Place des fêtes, Paris 19ème – Ce 9 mars, à la nuit tombante, ils sont une vingtaine assis dans le froid sur des chaises colorées et des tabourets en bois. La plupart ont un gilet jaune sur les épaules. Tous les mardis soir sur la place des Fêtes, c’est jour d’assemblée générale. Faute de ronds-points, les gilets jaunes parisiens se sont installés aux pieds des tours du 19e arrondissement. Voilà bientôt deux mois que ça dure. C’est le seul point de ralliement qui a tenu aussi longtemps dans la capitale.
« On lutte contre la politique inadmissible du gouvernement actuel », assure Michel en se servant un café. Le quadragénaire, à la rue depuis trois ans maintenant, est depuis le début le gardien des lieux, présent jours et nuits. Mi-février, quand des gilets jaunes du quartier rencontrés lors d’une assemblée générale décident de construire une cabane, il se lance dans le projet. À l’aide de quelques palettes peintes en jaune et d’une bâche bleue, ils érigent ensemble un abri de fortune. « On voulait rassembler les gens du coin », détaille cet homme au bouc poivre et sel.
Une nouvelle cabane
La première cabane ne tiendra pas bien longtemps. Le 6 mars, sur les coups des deux heures du mat’, la police débarque accompagnée d’agents municipaux. Ils ont ordre de détruire la bicoque. En quelques minutes à peine, l’affaire est pliée. Michel n’est alors pas sur place. « J’ai perdu tous mes papiers lors de la démolition, dix ans de vie à la poubelle », s’insurge le SDF.
Michel, SDF depuis trois ans. / Crédits : Léo Derivot
Même en AG, faut pas lâcher. / Crédits : Léo Derivot
Les gilets jaunes de Place des Fêtes ne baissent pas les bras pour autant. « On avait eu l’occasion de discuter avec des associations du quartier et quand notre cabane a été détruite, ils ont accepté de me passer les Clés du Capla », rembobine Michel. Le Capla est un cabanon associatif installé depuis 2016 pour favoriser le lien social entre les habitants du quartier. Composé de deux conteneurs posés au centre de la place des Fêtes couronné d’un toit à pois orange, il est géré par une dizaine d’associations du coin.
Yoann le Casque Blanc. / Crédits : Léo Derivot
Un cabanon fait de deux conteneurs. / Crédits : Léo Derivot
En tenu de chantier, Yoann raconte son week-end à ses camarades. Ce gilet jaune est Streetmedic. Il revient de Toulouse, où il a manifesté le dernier samedi. « C’était le bordel ! On a fait courir la police jusqu’à une heure du matin. » Sans emploi, il rêve de travailler dans le milieu de l’équitation. Le coût élevé des produits de soins et d’alimentation pour chevaux le révolte. « C’est à cause des taxes », juge le jeune homme coiffé d’un casque blanc. Venu du 95, il a rencontré les gens de « la cabane » au cours d’une manifestation et s’est attaché à ce drôle d’endroit. Il apprécie cet espace de vie chaleureux où « tout le monde échange ». Alors il essaye d’y passer chaque semaine.
Se retrouver
Valentin, lui, rentre de Saint-Nazaire. Il a participé au second rassemblement national des Gilets jaunes, sorte d’AG des AG du mouvement. « Il y avait beaucoup de zadistes. » Emmitouflé dans son bombers noir, le jeune cinéaste fait un compte-rendu des échanges. « Tout le monde raconte que ce n’est pas simple de travailler en collectif », rapporte-t-il. Il conclut :
« Pour que le mouvement continue et touche plus de monde, il faut trouver des buts communs, des idées concrètes. »
Ainsi, le petit groupe de Place des fêtes a rejoint le collectif qui œuvre pour la réouverture de la « Maison de l’air », du parc de Belleville (Paris 19ème). Le projet : en faire une Maison du peuple, un « symbole de révolte populaire ». En attendant, il y a le cabanon. Pour faire vivre le lieu et créer du lien avec les habitants du quartier, les gilets jaunes parisiens organisent chaque dimanche des activités pour les enfants. Certains jouent au ping-pong sur une table rudimentaire ou font un atelier couture, pendant que d’autres se partagent des viennoiseries avant d’échanger quelques passes de foot.
Valentin joue collectif. / Crédits : Léo Derivot
Est-ce qu'ils cousent des gilets jaunes ? / Crédits : Léo Derivot
C'est la fête sur la place. / Crédits : Léo Derivot
16h, un agent de la mairie de Paris arrive en vélo, juste histoire de vérifier que tout se passe dans le calme. Tout le monde le rassure. Une femme lance à haute voix :
« Il a réussi Macron, il nous a réunis ! »
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