un rêve. Je croyais sincèrement que la musique hip-hop pouvait nous rassembler et nous permettre de surmonter ensemble les épreuves de la vie. J’ai consacré la moitié de la mienne à œuvrer en ce sens, à fédérer autour de valeurs humaines. Avec la disparition de mon ami, une partie de moi s’est envolée pour toujours. Sa mort a brisé un socle fraternel, déclenchant avec elle la chute de mes envies musicales et celle de l’union du collectif.

    La Mafia K’1 Fry au complet était réunie le jour de l’enterrement de DJ Mehdi, au nom des liens sacrés.

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