Je suis photoreporter professionnel depuis trois ans. Aujourd’hui, je suis en colère. Mon appareil photo, mon principal outil de travail donc, a été cassé par un policier armé pendant que je couvrais la manif’ du 1er mai. Et ce n’était pas un accident.
J’étais bien identifié comme journaliste
Ca s’est passé boulevard Daumesnil. Ca faisait un moment que les affrontements duraient entre les totos et les forces de l’ordre.
Je faisais des photos tranquillement, et je me suis rapproché pour avoir les images de policiers qui tiraient au LBD (les nouveaux Flash-Ball) sur un groupe de manifestants. J’étais bien identifié en tant que journaliste, j’avais pu passer tous les cordons avec ma carte d’agencier sans problème. Un CRS m’avait repéré et il ne me paraissait pas trop énervé donc je n’étais pas stressé.
A un moment, son collègue s’est retourné vers moi, et m’a crié de dégager et, dans le même temps, m’a mis un coup de pied dans la jambe. L’autre, celui qui m’avait repéré depuis un moment, a tiré sur moi au LBD, à bout portant : ils étaient à deux mètres de moi à peine. Je n’ai même pas pu réagir puisqu’il n’y a pas eu de véritable sommation, il m’a juste une nouvelle fois crié «
dégagez » une fraction de seconde seulement avant de tirer.
J’aurais pu perdre un oeil
Je ne sais pas s’il a visé autre chose si c’est l’appareil qui a pris, j’avais l’appareil en main donc au niveau du cou alors quelque part j’espère qu’ils visaient le boitier. J’aurais pu perdre un oeil ou autre donc le matos c’est un moindre mal.
C'était mon outil de travail. Un policier vient de me tirer un flashball à un mètre alors que je faisais des images de la manif #PremierMai pic.twitter.com/Jp5cYfBueZ
— Louis Witter (@LouisWitter) 1 mai 2017
Ce n’est pas normal, je fais juste mon travail. Je n’étais pas menaçant. J’ai essayé d’aller le voir quand le calme est revenu pour lui demander pourquoi il avait fait ça. Je n’ai pas eu d’explication : il m’a crié «
dégage sinon je t’allume », sous les rires de ses collègues. L’un d’eux me visait avec son LBD. Je ne voulais pas d’ennuis supplémentaires donc je suis parti.
Les manifestants se sont fait tabasser
Il faut savoir que l’accident s’est passé lors d’un moment de grosse tension. Des policiers se sont fait brûler aux cocktails molotov en début de manif’. Leurs collègues ont dû l’apprendre parce qu’ils étaient visiblement survoltés.
Pendant que je râlais sur mon appareil photos dont je tentais de ramasser les morceaux, il y a un petit nombre de manifestants qui étaient bloqués et compactés contre le mur. C’était la souricière. Les CRS balançaient des grenades à l’intérieur allègrement. Les policiers les tenaient à bout de bras et ils ne se sont pas gênés pour les tabasser.
Les photoreporter sont menacés de tous côtés, même en France
En tant que photoreporter on est menacé de tous côtés aujourd’hui quand on couvre les mouvements sociaux, un coup c’est les flics qui font pression, un autre les manifestants.
Je travaille souvent à l’international, en Irak, en Ukraine, en Colombie, et voir ce niveau de violences à Paris qui vise les journalistes, ça fait mal.
De façon plus pragmatique, j’ai été porter plainte au commissariat, notamment pour essayer de récupérer de l’argent. J’achète mes appareils d’occasion parce que je n’ai pas les moyens de les prendre neufs. Je n’ai donc pas les factures ni la garantie. Si l’appareil entier est fichu j’en ai pour 2000 balles, 300 si ce n’est que l’objectif. Ca pique au portefeuille.
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