Au quotidien, Heather Young a quelques habitudes. La distribution le soir, ce n’est jamais avant 23h. Voilà quatre ans que cette Galloise de 36 ans est arrivée en France pour venir en aide aux réfugiés. Et avec l’expérience, la bénévole a compris qu’y aller trop tôt était moins efficace :
« À cette heure-ci, la plupart des réfugiés cherchent à dormir. Tu vois rapidement qui a besoin d’une tente ou d’un duvet. C’est plus facile à gérer. »
Son visage est devenu familier aux réfugiés de Paris, mais aussi à certains sdf ou toxicos. Car Heather distribue à tout le monde, tous les jours. Elle va même plus loin, puisqu’elle approvisionne d’autres assos parisiennes en tentes, duvets, vêtements, ou encore en nourriture. Récemment, elle s’est même dégotée un entrepôt d’une centaine de m2, dont elle préfère taire la localisation pour le moment :
« Il y a des gens très dangereux qui veulent que l’on échoue. On a reçu des menaces de mort. Seules quatre personnes sont au courant pour l’instant. »
Avec cet équipement, elle et son équipe du Paris Refugee Ground Support (PRGS) vont pouvoir organiser un approvisionnement toujours plus important à Paris, mais aussi en Serbie ou à Vintimille en Italie, où ils sont en contact régulier avec les bénévoles.
Prête à augmenter la cadence
Heather s’approvisionne aux quatre coins de l’Europe. Les ressources viennent majoritairement de Suisse et d’Angleterre. Ce sont des églises, des mosquées, des groupes de charité, des associations ou encore des mécènes qui lui envoient des draps et des couvertures, des tentes ou des habits pour les réfugiés. C’est qu’en quatre ans, Heather s’est construit un énorme réseau. En 2014, scandalisée par la détresse des réfugiés de Dunkerque, la jeune Galloise décide de lâcher la ferme de ses parents pour filer dans le nord de la France. Elle se rend ensuite en Grèce, à Athènes, avec son petit ami, Kevin. Cette fois, elle veut venir en aide aux réfugiés qui traversent la Méditerranée. C’est ensuite qu’elle arrive à Paris :
« On ignorait qu’il y avait autant de réfugiés dans les rues avant de passer à Paris. »
Heather Young a fondé Paris Refugee Groud Support (PRGS) / Crédits : Valentin Belleville
Rapidement, ils s’organisent. Heather veut faire rapatrier des tonnes d’affaires du camp de Calais, en train d’être définitivement fermé. Mais il faut trouver un lieu de stockage. À l’automne 2016, le couple déniche un immeuble à Marx Dormoy, dans le 18e arrondissement, qui leur sert de dépôt. « Six étages sans ascenseur », se souvient la bénévole, encore essoufflée. Après quelques semaines d’allers et venues du van, les voisins comprennent le manège. Ils sont forcés de partir. Le couple enchaîne plusieurs séjours dans différents squats du nord de Paris :
« On a longtemps cherché un lieu pour s’installer légalement, en payant un loyer. À chaque fois, c’était la même histoire : dès qu’on disait qu’on aidait les réfugiés, c’était non. »
Ne pas perdre espoir
Quand elle a commencé en 2016, Heather était en super forme. Deux années plus tard, la bénévole semble avoir pris dix ans de plus. Pas facile de tenir le coup devant tant de déconvenues. Mais Heather est bonne à ça. Là où beaucoup serait abattus devant des scènes difficiles à vivre, ou dégoûtés par les galères, elle se renforce, reste pragmatique et « apprend à faire avec ». Les bons moments sont rares, mais intenses. Cet hiver, il y a eu ce Soudanais qui dormait sur un matelas sous un pont. Il faisait froid, un de ses collègues a posé une couverture sur lui. Plus tard, elle est discrètement repassée :
« Je l’ai observé un instant, il caressait fièrement sa couverture, il était si heureux. Savoir secrètement que tu as procuré ce sentiment à quelqu’un dans le besoin, c’est énorme. C’est pour ça que je bosse toutes les nuits. »
Elle a tout de même pris quelques semaines de repos en août, avec son compagnon. C’est une fois rentrés à Paris que le miracle arrive : ils trouvent le fameux hangar tant désiré. Depuis, elle achemine plusieurs dizaines de kilos de ressources par jour. Certaines semaines sont plus fructueuses que d’autres. Mais peu importe, rien ne semble pouvoir arrêter Heather. Elle sait être un peu « hippie à la con », comme elle dit. Mais la jeune femme ne désespère pas de trouver toujours plus de bénévoles pour rejoindre sa petite équipe. Pour l’instant, ils sont deux fixes, elle et son copain. Parfois, quatre ou cinq volontaires leur prêtent main forte. Restent ensuite les bénévoles de la dizaine d’assos qu’ils approvisionnent.
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