Et si le Tour de France cycliste faisait étape au pied des tours de Bagatelle, à Toulouse ? Le défi que s’est lancé Laurent Girard s’apparente à grimper un col hors catégorie sans entraînement. « C’est une fête populaire qui ne passe pas dans les quartiers populaires, ce n’est pas logique », regrette ce dernier, à la tête de Média Pitchounes depuis 2002. L’association, située dans le quartier prioritaire de Bagatelle, emmène les jeunes assister à certains matchs de football aux côtés de supporters de l’équipe adverse. Une manière de promouvoir « l’éducation citoyenne par le sport ».
La génèse du projet
« Un jour à l’asso, je regardais le Tour sur mon ordinateur et les jeunes me disaient que c’était un sport de vieux et que c’était nul », rembobine Laurent Girard. Alors, en 2009, il décide de leur faire découvrir la petite reine :
« Je les ai emmenés camper sur une étape dans les Pyrénées pour qu’ils se fassent une idée. Quand il fait beau, ils voient les Pyrénnées de chez eux mais n’y étaient jamais allés. »
Le début d’une idylle. Par le biais de la fondation FDJ, Média Pitchounes se rend ensuite sur la Route du Sud, course cycliste historique du calendrier français. Puis, en 2010, l’asso se fait inviter deux jours sur le Tour de France par l’organisateur Amaury Sport Organisation (ASO). C’est à ce moment là que naît l’idée de faire venir l’épreuve dans leur quartier. Depuis, Média Pitchounes se rend tous les ans sur le Tour. L’an dernier, Jade élève de 3e, était du voyage :
« Je connaissais le Tour de France, mais je ne regardais pas. Quand je suis rentrée chez moi [en juillet dernier], j’ai suivi tous les jours l’étape du matin jusqu’au soir. »
« 135 jeunes de 10 à 18 ans » sont impliqués depuis 2009 dans le projet « le Tour au pied des tours ». Quand ils sont sur les routes du Tour de France, les jeunes tiennent un petit site où ils publient interviews de cyclistes et reportages. Ils profitent aussi de l’occasion pour défendre leur projet auprès des organisateurs.
Les pitchounes en action. / Crédits : Média Pitchounes
Les pitchounes font du lobbying
En 2017, Toulouse s’est officiellement portée candidate pour accueillir une étape du tour. L’occasion parfaite pour Média Pitchounes et le quartier de Bagatelle. Pour rendre réel leur rêve, ils doivent convaincre l’organisateur – ASO -, ainsi que la municipalité et la préfecture. L’asso multiplie les échanges avec ces trois acteurs. Et ça semble en bonne voie. Joint par StreetPress, Nicole Escassut, déléguée du préfet chargée du quartier de Bagatelle, semble emballée :
« Cela serait un signe fort et extraordinaire de donner une autre image de ce quartier populaire. Nous soutenons cette association dans le cadre de la politique de la ville, elle propose vraiment une activité singulière d’éveil à la citoyenneté. »
Elle précise toutefois ne pas s’être encore entretenue avec le préfet à ce sujet.
Les élus sont partagés
À la mairie, même son de cloche pour l’adjoint en charge des loisirs et de la diversité, Djillali Lahiani. L’élu LR, qui a grandi à Bagatelle, reconnait que l’image du quartier peut refroidir certains élus. Mais il promet que l’argument « sera vite levé » :
« La question qui peut se poser est celle de la sécurité et de la logistique. »
Il semble que le quartier ne réunit pas les critères techniques pour qu’y soit organisée une arrivée, mais rien ne semble empêcher qu’un départ s’y tienne. Djillali Lahiani abonde :
« Nous pensons que c’est faisable. Nous sommes en train de monter tous les arguments pour que le tour passe par Bagatelle. »
Sauf que le projet ne fait pas encore l’unanimité au conseil municipal. Ainsi, Laurence Arribagé, l’adjointe aux sports en charge du dossier, semble moins emballée et renvoie la balle à ASO. « Ce sera l’organisateur qui choisira les sites (que ce soit pour une arrivée ou un départ) au regard des contraintes du cahier des charges », explique-t-elle par mail. ASO aurait donc le dernier mot ? Pierre-Yves Thouault, directeur adjoint en charge du cyclisme et bras droit de Christian Prudhomme, le patron du tour, à ASO est moins catégorique :
« Ce sont vraiment les élus qui nous guident. Le choix du lieu d’arrivée et de départ se fait en collaboration étroite avec la ville. On n’impose rien, sauf que ça convienne au niveau de la technique et de la sécurité des coureurs. »
Et l’idée de voir le Tour de France faire étape à Bagatelle le séduit. Quant à Laurent Girard, il vise encore plus haut. Si le projet aboutit à Bagatelle en 2019, il souhaite que lors de toutes les éditions suivantes, « une ville soit valorisée par son quartier populaire et qu’une étape s’y arrête ».
De futurs grands journalistes. / Crédits : Média Pitchounes
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