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    30/01/2020

    « Que ça soit des fafs ou des keufs, on savait qu’ils n’allaient pas nous louper »

    Extrême droite, banderole et sanctions : les malheurs du club antifasciste Ménilmontant FC

    Par Christophe-Cécil Garnier

    Le club antifasciste du Ménilmontant FC est dans la tourmente. Il y a deux mois, une banderole à provoqué l’ire de l’extrême droite, puis de la police et de la FFF. Les sanctions mettent le club qui fête ses 5 ans en péril.

    Rosny-sous-Bois (93) – « On est le Ménil’, on a cinq ans ! », chante la petite foule. Sur le terrain synthétique du stade Pierre Letessier, à Rosny-sous-Bois, les supporters du Ménilmontant FC 1871 s’agglutinent dans le froid et sous les rafales de vent pour encourager leurs joueurs, qui affrontent l’AS Victory.

    Depuis une demi-décennie, le MFC se revendique antifasciste et lutte « contre le racisme, l’homophobie, le sexisme ou la marchandisation du football ». Chaque weekend, derrière les rambardes des terrains, ils clament leur amour du football populaire. En dehors, ils s’investissent « dans des coins du nord-est de la région parisienne », assure Yann, un des membres. « C’est important ce côté associatif du club, ce n’est pas quelque chose de très commun dans le football aujourd’hui », se félicite-t-il. Samedi 1er février, le club organise une fête pour célébrer son anniversaire. Au programme : des concerts, des projections et des ateliers graffiti ou tifo, ces animations visuelles dans les tribunes des stades. Une fête malgré la tourmente. Il y a deux mois, un de leur tifo a provoqué l’ire d’un syndicat de police, des instances footballistiques et une enquête du parquet de Paris. Une affaire qui met le club en péril.

    Un tifo qui fâche

    Fin novembre, le MFC joue un match à domicile de Départementale 4, la 12e division française. Les supporters sortent une bâche qui représente une voiture de police en flammes, avec deux poulets cartoonesques qui s’enfuient. Le tout est assorti du sous-titre : « Ici, on rêve que les poulets rôtissent ».

    Pour les membres du club, c’est une référence à une phrase du rappeur Hugo TSR, dans son morceau Point de départ, « à prendre au second degré, comme pas mal d’animations dans le football », estime Yann, qui manie le tambour lors des matches du Ménil’.

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    Sans se revendiquer comme du mouvement ultra – les supporters les plus actifs dans le football – les fans du Ménil' en reprennent les codes. / Crédits : Christophe-Cécil Garnier

    Pour le syndicat Unité SGP Police FO et sa représentante, Linda Kebbab, c’est une référence au procès de Viry-Châtillon, alors en cours. Dans cette affaire, 13 jeunes sont accusés d’avoir gravement blessé des policiers en jetant des cocktails Molotov dans leurs voitures.

    Le syndicat de police a « alerté le ministère de l’Intérieur, qui a alerté la Fédération française de football (FFF) et le procureur de Paris, comme nous l’avons appris durant la commission disciplinaire », détaille maître Maxime Guillemin, un des deux avocats (avec maître Lalla Abbad) du MFC. En conséquence, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet parisien pour « apologie de la haine ». Flavien, un des piliers du club, confie :

    « On n’avait pas trop imaginé que ça en arriverait là. »

    Des actions liées à leur engagement

    C’est le site d’extrême droite Paris Vox qui a médiatisé le fameux tifo. « Cela fait cinq ans qu’on n’a pas de problèmes. Il fallait un jour que ça arrive. Que ça soit des fafs ou des keufs, on savait qu’ils n’allaient pas nous louper », estime Flavien, faisant référence à leur positionnement politique. « C’est chiant, on aurait aimé l’éviter mais quand tu es un club comme le nôtre, tu te dis bien que ce sont des choses qui peuvent arriver », complète le gardien de but.

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    Le MFC s'engage dans des causes associatives. Récemment, ils ont fait un maillot aux couleurs de la Palestine. L'argent récolté sert à la création d'une bibliothèque itinérante. / Crédits : Christophe-Cécil Garnier

    L’Action antifasciste (AFA) était notamment présente à la création du club mais l’équipe « ne s’est jamais faite attaquer » par des groupes d’extrême droite, ajoute le joueur. L’AFA s’est depuis retirée, il y a un an et demi. « Ils sont partis pour des trucs internes mais il n’y a pas d’embrouilles », explique Romain, un supporter présent depuis la création du MFC.

