37 rue du disque, Paris 13e – Le son des tambours nous guide dans les méandres du parking. Sous la direction d’un chef d’orchestre, une dizaine d’adolescents, armés de leurs instruments de musique aux pompons rouges, répètent. « On va reprendre avec les cymbales pour l’escorte de Bouddha », commande Dany, 27 ans, en battant la mesure. Dans ce sous-sol du 13e arrondissement, l’Association des résidents de France d’origine indochinoise (Arfoi) prépare la traditionnelle parade du nouvel an chinois programmée pour ce dimanche 25 février.
Tambours et cymbales sont de sortie / Crédits : Sébastien Pons
L’entrée du temple taoïste a vue directe sur les voitures du parking. Ce lieu de culte appartient à l’Arfoi. « Notre association [créée en 1982] étant la plus ancienne, on est en première et dernière ligne de la parade », fanfaronne François Leganne.
Theeee paaaaaarrttyyy / Crédits : Sébastien Pons
Au total 17 associations et 2.000 personnes défileront le jour J. L’évènement regroupe des représentants des communautés laotiennes, vietnamiennes, cambodgiennes, chinoises et taiwanaises. Le parcours fait une boucle. « Il part avenue d’Ivry, puis se rend avenue de Choisy, boulevard Masséna et retourne à avenue d’Ivry », détaille, entre deux appels, Daniel Tran, président de l’association. Sur le bord des routes, près de 200.000 spectateurs sont attendus.
À l'entrée du Temple / Crédits : Sébastien Pons
Le défilé c’est du sérieux. « Ce samedi après-midi c’est la quatrième répétition musicale pour le nouvel an. On accompagne Bouddha depuis sa sortie du temple », précise Dany, chef d’orchestre du jour. La manoeuvre est délicate. Pas moins d’une dizaine de porteurs sont nécessaires pour soulever avec délicatesse la statue de Xuantian Shangdi, un savant âgé́, également connu sous le nom de l’Empereur Zhenwu. Chaque mouvement doit être contrôlé : le simple effleurement d’une porte serait un signe de mauvaise augure pour l’année à venir.
La statuette de l'empereur est plutôt maous / Crédits : Sébastien Pons
Parmi les musiciens, deux cousines, Valentine et Jessie, 17 ans toutes les deux, aux cymbales. Elles en sont à leur quatrième édition. « D’habitude on participe juste à la marche. C’est long. Avec la musique, ce sera déjà plus sympa », s’enthousiasme Valentine :
« Au début, nos parents nous trainaient de force, puis maintenant ça nous fait plaisir. »
À la répétition / Crédits : Sébastien Pons
L’occasion pour les deux jeunes filles de se faire un peu d’argent de poche : 50 euros. « Le jeune est avant tout bénévole, ils font ça pour le plaisir », grogne Daniel Tran. « C’est la tradition en Asie, on offre une enveloppe rouge avec une petite somme. Ce don est censé porter chance à celui qui le reçoit pour la nouvelle année », complète Dany, le regard rieur.
À l'intérieur du temple / Crédits : Sébastien Pons
"Dessine moi un mouton" / Crédits : Sébastien Pons
À l’intérieur du temple, autre ambiance. Au pied de chacun des 6 Bouddhas, des bâtons d’encens crachent leur fumée, des fruits et des brioches déposés en offrandes.
Sous encens / Crédits : Sébastien Pons
Au matin de la nouvelle lune, le 16 février, premier jour de l’année, le temple est envahi par une forte odeur d’encens. De figures mythiques en figures mythiques, les croyants viennent se recueillir. Tout au long de la journée, on évacue les offrandes vers les cuisines pour laisser la place aux arrivants, les bras chargés de fruits, riz et bidons d’huile.
Sur fond de musique, dans les bureaux de l’association – au-dessus du temple – trois vieilles dames s’activent au milieu des tables et des cartons. La salle est littéralement remplie de ces caisses rectangulaires aux sinogrammes chinois. « On trie et étiquette chaque costume pour les confier aux 600 jeunes qui se sont inscrits depuis novembre », se réjouit Suzanne Legalle, avant d’ajouter :
« Les costumes sont achetés en Chine et réutilisés d’années en années. Il faut en prendre soin car ça coûte cher. »
Une femme et des cartons / Crédits : Sébastien Pons
Made in China / Crédits : Sébastien Pons
Pour promouvoir la parade, l’association a prévu de placarder une centaine d’écriteaux dans Paris. Celui qui s’y colle ? C’est Julio, un ex-SDF accueilli par l’association. L’homme fait le mariole au nez et à la barbe du président et du secrétaire.
« Je suis un bon à rien, mais je vais coller des affiches pour le nouvel an », s’esclaffe-t-il, n’hésitant pas à faire un bras d’honneur aux dirigeants qui lui demandent de se taire.
Sous le béton, la fête / Crédits : Sébastien Pons
Coucou, c'est moi / Crédits : Sébastien Pons
« Comme Julio, je suis un boat-people. Nous sommes déracinés, on n’a pas de famille. Tout ce qui tourne autour du nouvel an, ça nous permet de partager des moments de convivialité, de ne pas être seul », glisse François.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER