La loi sur la pénalisation des clients de prostituées contient un volet « social ». Le texte promet des titres de séjour de six mois aux sans-papiers qui souhaitent sortir de la prostitution. Ce « parcours de sortie » pouvait en aider certaines, du moins c’était ce qu’on croyait. Mais dans les Alpes-Maritimes, le préfet en a décidé autrement.
Nous avons commencé à préparer les dossiers en novembre 2016, dès que les décrets d’application sont sortis. L’équipe a voulu mettre toutes les chances du côté des femmes qu’on accompagnait. On a fait un gros travail d’apprentissage du français, cherché des pistes concrètes d’orientation professionnelle, négocié avec les services de l’État des places réservées en centre d’hébergement. Notre association a présenté 16 dossiers début avril 2017, dont une majorité de Nigérianes en situation irrégulière. La place de l’exploitation dans la prostitution nigériane ne fait de doute pour personne.
« Elles ont l’impression d’avoir été bernées »
Cinq mois plus tard, fin septembre, la décision du préfet est tombée. Sur les 16 dossiers, 14 avaient été refusés. On nous a clairement dit que ce qui bloquait, c’était le fait que ces femmes soient sous obligation de quitter le territoire français [OQTF] ou en procédure Dublin [elles doivent demander l’asile dans leur pays d’arrivée dans l’Union européenne, ndlr]. Quand elles ont reçu leur notification, elles sont venues nous voir en larmes, elles étaient effondrées. D’autres ne nous parlent plus du tout, elles ont l’impression qu’on les a bernées. Non seulement on leur a donné un espoir pour rien, mais elles se retrouvent dans une situation encore plus dangereuse qu’auparavant. Ces femmes sont extrêmement vulnérables. Elles ne peuvent pas travailler, ni se loger, ni se prostituer dans la rue au risque de se faire agresser.
Dans le département des Alpes-Maritimes, la question de la poussée migratoire est réelle, avec ce qui se passe à la frontière italienne. Les parcours de sortie n’ont été vus qu’à travers cette politique de contrôle de la migration : la préfecture craignait que le dispositif soit instrumentalisé et encourage la régularisation de personnes qui ne se sont jamais prostituées. Mais on parle au maximum d’une cinquantaine de cas par an sur tout le territoire national. C’est dérisoire. Surtout, ça envoie un message très négatif aux trafiquants et aux autres personnes qui se prostituent : ça veut dire que même quand on a fait tous les efforts possibles et imaginables, on restera dans la situation dans laquelle on est, simplement parce qu’on n’a pas de papiers.
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