Notre partenaire Oxfam Allemagne a constaté en se rendant directement dans des plantations de bananes et d’ananas au Costa Rica et en Equateur que les conditions de travail étaient indignes.
Les droits syndicaux sont méprisés, les salaires insuffisants, voire parfois inférieurs au minimum légal. La journée de travail peut durer jusqu’à douze heures, les syndicalistes sont harcelés et beaucoup d’employé.e.s n’ont pas de contrat de travail. En outre, il y a des disparités de salaires entre hommes et femmes.
L’usage de pesticides interdits en UE
Les ouvrier.ère.s sont mis en danger par l’épandage de pesticides alors qu’ils.elles sont sur la plantation ou en train de déjeuner à proximité.
Les propriétaires ne respectent pas le délai entre le moment où on épand des pesticides et le moment où on peut retourner sur les plantations.
Des ouvriers au Costa Rica / copyright : A. Weltz-Rombach /
Dans ces pays on persiste à utiliser des produits interdits dans l’UE comme le paraquat ou le bromacil. Ces pesticides sont extrêmement dangereux et on ne se pose absolument pas la question de leur fournir un équipement de protection adéquat.
Lidl et les autres supermarchés contrôlent le game
Il y a des plantations qui fournissent exclusivement à Lidl comme « Finca once » au Costa Rica. Lidl impose donc les prix d’achat, et cette pression pour acheter au plus bas coût se répercute sur les conditions de travail en bout de chaîne.
Lidl a le pouvoir d’influer sur les conditions de production. Or l’enseigne refuse d’assumer cette responsabilité et de s’assurer que les droits sont respectés dans ses filières d’approvisionnement.
« Lidl a le pouvoir d’influer sur les conditions de production. Or l’enseigne refuse d’assumer cette responsabilité et de s’assurer que les droits sont respectés dans ses filières d’approvisionnement »
Alice Bordaçarre, ActionAid France
Les supermarchés ont aujourd’hui une puissance incroyable dans les filières alimentaires. C’est l’acteur le plus puissant sur le marché dans la filière banane par exemple. Auparavant, ils se fournissaient auprès de gros exportateurs, des négociants (ex : Chiquita). Au fur et à mesure, ils ont eux-mêmes mis en place des filières et ont court-circuité les autres acteurs.
Les producteurs deviennent captifs de ces filières. Les supermarchés vont directement négocier les prix d’achat, les conditions d’emballage, et les autres règles liées à la commercialisation de ces fruits tropicaux. Ils en retirent une marge considérable.
L’ouvrier.ère reçoit 4% environ de la valeur d’une banane, le supermarché, lui, capte plus de 40%. On peut s’interroger sur la justesse de cette répartition au vu du travail effectué par chacun des acteurs !
Pourquoi Lidl ? Car ils sont censés respecter « le vrai prix des bonnes choses ! »
Quand on a rencontré les dirigeants de Lidl, ils nous ont dit:
« Mais pourquoi nous ? Vous bossez pour nos concurrents »
Bien évidemment ce n’est pas le cas. On s’est concentré sur eux car ils ont une communication très orientée sur la durabilité des produits, ils disent qu’ils font attention à l’impact sur l’environnement et aux conditions de fabrication.
On leur a montré, preuves à l’appui, les violations des droits du travail dans leur filière d’approvisionnement en banane et ananas en pensant qu’ils seraient sensibles à nos arguments. Mais ça n’a pas été le cas.
Lidl s’est défendu en contestant la véracité du rapport d’enquête, ce qui est une stratégie classique des entreprises que l’on confronte. Ils affirment dans les médias qu’on se base sur des photos et qu’on n’est jamais allé sur place alors qu’en privé ils savent bien que notre rapport repose sur des enquêtes poussées et sérieuses, il y a eu plus de 200 interviews des travailleurs !
Plus étonnant dans leur défense, ils ne cessent de dire qu’ils sont « tout petits » et qu’ils ne sont pas responsables. C’est une réponse étonnante quand on sait qu’au niveau européen, Lidl est le supermarché avec le chiffre d’affaire le plus important !
Lidl connaît une croissance phénoménale notamment en France. Ils développent des campagnes de pub très agressives et sont omniprésents. Lidl est le supermarché qui dépense le plus en régie publicitaire (415,1 millions d’euros bruts en 2016 ) et est devenu le deuxième annonceur en France, après Renault !
