Bourse du travail, Paris 10e – Il est précisément 20h43 quand Frédéric Lordon s’installe à la tribune de la Bourse de travail, devant 500 socios survoltés. Il y a deux ans, c’est ici que l’économiste avec François Ruffin, directeur de la publication de Fakir (re)converti député France Insoumise, posaient les jalons de Nuit Debout. Une occupation de la Place de la République qui avait animé la vie politique française pendant près de deux mois.
D’emblée, l’intellectuel prévient :
« On ne va pas faire une nouvelle version de Nuit Debout. Vous savez ce que disait Marx. »
Pour ceux qui l’ignorent, l’intellectuel, dans le 18 Brumaire de Napoléon Bonaparte, mettait en garde ses contemporains auxquels venaient l’envie de faire bégayer l’histoire en annonçant, prophétique, que les grands évènements se répètent deux fois :
« La première fois comme tragédie, la seconde comme farce. »
Grosse ambiance. / Crédits : Tomas Statius
Déjà-vu
Si la citation prend tout son sens, c’est qu’il y avait comme une atmosphère de déjà-vu dans les travées de la Bourse du commerce ce mercredi 4 avril 2018. Le vendredi 30 mars 2018, Ruffin appellait sur Twitter à une réunion à la Bourse du travail. Rapidement, l’événement rassemble près de 1500 participants sur Facebook.
En pleine grève des cheminots, est née l’idée de remettre le couvert expliquent les deux hommes, à tour de rôle. « On est là parce qu’on se sent requis », lance un Lordon tout feu tout flamme. À 18h30, la salle est comble alors qu’une fanfare entonne à tue-tête le top 50 des manifs. Ils sont quasiment autant à patienter dehors. Sur les bancs, on retrouve des visages connus du monde de Ruffin : des anciens de Nuit Debout, les membres de la compagnie Jolie Môme, les journalistes de Fakir… Mais aussi de nouvelles têtes, à commencer par les députés France Insoumise, Eric Coquerel, Adrien Quatennens et Alexis Corbière. « Le ciel bas de la politique pèse sur nous. On est là pour faire sauter le couvercle », lance François Ruffin, chemise blanche rentrée dans son jean noir, en guise d’introduction avant de céder l’estrade.
Convergences des luttes
Deux heures durant, cheminots, étudiants, postiers, infirmier, chauffeur VTC, employés d’Ephad, de Carrefour ou militant de Greenpeace se succèdent à la tribune pour parler de « leurs luttes » et appeler à la « convergence ». « Ce gouvernement étrangle nos hôpitaux. Il organise le déficit. Il n’y a pas un jour où il n’y a pas de luttes des personnels. C’est une lutte invisible », lance ainsi Catherine, infirmière à Lyon. « À force de grève, nous avons réussi à faire plier le groupe pour lequel on travaille [le groupe Holiday Inn, au terme de 111 jours de grève, ndlr]. Les cheminots arriveront aussi à faire plier Macron et on les aidera », annonce de son côté Mirabelle de la CNT
« Nous, on vit la convergence des luttes au quotidien. Venez et on va les avoir », lancent les étudiants de Tolbiac, une antenne de Paris 1 occupée depuis 3 semaine. « Comment on en finit avec tout ça ? On fait feu de tout bois », conclut Gaël Quirante, ex-postier des Hauts de Seine.
Nuit Debout revient
Au terme de deux heures d’assemblée générale, François Ruffin dévoile son plan de bataille. Etape 1 : une manifestation le 5 mai 2018, « la fête à Macron ». « Nous voulons le débordement général. Il faut dire à ceux qui sont seuls qu’il y a une issue. Luttez, luttons parce que c’est le moment », lançait quelques minutes plus tôt Frederic Lordon en conclusion de son intervention.
Pour l’étape 2, il faudra attendre. « Mais qu’est ce qu’on fait le 5 mai au soir ? », interroge le député :
« Nous on a déjà quelques petites idées mais on attend les vôtres. »
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