Depuis lundi, dans les couloirs du 101 rue de l’Université, à deux pas du Palais Bourbon, Eric Alauzet a de quoi se sentir bien seul dans son petit bureau du premier étage.
Il y a encore quelques jours, ses collègues écolos bossaient dans les bureaux juste à côté. Mais les législatives de dimanche ont tout balayé. Aucun candidat d’Europe Ecologie les Verts n’a été élu. A l’image de son ex-voisine de bureau, la députée apparentée écolo du Calvados, Isabelle Attard, battue dès le premier tour malgré le soutien de toutes les formations à gauche. Anciens du parti, François de Rugy, Barbara Pompili, Paul Molac, François-Michel Lambert ont tous été investis par En Marche.
A 59 ans Eric Alauzet a lui été réélu pour son deuxième mandat. Cravate bleue assortie au costard et lunettes fines sur le nez, le député du Doubs sourit tristement : « C’est vrai que je suis le seul à avoir une tâche verte sur la carte de France. »
Celui qui n'a jamais été seul, au moins une fois dans sa viiiiiiie ! /
Pas investi par EELV
Dans les couloirs des bureaux de l’Assemblée, l’heure est aux déménagements et aux nouvelles arrivées. A l’accueil, quelques assistants parlementaires sont un poil perdus. « Comment je fais ? J’ai pas de badge mais je suis avec le député ! »
En habitué des lieux, Eric Alauzet lui est au calme. « Je ne sais pas encore si je vais changer de bureau, je me suis pas du tout occupé de l’intendance. » Par précaution, son assistante fait quand même les cartons.
Bien qu’il ait sa « tâche verte » sur la carte de France, Alauzet n’as pas été investi par le parti écolo dans la deuxième circo du Doubs. Ou plutôt, on lui a retiré. Trop « Macron-compatible » pour la direction.
« Au début de ma campagne, j’espérais une triple investiture, EELV, PS et LREM. Mais je suis vite rendu compte que ça n’allait pas être possible étant donné que LREM souhaitait des investitures exclusives ».
Déçu, Alauzet se présente finalement sans étiquette et mise du coup sur « une logique de triple soutien ». A la différence des autres candidats EELV défaits, comme Cécile Duflot, la tactique est payante. Réélu à 62,19% face au candidat Les Républicains, il est le « candidat le mieux élu de Franche-Comté ». Pas rien.
Les Verts « radicalisés et gauchisés »
Eric Alauzet est un ancien des Verts. C’est en 1988, quand quelqu’un lui propose une place sur la liste écolo pour les municipales à Besançon, que le médecin acupuncteur prend sa carte du parti. Il sourit : « Ils ont dû voir que j’étais acupuncteur et donc touché par ces questions là ». C’est bien son boulot, qu’il continue d’exercer quand il a un moment, qui développe sa fibre écolo :
« J’observais que beaucoup de maladies, déjà dans les années 80, pouvaient venir de l’environnement. Et puis dans la pensée taoïste, dans la médecine chinoise, la notion de l’environnement au sens large est un élément décisif pour la santé. C’était très naturel pour moi. »
Mais depuis quelques temps, il dit ne plus reconnaître son parti, qu’il trouve « radicalisé et gauchisé ». Il tacle Cécile Duflot, candidate malheureuse à Paris, « qui s’est trop recroquevillée sur EELV ». « Cela fait deux ans que j’exprimais mes désaccords au sein du parti ! », assure t-il. En 2016, le groupe Écologiste à l’Assemblée n’avait pas résisté aux tensions internes, entre la ligne défendue par Duflot et celle de François de Rugy. Il développe :
« Ma grosse déception c’est que l’écologie politique n’a pas su se faire une place dans ce mandat. L’écologie avait tout pour occuper un espace central. Mais trop de personnalités instables et belliqueuses, trop de tentations, de radicalisation, d’extrémisme ont donné une image un peu trouble de l’écologie. »
Lui aussi aurait pu jeter son tablier et rejoindre En Marche, mais l’homme garde les deux pieds dans la maison verte, malgré la tempête. Après la défaite de François de Rugy à la primaire de la Gauche en janvier et son ralliement à Macron, Alauzet est un peu embêté : « Dès lors que j’avais participé à la primaire, je me sentais bloqué. ça aurait été trahir que de quitter celui qui avait gagné la primaire. »
Fidèle mais pas emballé, il mène une « campagne minimaliste » pour les présidentielles. Le soir du 23 avril, c’est la délivrance : Benoit Hamon est éliminé. Son attention peut se tourner vers Emmanuel Macron, qui apporte, d’après lui, une « respiration, une vraie bouffée d’air frais ! »
Mais qu'est ce que je vais faire de tout ça ? /
Fan 2 Macron
La nomination de Nicolas Hulot au ministère de l’Ecologie l’a conforté dans sa volonté de soutenir Macron. Pas forcément proche de Hulot personnellement, mais séduit sur le fond, il pense même un moment, au plus fort de la crise chez EELV, à rejoindre sa fondation. Eric Alauzet ne tarit pas d’éloge sur l’ancien journaliste devenu l’écolo le plus bankable de l’Hexagone :
« Il a une vision bienveillante des choses. Il donne la chance aux gens d’évoluer, il ne cherche pas à clouer les gens qui ne pensent pas comme lui au pilori comme dans d’autres partis politiques. »
Tout en continuant ses fonctions dans différentes commissions et missions parlementaires (finances, contrôle des politiques publiques, financement non bancaire de l’économie), il espère « développer un pôle écologiste » au sein du groupe parlementaire LREM, dans lequel il va siéger. Avec un projet d’ouverture ? « Bien sûr ! Il pourra y avoir des gens de l’UDI, des LR, même de la France Insoumise, même s’ils ne sont pas tous écolos ! Loin s’en faut ! » S’il préfère toujours se dire « écologiste » que « En Marche », il n’a pas l’intention d’aller contre les propositions du gouvernement :
« Quand je m’engage dans une majorité, je le fais de manière loyale. Ça ne m’intéresse pas l’opposition. Je ne suis pas un frondeur ! Si je devais m’opposer sur un texte ou une loi, ce sera rare. Mais l’ai déjà fait, par exemple sur la déchéance de nationalité en 2016. »
Dans la bataille pour la présidence de l’Assemblée, il va bien entendu soutenir François de Rugy : « Il a les capacités, il a déjà été vice-président ! » En attendant, Eric Alauzel attend de pied ferme ses futurs voisins de chambrée. Il sourit :
« Je pourrais être là pour les guider, j’aime bien ce rôle de doyen. »
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