« Lidl est le supermarché qui dépense le plus en régie publicitaire (415,1 millions d’euros bruts en 2016 ) et est devenu le deuxième annonceur en France, après Renault ! »
Alice Bordaçarre, ActionAid France
C’est donc assez cynique de leur part de dire qu’ils n’ont pas les moyens de contrôler les conditions de travail chez leurs fournisseurs en conduisant des audits alors qu’ils dépensent des centaines de millions d’euros dans leur communication.
En plus, ils en ont bien la responsabilité. Les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme des Nations-Unies imposent aux entreprises de respecter les droits humains, d’éviter d’avoir des incidences négatives sur ces droits ou d’y contribuer par leurs propres activités.
La législation des pays producteurs est bafouée
Il y a bien un droit du travail en Equateur et au Costa Rica mais il est bafoué par les fournisseurs de la firme.
Certains gouvernements de pays producteurs développent pourtant des législations protectrices des droits fondamentaux comme l’Equateur qui a développé l’obligation de verser un salaire non pas « minimum » mais « vital ». Il est calculé sur la base des besoins d’une famille, pas uniquement pour se nourrir mais aussi pour pouvoir vivre dignement.
Il y a beaucoup de travailleur.se.s qui n’ont pas de contrat de travail. Dans certains pays, il y a plus de 60 % d’ouvrier.ère.s sans contrat. De nombreuses personnes travaillent au noir pour un recruteur, ce sont celles et ceux qui se trouvent dans la plus grande précarité. Il s’agit bien souvent de travailleur.se.s migrant.e.s, des Nicaraguayen.ne.s au Costa Rica notamment.
Dans beaucoup de plantations, on les rémunère à la pièce et donc au poids. Les travailleur.se.s doivent travailler plus longtemps que la durée légale pour obtenir l’équivalent du salaire minimum.
Au Costa Rica par exemple, les ouvrier.ère.s sont normalement rémunéré.e.s au salaire minimum de 9 509 colons (environ 16 €) par jour, ce salaire minimum est indexé sur une journée de travail de huit heures. Or, ils-elles sont nombreux-ses à être payé-e-s en fonction de leurs performances et travaillent donc jusqu’à douze heures pour le même salaire. Bien que le travail à la tâche soit légal, il ne doit pas compromettre le paiement du salaire minimum légal.
Le label Rainforest, un gage d’irresponsabilité de Lidl
Pour prouver leur bonne foi et nous garantir que les conditions de production respectent le droit des travailleur.se.s et l’environnement, les dirigeants expliquent qu’ils font appel à un label de certification. Il s’agit en l’occurrence ici de Rainforest, un organisme que les membres de l’industrie agroalimentaire sollicitent beaucoup car il ne coûte pas cher.
Ce label a été mis en cause à de nombreuses reprises. Ce n’est pas un label de commerce équitable qui, lui, impose le respect de critères exigeants notamment un prix minimum d’achat. Eux jouent sur les mots dans leur communication en se présentant comme un label « durable ».
Ils ont fixé leur propres règles et c’est bien souvent eux-mêmes qui contrôlent les plantations car ils ont créé une agence de certification. Ils ont indiqué vouloir évoluer vers des contrôles plus rigoureux et des standards plus exigeants et nous espérons qu’ils poursuivront bien cette démarche.
Ouvrier en Equateur / Copyright : M. Hägele, Oxfam /
Les couches populaires, cible de LIDL
On ne souhaite pas que les consommateur.rice.s qui ont un pouvoir d’achat moins élevé se sentent stigmatisé.e.s. Lidl n’est pas ciblé car il s’agit d’une enseigne de hard discount mais parce que nous avons la preuve de conditions de travail indignes chez ses fournisseurs ! Il y a quand même en moyenne 41% de la valeur d’une banane qui est captée par les supermarchés.
On demande aux distributeurs de rogner un tout petit peu sur leurs marges afin de s’acquitter d’un prix juste aux producteurs.rices, un prix d’achat qui couvre les coûts de production, ce qui permettra de garantir des salaires décents. Ainsi le consommateur ne souffrirait pas d’une hausse de prix trop importante.
Le respect des droits des travailleur.se.s, on ne peut pas rogner dessus. C’est le minimum de fournir du matériel de travail adéquat ou de garantir la liberté syndicale. Et c’est un investissement sur l’avenir des pays producteurs et donc pour l’avenir des rayons de ces supermarchés.
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