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    25/09/2018

    Le skate volant de Retour vers le futur débarquera-t-il un jour dans les rues de Paname ?

    Les savants fous du Hoverboard

    Par Benjamin Bruel

    La start up Omni Hoverboard planche sur un projet un peu fou : créer un skateboard volant. Et l'affaire semble bien embarquée : en 2016 Alexandre Duru avait remporté le Guinness World Record du plus long vol en hoverboard.

    Cité des sciences de la Villette (Paris), juin 2016 – Une bande de gamins, nés bien après la sortie du deuxième volet de « Retour vers le futur » en 1989, a les yeux rivés sur un homme à la dégaine étrange. Casque vissé sur la tête, gilet de protection waterproof et gâchette en main, Alexandre Duru ressemble plus à un pilote d’avion ou un cycliste qu’à Marty McFly essayant d’échapper à une bande de loubards rétro-futuristes. Pourtant, solidement accroché sous ses pieds, se tient ce qui ressemble le plus à un hoverboard fonctionnel. Un objet qu’il a réalisé de ses propres mains, chez lui, à Québec, parce qu’il aime bidouiller des choses depuis toujours et que le souvenir de la fameuse scène du film n’a jamais vraiment quitté son esprit.

    Plouf

    Derrière une rambarde, les mômes, surexcités, commencent le décompte avant décollage. Trois, deux, un… Alexandre Duru s’envole. Il plane au-dessus d’un petit bassin d’une dizaine de mètres carrés devant la Cité des sciences quelques secondes avant de finir à la flotte. L’une des huit hélices de son prototype a surchauffé, c’est ballot. « J’ai trop mangé ce midi », se marre-t-il en sortant sa bête de l’eau.

    Depuis, cet ancien ingénieur en informatique n’a jamais lâché sa planche volante. Il continue, avec son compère et associé Philippe Maalouf, à bosser sur son Omni Hoverboard. Ils écument les salons et les événements pour faire des démonstrations de l’engin et essaient tant bien que mal de passer du prototype au produit commercialisable. « Je sais que ça en vaut la peine. Quand tu es dessus, tu sens la force de la machine, la puissance considérable des moteurs, comparable à une petite voiture », s’emballe-t-il quand StreetPress lui passe un coup de bigo :

    « Tu sens cette énergie transférée de cette sorte de plaque volante à tes pieds. Tu voles en plein air, sans être à l’intérieur d’une boîte métallique. Tu voles sur une board quoi, c’est grisant ! »

    Mais une planche avec des hélices, ce n’est pas la première idée qu’on se fait d’un hoverboard. Quand arrivera-t-on à reproduire le skate volant mythique du film de Robert Zemeckis ? Car l’hoverboard originel – pas le gagdet à deux roues vendu 150 euros à l’hyper du coin – prend son temps pour débouler dans les rues de Paname.

    Les savants fous de la fac

    La première présentation d’un hoverboard a lieu aux JO de Sydney, en septembre 2000, lorsque l’australien Kevin Inkster fait la démonstration de son Airboard. L’objet se déplace à la manière d’un Segway, à 20 centimètres au-dessus du sol. Malheureusement, son aspect un peu lourdingue et sa dégaine d’aspirateur le plongent rapidement dans l’oubli. Il faut attendre le début d’une nouvelle décennie pour que la flamme de l’hoverboard se ravive dans nos petits cœurs de geeks. Et c’est une équipe de chercheurs parisiens qui s’y colle. Sans le faire exprès. Alain Sacuto, du Laboratoire matériaux et phénomènes quantiques de Paris VII, explique :

    « On s’amuse souvent à faire léviter des supraconducteurs pour les étudiants. On s’est dit que ce serait marrant qu’ils puissent sentir la lévitation en étant carrément sur l’objet. C’est eux qui m’ont parlé de ‘Retour vers le Futur’, alors on s’est greffé dessus et on en a fait un skate volant. »

    Installé dans le Bâtiment Condorcet de l’université, ce quadra grisonnant à la voix rugueuse dirige une équipe de trois professeurs et quatre doctorants sous le nom de code Squap, pour Spectroscopie de QUAsi-Particules. Ça ne s’invente pas.

