Des rames de métro bondées le matin, des usagers incapables de grimper dans un wagon… Il y a six ans, être un étudiant matinal n’était pas une mince affaire. En cause : un pic de fréquentation entre 7 h 40 et 8 heures, particulièrement intense à l’arrêt de l’université. Quelques pourparlers plus tard entre les gestionnaires du métro et l’université, les horaires de cours ont été changés. Les premières et deuxièmes années ont cours à 8 h 15, les autres, à 8 h 30. Tout ça grâce à l’analyse de données récoltées par la ville. Richard De Logu, qui préside l’asso Bug centrée sur l’innovation sociale et numérique, raconte :
« Une donnée en soi ne sert à rien, tout dépend de ce que l’on veut en faire. Il faut raconter une histoire et les données récoltées appuient le récit. »
Et si la capitale bretonne était la capitale de l’open data ? Rennes est pionnière dans l’utilisation des données publiques, et de nombreux habitants en sont devenus gagas… Ils en tirent analyses, graphiques, applis ou cartes, comme celle permettant d localiser tous les waters publics de la ville. Futé. D’autres utilisent des capteurs pour mesurer la qualité de l’air ou s’élèvent contre des boîtiers traçant leurs déplacements en ville.
Dans ce guide, on recense aussi tous les lieux cools où passer une tête quand on s’intéresse au collaboratif : fablabs, atelier de réparation de vélos, outilthèque… Bonne lecture !
Data-analyste
Et Rennes a été pionnière : c’est la première ville à avoir rendu publiques ses données, dès 2010. Depuis 2015, toutes les villes de plus de 3 500 habitants doivent faire de même. C’est ce qu’on appelle l’open data. En bon français, les données publiques. Fréquentation des bibliothèques, menu des cantines scolaires, subventions octroyées aux associations : tout peut faire l’objet d’un tableau Excel… pas forcément très clair. Faire de l’indigeste du comestible, c’est le dada de Colin Fay. Son métier : data-analyste, justement. Il est aussi à l’origine du collectif Data Bzh.
« De plus en plus de collectivités doivent créer des sites web pour publier leurs données, elles investissent des sommes non négligeables pour cela, mais personne ne s’en sert. Avec les deux autres bénévoles de l’association, on publie sous des formes simples ces données pour que tout le monde puisse les comprendre et s’en servir à nouveau. »
Un changement d’emballage qui permet de mieux observer l’évolution de la qualité de l’air à Saint-Malo ou la fréquentation du festival des Transmusicales.
« Quand on a utilisé les données des Trans’, le festival nous a dit qu’on était les premiers à s’en servir. Pourtant, ça faisait un moment qu’elles étaient accessibles. C’est dommage. »
Chaque chose à sa place / Crédits : Kevin Niglaut
Data Bzh est partie d’une question simple : ce festival est-il réellement un découvreur de talents comme il aime à le dire ? Derrière leur ordi, cette bande d’informaticiens a recensé les groupes programmés qui n’avaient pas encore sorti d’album.
« Et, de fait, il y en avait un nombre non négligeable. Comme quoi, les Trans’ méritent bien leur réputation. »
Y a des frites ?
D’autres locaux se sont pris au jeu, comme le développeur Sylvain Huot, qui a un beau palmarès. Il a par exemple créé l’appli Y’A D frites, qui permet tout bonnement de savoir ce qu’il y a au menu à midi à la cantine… Ou Saint-Malo VPVB, pour connaître le point de collecte de verre ou de vêtements le plus proche. Avec du savoir-faire et de l’imagination, on peut faire un peu ce qu’on veut. Sachez qu’il existe déjà une carte des toilettes publiques rennaises.
Transformers breton / Crédits : Kevin Niglaut
On peut aller plus loin, en réalisant carrément une enquête statistique. C’est l’ambition de l’association Bug qui explique au commun des mortels comment fonctionne le monde numérique et ce qu’on peut faire avec. Pour Richard De Logu, l’enjeu est d’abord d’œuvrer pour la transparence de notre société.
« Il est bien normal que les données collectées par les collectivités soient publiques étant donné qu’elles nous concernent, nous, citoyens. C’est nous qui les produisons. Et pour un avoir un débat démocratique vivace et argumenté, tout le monde doit avoir accès, de manière simple, aux mêmes informations. »
Pour en parler, il préfère quitter son bureau bordélique « mais organisé » pour discuter au LabFab, lui, fort bien rangé. Pour lui, l’open data, c’est un peu comme les statistiques de l’Insee sauf « que c’est gratuit et que cela concerne toutes les informations publiques, c’est une véritable mine d’or ». Encore faut-il savoir s’en servir.
« C’est comme un puzzle, s’il manque une donnée dans votre tableau, vous êtes bloqué ; l’open data c’est vraiment vraiment – vraiment ! – fastidieux, mais lorsque le puzzle est complet, vous avez des arguments pointus et inattaquables. »
Mini Faucon Millenium / Crédits : Kevin Niglaut
Formation
Par exemple, Bug a utilisé la base de données de la métropole de Rennes sur le budget alloué aux associations et ses propres statistiques pour savoir combien de contrats aidés comptent les associations rennaises. Ordi sous la main, il pointe les graphiques sur l’écran :
« Tout de suite, ça devient plus concret quand on entend le gouvernement annoncer la suppression des contrats aidés, on peut savoir combien de personnes sont concernées et combien d’associations risquent d’être en difficulté, car elles n’ont bien souvent qu’un seul salarié… en contrat aidé. »
King of data / Crédits : Kevin Niglaut
Le hic, c’est que même si le résultat est intéressant, avant d’en arriver là, c’est le parcours du combattant, surtout pour les novices. Colin Fay de Data Bzh tente de fournir un maximum d’outils :
« À chaque fois que l’on poste un graphique sur notre blog, on explique comment on est arrivé à ce résultat, quel logiciel on a utilisé ; mais c’est vrai que ça reste compliqué. »
Le mieux est encore de s’y frotter pour apprendre, soit en mode détente en passant au hackerspace, soit en mode hyper motivé en contactant l’asso Bug ou le collectif Data Bzh.
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