    La fin de la présence « officielle » des antifas n’a pas arrêté les actions associatives du MFC. Sur le terrain de Rosny-sous-Bois, les joueurs arborent un maillot aux couleurs de la Palestine. La tunique est vendue au grand public et une partie de l’argent récolté sert à construire une bibliothèque itinérante dans un camp de réfugiés palestiniens. « Pour l’instant, on a envoyé 2.000 euros », précise Romain, alors que les joueurs du MFC viennent de se prendre deux buts en début de match.

    Le Ménil’ a l’occasion de revenir au score sur penalty mais l’attaquant tire dans les nuages. « Ah, c’est dimanche pour tout le monde », se lamente un des soutiens derrière la main courante. En plus d’encourager l’équipe, la centaine de membres du MFC (une cinquantaine de joueurs et une cinquantaine de supporters) font des maraudes et aident les migrants ou les Roms de Bobigny. Ils organisent aussi des tournois de football avec les collectifs de victimes de violences policières, comme les comités Adama Traoré et Lamine Dieng, ou en hommage à l’antifasciste Clément Méric chaque fin de saison.

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    Le « 1871 » qui colle le nom du MFC est une référence à la Commune de Paris. Les couleurs rouge et noir, elles, représentent celles des antifascistes. / Crédits : Christophe-Cécil Garnier

    La sanction des instances

    En attendant, l’enquête judiciaire contre le MFC est en cours. Des membres doivent être convoqués par la police en février. Mais du côté des instances footballistiques, on s’est déjà emparés de l’affaire. Le Ménil’ a été convoqué « en urgence » par une commission du district de Seine-Saint-Denis, dont il dépend. L’avocat du club rembobine :

    « On a assisté à une mascarade d’audience. On nous a dits à demi-mot que nous allions être lourdement condamnés car c’était le souhait de la FFF, qui avait reçu des instructions pour soutenir les policiers. »

    Téléguidée ou non, la sanction tombe avant Noël : 800 euros d’amende et une interdiction de jouer dans son stade habituel. Contactée, la FFF n’a pas répondu à nos demandes d’entretien. Le district, lui, a expliqué qu’il ne faisait « aucun commentaire sur les affaires en cours ».

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    Football populaire et chicha. / Crédits : Christophe-Cécil Garnier

    « Cette amende peut paraître anecdotique mais nous ne sommes pas en Ligue 1. 800 euros pour un club de Départementale 4 en autogestion, c’est une somme conséquente », précise l’avocat Maxime Guillemin. D’autant que le MFC ne perçoit que peu de subventions.

    Le terrain, centre de toutes les attentes

    Si l’histoire leur met un coup au portefeuille, elle a aussi des conséquences sportives. « La sanction principale est l’impossibilité de jouer à domicile », explique maître Guillemin. Pour le match à Rosny-sous-Bois, la question ne s’est pas posée car le Ménil’ joue à l’extérieur. Mais dès la semaine suivante, le MFC doit trouver un terrain neutre à 20km de Bobigny, son stade habituel. « Cette décision de nous écarter de Bobigny, c’est une façon déguisée de nous virer », estime Romain. Ce dernier s’explique : si le Ménil’ ne trouve pas de terrain, il perd par abandon. Au bout de trois, le club est exclu du championnat.

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    L'interdiction de jouer sur son terrain met en péril la saison du Ménil'. / Crédits : Christophe-Cécil Garnier

    À l’image de son équipe, revenue à 3-2 dans son match et qui manque d’égaliser sur la dernière action, le Ménil’ n’abdique pas. Dans les jours qui suivent, les membres du MFC ont trouvé un terrain en Seine-et-Marne (77). « On ne sait pas si cela va être temporaire ou s’ils vont pouvoir y terminer la saison. Comme nous sommes en Île-de-France, les terrains sont saturés », expose Maxime Guillemin. Mais cela reste une opportunité pour les fans du Ménil’ de continuer à scander leur chant fétiche :

    « Au nord-est de Paris, joue le Menil’ FC. Et dans les stades pourris, on vient l’encourager. Contre les milliardaires, face à la répression, le football populaire, c’est notre Ligue des Champions ! Allez allez allez ! »

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    Malgré la défaite 3-2, les chants continuent pour les joueurs. / Crédits : Christophe-Cécil Garnier

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