Dimanche 20 janvier, Luigi Di Maio, l’un des poids lourds du gouvernement italien, tire à boulets rouges sur la France. Dans une allocution publique, le cadre du mouvement 5 étoiles (M5S, parti populiste) accuse la France « d’appauvrir l’Afrique » en menant une politique néo-colonialiste :
« La France est l’un des pays qui frappe monnaie pour un groupe de 14 pays africains [le Franc CFA, ndlr.]. Elle empêche leur développement économique et contribue au départ de réfugiés qui meurent ensuite en mer ou arrivent sur nos côtes. »
Il appelle même l’Union Européenne à prendre des sanctions contre Paris. Le gouvernement français voit rouge et les relations diplomatiques entre les deux pays se tendent un peu plus. Mais quelle mouche a piqué Di Maio?
Sa rhétorique radicale s’inspire des thèses du panafricaniste franco-béninois Kemi Seba. En septembre dernier, ce dernier était reçu en toute discrétion par plusieurs cadres (députés et ministre) du M5S. Le militant ethno-différentialiste né à Strasbourg est bien connu en France pour avoir notamment fondé la Tribu Ka. Ce groupuscule d’extrême droite est dissous en 2006 par décret, à la suite d’une descente violente rue des Rosiers à Paris.
Kemi Seba dans l’oreillette
Sur Facebook, Kemi Seba fanfaronne. C’est lui qui murmure à l’oreille du gouvernement italien :
« Secret bien gardé depuis des mois, nous pouvons désormais rendre public le fait qu’Urgences Panafricanistes est à l’origine de l’attaque frontale du Ministre Luigi Di Maio contre la Françafrique. »
Un post qui s’accompagne d’une photo de Kemi Seba main dans la main avec Manlio Di Stefano, secrétaire d’État aux Affaires étrangères. La rencontre aurait eu lieu en septembre dernier, dans les bureaux du M5S, au sein du parlement italien. « Nous avons été reçus par plusieurs députés et cadres du mouvement 5 étoiles », précise Kemi Seba à StreetPress. :
« À cette occasion, nous leur avons dit que la meilleure façon de nous aider était de mettre le néo-colonialisme français sur la place publique. Ils s’y étaient engagés. »
Promesses tenues donc. Kemi Seba promet d’autres coups, sans donner plus de détails. Il évoque simplement au détour d’une phrase, un projet de meeting en Italie. Quelques jours après les déclarations de Di Maio, Kemi Seba a également annoncé son entrée en politique et le lancement du Parti Panafricaniste Béninois (PPB).
Figure de la dissidence, un temps proche d’Alain Soral (ils sont aujourd’hui brouillés), Kemi Seba a quitté la France pour le Sénégal, puis le Bénin, où il bénéficie d’une large audience. Il mène depuis plusieurs années un combat contre la Françafrique et le Franc CFA. Signe de son influence, son dernier bouquin, L’Afrique libre ou la mort, multiplie les préfaces prestigieuses : Alexandre Dougine, (idéologue en vogue au Kremlin), Biram Dah Abeid (opposant politique mauritanien et prix des droits de l’Homme de l’ONU en 2013), Elie Domota (militant guadeloupéen, porte parole du LKP) ou le footballeur Nicolas Anelka se sont chacun fendus d’un texte d’introduction.
Paris pas content
Même s’il a quitté la France depuis plusieurs années, Kemi Seba continue de créer des remous dans l’hexagone. Emmanuel Macron a bien tenté de minimiser l’affaire, en déclarant que ces déclarations n’ont « aucun intérêt ». Mais lundi 21 janvier, l’ambassadrice d’Italie en poste à Paris a été convoquée au ministère des Affaires étrangères pour se faire tirer l’oreille, à la suite des déclarations de Luigi Di Maio.
Contacté par StreetPress, le ministère en charge des Affaires européennes n’a pas donné suite à nos demandes.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER