Toutes les études d’opinion l’indiquent : la crise écologique, à travers ses diverses dimensions – climatique ou sanitaire par exemple – est aujourd’hui bien mieux appréhendée par la population qu’elle ne l’était il y a quelques années. Nous sommes de plus en plus nombreux à établir un lien direct entre les dégradations de l’environnement et notre santé.
On observe aussi que le courant climatosceptique, qui nie le réchauffement climatique ou son origine anthropique, perd régulièrement du terrain dans les esprits de nos concitoyens. Si les effets politiques de cette prise de conscience restent à ce jour limités, je suis optimiste pour la suite.
Une jeunesse consciente des enjeux climatiques
Par exemple, quand on regarde les nouvelles générations, en âge de voter ou non, on constate que les jeunes sont particulièrement inquiets, ainsi qu’intéressés, par les défis écologiques auxquels nous sommes confrontés : si ce renouvellement générationnel va prendre du temps, il est sans doute pour une grande part inéluctable.
Les études montrent qu’ils sont de plus en plus nombreux à s’investir dans des causes écologiques, suivant des modes d’action forts différents, qui vont de la simple pétition à la participation à des modes d’action plus engageants et plus exigeants, tels que des expériences alternatives ou des manifestations.
L’écologie a gagné le cœur de nombreux programmes politiques
Si ce n’est pas toujours perceptible au quotidien, une profonde mutation écologique touche également le monde et les débats politiques. Si l’écologie est désormais un passage obligé des programmes électoraux, elle est même devenue le cœur des programmes des candidats de gauche.
Notamment ceux de Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon qui ont intégré l’idée qu’il n’y aurait pas de solution aux diverses crises que nous traversons sans mettre l’exigence écologique au cœur du logiciel de transformation de la société.
Si ces deux candidats ont été éliminés au premier tour de la présidentielle, c’est la première fois dans l’histoire du pays que nous avons 27 % des électeurs qui ont voté en faveur de programmes qui proposaient de mettre fin au nucléaire et de conditionner les politiques économiques et sociales au respect des exigences écologiques. C’est un événement majeur et qui aura des conséquences de long terme.
« C’est la première fois dans l’histoire du pays que nous avons 27 pourcents des électeurs qui ont voté en faveur de programmes qui proposaient de mettre fin au nucléaire et de conditionner les politiques économiques et sociales au respect des exigences écologiques »
Maxime Combes, Economiste
On me répondra que c’est une vision optimiste de la situation puisque ces deux programmes n’ont pas permis à leurs candidats d’être qualifiés au second tour. C’est exact. D’autant plus que les deux candidats qualifiés pour le second tour ne brillent pas par leur engagement en faveur de l’écologie. Marine Le Pen doute publiquement de l’origine anthropique du réchauffement climatique, veut prolonger le nucléaire et empêcher la construction d’éoliennes.
Tandis qu’Emmanuel Macron, lui, n’est pas vraiment enthousiaste à l’idée de prendre un véritable virage écologique : il refuse par exemple de soumettre ses politiques économiques de compétitivité à la mise en œuvre de la transition écologique.
Partout et nulle part à la fois
Alors que la préoccupation écologique imprègne de plus en plus l’ensemble des composantes de la société – de façon très diverse – et qu’elle était au cœur des programmes de certains candidats, elle était absente des débats politiques du premier et du second tour. Dans l’espace proprement politique, on observe un double mouvement : la plus grande présence des préoccupations écologiques et un relatif silence sur les débats politiques que cela devrait générer.
Là où des sujets comme les politiques économiques, la moralisation de la vie politique ou la probité des candidats clivent le débat public, ce n’est pas le cas de l’écologie, qui reste périphérique aux débats centraux de l’élection présidentielle.
« Là où des sujets comme les politiques économiques, la moralisation de la vie politique ou la probité des candidats clivent le débat public, ce n’est pas le cas de l’écologie »
Maxime Combes, Economiste
Jamais la crise écologique n’a été présentée de telle façon à ce qu’il y ait un débat contradictoire de qualité. Pourtant, organiser la sortie du nucléaire ou décider de poursuivre des investissements dans cette filière a de fortes implications financières (plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les deux cas), économiques, sociales (reconversion et formation des salariés) et devrait être un des sujets majeurs du moment.
Sans débat organisé, et sans présentation d’arguments contradictoires, il est difficile d’intéresser le grand public : sans conflictualité les citoyens ne le voit pas comme un sujet important qui, du coup, ne marque pas la campagne.
L’écologie en politique se trouve à un tournant
Europe Ecologie Les Verts n’est donc plus le seul parti dépositaire de l’écologie politique. A rebours, la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, et à un degré moindre Benoît Hamon et son entourage, portent une grande responsabilité dans le futur et les transformations à venir de l’écologie politique. C’est une nouvelle donne.
Mais il faut également avoir conscience que la question écologique n’est pas consignée au seul cadre partidaire. Au-delà des ONG, dont l’engagement en matière d’écologie est ancien pour un certain nombre d’entre elles, de nombreuses associations – comme Attac France – et syndicats se sont emparés de la question et ont contribué à la prise de conscience générale et à la transformation des logiciels politiques de gauche.
Il ne faut pas oublier non plus ce qu’on pourrait appeler le virage éco-territorial des luttes sociales : ce sont toutes ces mobilisations citoyennes qui mêlent un langage écologiste et une pratique de la résistance et de l’alternative inscrite dans des territoires. Le territoire n’est pas ici un confetti qu’il faudrait sauver des dégâts du productivisme, de l’industrialisation ou de la mondialisation néolibérale.
Il est au contraire l’espace à partir duquel se construisent résistances et alternatives, c’est-à-dire à partir duquel se pense et s’expérimente le dépassement des modèles économiques, financiers et technologiques insoutenables actuels. Les mobilisations contre les gaz et pétrole de schiste, contre l’aéroport de Notre Dame des Landes, contre les grands projets inutiles en sont de bons exemples.
Au lendemain de la COP21, on assiste également à une relocalisation des batailles climatiques. On a des combats ancrés sur les territoires où les gens se mobilisent contre des projets jugés à la fois contraires à l’environnement et à leurs convictions.
Cette dynamique de mobilisation, et de construction d’alternatives citoyennes (AMAP, circuits courts, agro-écologie, centrales électriques renouvelables citoyennes ou villageoises, etc) pose un défi de taille à l’écologie politique. Il est beaucoup plus difficile de coordonner des dizaines de luttes avec des gens sur des terrains locaux, que d’avoir un mouvement impulsé par le « haut ».
En France, le défi majeur pour l’écologie politique de demain est de construire un projet autour de ces luttes et alternatives locales, tout en les articulant à un discours politique plus global qui donne du sens et une perspective politiques. Quelles que soient les décisions et le futur des partis politiques de gauche, y compris EELV, l’écologie politique va de toute façon se transformer au contact de cette nouvelle situation et des nouvelles générations. L’écologie politique n’est pas morte. Elle est en profonde mutation.
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