    Barres supraconductrices et azote liquide

    En 2011, les chercheurs font la première démo de leur nouveau-né, le MagSurf. Posée sur des rails de cinq mètres de long, la planche reste suspendue à quelques centimètres du sol. Comment ? Grâce à la lévitation supraconductrice, spécialité de l’équipe Squap. À très basse température, les matériaux dits supraconducteurs changent de propriétés. « Ils présentent alors une résistivité nulle et les électrons peuvent y circuler sans friction. Ils expulsent ainsi le champ magnétique, ce qui fait léviter l’objet », continue le chercheur. À l’intérieur du MagSurf, on trouve deux barres supraconductrices qui sont refroidies avec de l’azote liquide. Il suffit alors de poser le MagSurf sur des rails aimantés et un effet de répulsion engendré par l’azote va créer la lévitation durant quelques minutes, avant de nécessiter un rechargement. Alain Sacuto commente : 

    « Après plusieurs démonstrations, on a été contactés par des parcs d’attractions américains, comme Walt Disney, pour développer le MagSurf. On était partant, mais ils se sont rendus compte qu’il fallait des centaines de mètres d’aimant et que ça coûtait très cher à construire. »

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/shema-hoverboard-magsurf_poster_ecalte_du_magsurf_-_copie.jpg

    On pourrait imaginer... / Crédits : kiblind

    En effet, le coût d’un hoverboard fonctionnant par lévitation magnétique est salé : l’université avait lâché 10 000 euros pour les deux supraconducteurs et 20 000 euros de plus pour seulement cinq mètres de rails.

    Marty McFly vs. Tony Hawk

    À l’approche du 21 octobre 2015, date à laquelle Marty McFly était supposé pointer le bout de sa board dans notre présent, l’équipe Squap s’est faite piquer son idée par Lexus. La filiale du constructeur automobile japonais Toyota dévoile « Slide », son hoverboard.

    De fait, l’entreprise a construit un skatepark en Espagne et un hoverboard fonctionnant exactement sur le même principe que celui du MagSurf. Comme celui-ci, il est relié à des rails dont il a pris l’empreinte. En dehors du coût prohibitif, c’est le principal problème de l’hoverboard à lévitation magnétique : on ne peut se déplacer que sur un parcours précis, pour quelques minutes seulement, sans dépasser la dizaine de centimètres au-dessus du sol.

    D’autres ont voulu tenter leur chance, comme Arx Pax Labs, une boîte tech de la Silicon Valley. Mais ce que les internautes ont retenu, c’est la vidéo où Tony Hawk, la légende du skate, s’éclate méchamment par terre en ridant l’hoverboard.

    « La lévitation magnétique, ça ne peut pas marcher », reprend Alexandre Duru, le géo trouvetou de la Villette :

    « C’est cool visuellement pour des spots vidéos parce que ça prend vraiment la forme d’un skate. Mais honnêtement, on ne peut pas en faire un objet qui vole haut et qui peut être contrôlé. »

    « Nous avons remarqué que les designs des autres hoverboard, comme celles créées par Lexus et Hendo, ressemblent exactement à celui du film », expliquait son collègue Philippe Maalouf au New York Times, soulignant que le film « retenait l’industrie de l’hoverboard ».

    275 mètres

    Et si, finalement, il ne fallait pas se détacher du fantasme pour créer un véritable hoverboard ? Les créateurs d’Omni Hoverboard en sont persuadés et préfèrent la force des hélices à la lévitation magnétique depuis le début du développement de leur engin, en 2011. Peu de temps avant la démonstration parisienne ratée, Alexandre Duru avait remporté le Guinness World Record du plus long vol (275,9 mètres) en hoverboard, permettant à sa petite entreprise de gagner en popularité.

    Depuis, la start-up Omni Hoverboard a embauché quatre personnes et tire principalement ses revenus de démonstrations. « On aimerait commercialiser un produit à moyen terme. Un produit durable, qui fonctionne bien. J’espère que les gens pourront se déplacer avec un jour, mais il faudra un entraînement, de la pratique, voire même une licence », rêve l’inventeur. Et de reprendre :

    « À chaque fois qu’on fait une démo, les gens sont surexcités. Ils sont plein de curiosité pour l’hoverboard et nous, ça nous donne la force. »

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